#1 [↑][↓]  06-02-2024 14:54:20

philouplaine
Copilote
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[Réel] Défense anti-aérienne du bombardier B-17

Bonjour chers amis,
Voici la traduction d’un article un tantinet technique sur les moyens de défense anti-aérien à bord des bombardiers B-17.
J’ai pensé que ça pourrait vous intéresser.
Les illustrations sont celles de l'article original.
Bonne lecture !
Philippe



VOICI CE QU'IL FALLAIT POUR DEFENDRE UN BOMBARDIER B-17

Le maniement des mitrailleuses Browning de calibre 12,7 mm à bord d'un bombardier lourd de l'armée de l'air américaine était un travail difficile et parfois terrifiant.


Par Thomas Newdick, The War Zone, 31 janvier 2024


Article original en Anglais


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© Getty Images


Les premiers épisodes de la nouvelle mini-série TV américaine "Masters of the Air" ayant reçu des éloges considérables pour leurs séquences de combat aérien, l'histoire des forces aériennes de l'armée américaine (USAAF) pendant la Seconde Guerre mondiale est de retour dans l'esprit du public (NdT – Pendant la seconde guerre mondiale et depuis sa création en juin 1941, l’armée de l’air américaine s’appelait US Army Air Force ou USAAF pour Forces Aériennes de l’Armée. Cette appellation succédait à US Army Air Corps qu’elle avait depuis 1926, appellation qui succédait à la toute première appellation des forces aériennes américaines : l’US Army Air Service. En septembre 1947, l’USAAF est devenue l’USAF actuelle).

Dans notre première analyse critique de la série, nous avions souligné l'attention portée aux détails, en particulier dans les scènes terrifiantes de B-17 volant dans la DCA ou attaqués par des chasseurs de la Luftwaffe.

La combinaison des explosions concomitantes simulées, des éclats d'obus et des tirs de mitrailleuses évoque très efficacement le chaos des combats diurnes menés par les bombardiers US et leur équipage. Par ailleurs, les efforts frénétiques des mitrailleurs de B-17 pour défendre leur avion contre les chasseurs ennemis qui semblent lancer des attaques de tous les côtés sont également tout à fait caractéristiques de ce drame.

Dans cette optique, il convient d'examiner ce qui a motivé ces mesures défensives et comment elles ont évolué au fur et à mesure que l'offensive des bombardiers se développait, poussant la guerre toujours plus loin dans l'Allemagne nazie et l'Europe occupée.

Dans l'entre-deux-guerres, les partisans des avions bombardiers étaient convaincus que, comme l'avait dit le Premier ministre britannique Stanley Baldwin en 1932 : "Le bombardier passera toujours" (NdT – La citation exacte est : "Bombers will always get through !"). En résumé, ils pensaient que les bombardiers étaient quasiment invulnérables. De ce fait, les défenses des bombardiers eux-mêmes ont été négligées, ce qui était compréhensible vu l’état d’esprit de l’époque.


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Pour illustrer le mantra "le bombardier passera toujours", la première version d'essai du Boeing B-17, le prototype Y1B-17, n'était armée que de cinq mitrailleuses 12,7 mm montées sur des supports flexibles. © USAF


D'une manière générale, c'est dans cet esprit que les bombardiers de l'armée de l'air américaine sont entrés en guerre en Europe et, donc, sans aucune escorte de chasseurs. Les Britanniques, pour leur part, avaient appris à leurs dépens la vulnérabilité des opérations de bombardement de jour sans escorte et avaient du coup opté pour des raids nocturnes.

En l'état, les bombardiers lourds de l'USAAF qui commencèrent à effectuer des raids sur l'Europe à partir de leurs bases en Angleterre à l'été 1942 s'appuyèrent sur une combinaison de tactiques de formation - principalement la "boîte de combat" et ses variantes - et sur les mitrailleuses de calibre 12,7 mm actionnées par les équipages des B-17. Les Boeing B-17 étaient alors numériquement les bombardiers les plus importants de la huitième armée de l'air opérant à partir de l'Angleterre.


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Schéma d'une formation de combat "en boîte pour une escadrille de douze B-17 volant par groupe de trois avions. Les annotations montrent : Élément leader de tête, élément haut, élément bas, élément le plus bas. © Wikimedia Commons


La prise de conscience qu'un bombardier lourd opérant de jour, quelle que soit sa formation, pouvait assez rapidement être abattu par chasseur ennemi se traduisit par l'augmentation constante de la puissance de feu défensive du B-17. La défense du modèle B-17C était initialement confiée à quatre des omniprésentes mitrailleuses Browning M2 de calibre 12,7 mm et à une seule mitrailleuse dans la verrière du nez. La dernière version mise en service du bombardier, le B-17G, était équipée de pas moins de 13 mitrailleuses Browning de calibre 12,7 mm, tirant à une cadence de 750 coups par minute jusqu'à une portée effective d'environ 1,5 km.

Sur le B-17G, ces canons étaient placés dans une double tourelle de menton, une double tourelle supérieure au-dessus du fuselage, une double tourelle sphérique ventrale (appelée "ball turret" par les Américains), une double tourelle de queue, ainsi que quatre mitrailleuses à simple canon pouvant être mises en position de chaque côté du fuselage près du nez du bombardier, dans le compartiment radio de la partie supérieure du fuselage et de chaque de la partie arrière du fuselage. En règle générale, la tourelle ventrale et la tourelle de queue étaient actionnées par des artilleurs spécialisés, tandis que les autres canons étaient actionnés par n’importe quel membre de l'équipage en fonction des besoins.


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Un B-17G du 306ème Bomb Group, équipé d'une tourelle de menton, d'après une photographie datant de novembre 1943. La légende originale se lit comme suit : "La nouvelle tourelle de menton - ainsi nommée parce qu'elle est placée sous le menton de l'avion - est le dernier ajout à l’armement de défense de la Forteresse volante. © USAF

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Sur cette photo datant de septembre 1944, un homme d’équipage du B-17 vise avec sa mitrailleuse à canon unique disposée dans un emplacement prévu à cet effet dans la verrière en plexiglas au-dessus du compartiment radio dans la partie supérieure du fuselage. © Getty Images


La tourelle supérieure et la tourelle sphérique ventrale étaient actionnées par un système électrohydraulique et pouvaient amener les canons sur une cible très  rapidement, en se déplaçant à une vitesse d'environ 50 degrés par seconde et en étant alimentées électriquement en munitions. La tourelle de queue était actionnée manuellement, tandis que les autres canons entraînables étaient montés sur des affûts pivotants, ce qui signifiait que leurs servants disposaient d'un champ de tir limité et devaient lutter contre les embardées de leurs avions en essayant d'avoir l'ennemi toujours dans leur ligne de mire. Ces viseurs étaient initialement du type primitif à anneaux et à billes, remplacés plus tard par des viseurs à réflecteur, ce qui rendait le tir anticipé plus fiable (NdT – Le tir anticipé, traduction de deflection shooting, consiste à viser en avant d’une cible mouvante afin de l’atteindre avec une plus grande probabilité. En raison du temps de vol des balles de la mitrailleuse, le mitrailleur doit viser le point en avant de l’avion ennemi où, selon lui, l’avion ennemi se trouvera lorsque ses balles y arriveront afin de l’atteindre. Il fallait au mitrailleur du B-17 apprécier la distance le séparant du chasseur ennemi, apprécier la vitesse du chasseur et connaître la vitesse des balles qu’il tirait. Tous les membres d’équipage des B-17 connaissaient ces tables par cœur).


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L'équipage dans le nez d'une des premières versions du B-17 juste avant l’entrée en guerre des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Le peu d'espace disponible pour le canon monté dans la verrière du nez est bien évident. Le tireur n’a que très peu de place à côté de l’officier bombardier. © Getty Images

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L’artilleur spécialisé assis à son poste de combat dans la tourelle sphérique ventrale d'un B-17, en septembre 1944. © Getty Images

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Illustration datant de la guerre de la tourelle sphérique ventrale Sperry du type de celles qui équipaient les B-17 Flying Fortress et les B-24 Liberator. La position assise en fœtus du tireur et le mécanisme d'alimentation en munitions par le dessus de la tourelle sont ici bien mis en valeur. © Alfred D. Crimi, illustration pour les manuels de l’USAAF


Malgré l'impressionnante concentration de puissance de feu, un bombardier individuel restait très exposé, en particulier lors de son approche de la cible, lorsqu'il devait voler en ligne droite et en palier.

La formation en "combat box", 36 avions par 36 avions, a donc été rapidement développée pour assurer une protection mutuelle, avec des arcs de feu imbriqués fournis par des bombardiers volant en formation et échelonnés à différentes altitudes. Les chasseurs de la Luftwaffe se trouvaient ainsi confrontés à un problème bien plus important et les bombes étaient livrées à une plus grande proximité de la cible choisie. Ce dernier point était particulièrement important compte tenu de l'altitude élevée à laquelle ces raids étaient généralement menés. Cependant, ces tactiques exigeaient également que les bombardiers restent en formation rigide pour réussir, ce qui était contre-intuitif lorsqu'ils étaient attaqués par des chasseurs ou par des tirs affreusement concentrés de la Flak depuis le sol.

Finalement, avec l'augmentation du nombre de bombardiers en vol simultanément, la formation en combat box initiale a été affinée pour devenir la "boîte d'aile", comprenant trois boîtes de 18 avions en quinconce pour un total de 54 bombardiers. Ce système était particulièrement difficile pour les équipages, car les bombardiers serrés les uns contre les autres se heurtaient aux turbulences et les bombes larguées depuis une formation plus haute risquaient de venir frapper les avions volant en dessous. Cependant, lorsqu'il était bien formé, chaque caisson d'aile fournissait à tout moment un total de pas moins de 700 mitrailleuses défensives qui pouvaient être utilisées contre tout chasseur se risquant à l’attaquer. C’était devenu une défense formidable.


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Berlin 19 May 1944. Le B-17 Miss Donna Mae II (du 94ème Bomb Group) a été bombardé par inadvertance depuis la formation du dessus. La bombe a brisé le stabilisateur horizontal gauche et a causé un départ en piqué prononcé du bombardier qui s’est écrasé. © Wikipedia

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Vue de l'intérieur d'un flot de bombardiers B-17 en plusieurs "combat boxes" pendant la Seconde Guerre mondiale quelque part au-dessus de l’Europe. Il s’agit ici de bombardiers du 493ème Bomb Group de la 3ème division bombardement de la 8ème Air Force. © USAF


Outre les bombes qui tombent, un autre risque était d’être touché par un tir ami, un tir fratricide. Si les tourelles d'artillerie des bombardiers étaient conçues pour tirer sur des arcs de cercle garantissant que, par exemple, la dérive de l'avion ne soit pas touchée, il n'en allait pas de même pour les autres bombardiers qui volaient à proximité. Dans un échange de tir un peu vif, il pouvait arriver que malencontreusement un mitrailleur touche un bombardier voisin.

D'autres changements furent alors apportés à la tactique de la combat box initiale, notamment des formations plus lâches de 27 ou 36 avions lorsque le feu de la Flak se faisait trop intense et que els chasseurs n’étaient plus la principale menace pour les bombardiers. La nécessité d'un plus grand espacement s'explique par le fait que la détonation d'un seul obus antiaérien provenant d'un canon de DCA pouvait potentiellement détruire plus d'un bombardier. Lorsque les groupes Pathfinder guidés par radar sont devenus disponibles, ils ont également permis aux bombardiers d'opérer avec une plus grande distance entre eux et d'atteindre leur cible avec une précision raisonnable, même par mauvais temps. Ainsi la distance entre deux formations en combat box à l’approche de la cible était de 4 miles nautiques (près de 7 ½ km).


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En 1943, l’équipage d'un B-17 du 306ème Bomb Group se tient sous l'aile endommagée par les tirs de DCA de leur B-17, surnommé "Holy Hellcat", en 1943. © USAF


Quelle que soit la tactique adoptée, le processus de mise en formation compacte des bombardiers était loin d'être facile. Un entraînement considérable était nécessaire au préalable et, pour les missions elles-mêmes, l'assemblage des bombardiers dans leurs combat box nécessitait beaucoup de temps et d'énergie de la part des équipages et consommait un carburant précieux. Selon certains témoignages, il fallait environ une heure pour se mettre en formation au début d'une mission. Des "avions d'assemblage" peints de façon particulièrement vive furent notamment utilisés dans les premiers temps pour faciliter le processus.

Dans le même temps, la Luftwaffe adapta ses tactiques d’attaque pour faire face aux formations de bombardiers de l'USAAF, plus nombreuses et mieux armées. Les pilotes de chasse allemands passèrent alors à la tactique des attaques "tranchantes" à grande vitesse, consistant comme à trancher la combat box attaquée en passant à toute allure au milieu de la formation.


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Maquette d'un B-17 avec un treillis de fil de fer montrant les différenst angles de tir de ses mitrailleuses défensives, utilisée pour la formation des pilotes de chasse des Focke-Wulf Fw 190 de la Luftwaffe, vers 1943-44. © Archives fédérales allemandes


Malgré la presque totale absence d'opposition rencontrée par les chasseurs de la Luftwaffe au début des campagnes de bombardement de l'USAAF, abattre un aussi gros avion qu’un B-17 ou B-24 était loin d’être une tâche aisée. Un rapport de la Luftwaffe de cette époque indiquait qu'il fallait environ 20 coups de canon de 20 mm (bien plus destructeurs que les mitrailleuses des bombardiers) au but pour détruire un bombardier lourd de l'USAAF lors d'une attaque par l'arrière. Dans le même temps, un pilote moyen de la Luftwaffe ne touchait un bombardier qu'avec environ deux pour cent des obus qu'il tirait, ce qui signifie qu'il fallait 1 000 obus de 20 mm pour assurer la destruction d'un seul bombardier américain. Or un chasseur Fw 190 de la Luftwaffe n'emportait que 500 obus de 20 mm.

Il convient également de noter qu'en plus de l'ajout de canons défensifs, les bombardiers reçurent également un blindage plus important et amélioré, ce qui rendait la tâche de la Luftwaffe encore plus difficile.


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Un Focke-Wulf Fw 190 vient de toucher un B-17G de l'USAAF lors de la mission de l’USAAF contre l'usine d'avions AGO Flugzeugwerke à Oschersleben, en Allemagne, le 11 janvier 1944. © USAF


Attaquer un bombardier de front offrait de meilleures chances au pilote de la Luftwaffe, car l'armement défensif vers l'avant était plus limité et son blindage moins efficace car comprenant beaucoup de verrières. Selon les études de la Luftwaffe, quatre ou cinq impacts de 20 mm suffisaient à détruire un bombardier lors d’une attaque de face. Toutefois, ce problème fut également abordé dans le cadre du programme d’amélioration du blindage des bombardiers "lourds" de l'USAAF, et abouti notamment à l’installation d’une tourelle de menton sur les B-17.

Une fois de plus, alors que les bombardiers de l'USAAF ajoutaient des mitrailleuses, la Luftwaffe augmentait à son tour sa puissance de feu, en ajoutant davantage de munitions, des canons de calibres de plus en plus lourds et, plus tard, même des roquettes air-air. Ces initiatives étaient peut-être motivées par la nécessité de disposer d'armes lourdes susceptibles de détruire un bombardier lourd en un seul passage, mais elles dépassaient de plus en plus les capacités des armes défensives des bombardiers.

Heureusement pour la huitième armée de l'air, la fusée de 21 cm, malgré sa grosse taille, n'était pas très fiable. En action, la roquette Werfergranaten WfG. 21 de 21 cm s'est avérée relativement inefficace. "Elle a abattu peu de bombardiers, mais elle a souvent endommagé les avions suffisamment pour les forcer à quitter la formation afin que d'autres chasseurs puissent les achever", a rappelé l'historien de l'aviation Alfred Price.


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En 1943, un chasseur Fw 190 de la Luftwaffe est armé de roquettes Werfergranaten WfG. 21 de 21 cm, destinées à l’attaque des bombardiers lourds. © Archives fédérales allemandes


En octobre 1943, un raid de la huitième armée de l'air contre le centre de production de roulements à billes de Schweinfurt, dans le sud de l'Allemagne, démontra aux commandants de l'USAAF qu'une approche différente était absolument nécessaire pour assurer la survie des bombardiers.


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Des B-17F de l'USAAF en formation au-dessus de Schweinfurt, en Allemagne, lors du premier raid sur le centre de production de roulements à billes, le 17 août 1943. © USAF


À cette époque, à la mi-1943, les bombardiers de l'USAAF disposaient déjà d'escortes de chasseurs, mais, comme le démontra ce raid sur Schweinfurt, les chasseurs de protection étaient trop peu nombreux et leur rayon d'action trop court pour assurer une protection adéquate tout le long de la mission des bombardiers.

En octobre 1943, lors du second raid de Schweinfurt encore appelé le Black Thursday au sein de l’USAF, 291 B-17 furent envoyés sur la cible. Sur ces 291 B-17, 60 ne revinrent jamais (près de 1 sur 5), 17 furent endommagés de manière irrémédiable et 121 autres furent endommagés à un degré ou à un autre (près de 1 sur 2). Un pourcentage impressionnant de 22 % des équipages des bombardiers impliqués - environ 600 hommes sur 2 900 - furent tués lors de cette mission de bombardement.


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Un B-17 revient du raid contre Schweinfurt, en Allemagne, le 14 octobre 1943, une opération connue sous le nom de "jeudi noir" pour "Black Thursday". © USAF


L'USAAF réagit à ces terribles pertes en suspendant les raids diurnes de bombardiers sans escorte dans les profondeurs de l'Allemagne pendant 4 mois jusqu'en février 1944. Lorsqu'ils reprirent, les chasseurs d'escorte à long rayon d'action P-51B étaient désormais là disponibes pour fournir aux B-17 la protection défensive rapprochée dont ils avaient tant besoin. Volant en tête des formations de bombardiers, les P-51 finirent par arracher le contrôle du ciel à la chasse de la Luftwaffe. Ils furent aidés en cela par le fait que le cours de la guerre commençait à se retourner contre l'Allemagne de manière plus nette, la privant des ressources dont elle avait besoin pour tenter d'entraver l'offensive des bombardiers alliés.

Entre février et juin 1944, cette combinaison de facteurs permit finalement aux B-17 d'émerger en tant que ressource de survie. Après les raids réussis de la "Grande semaine" du début de l'année 1944, Berlin pouvait désormais être dans la ligne de mire de l'USAAF. Le premier raid de la huitième armée de l'air US sur la capitale du Troisième Reich eut lieu en mars.


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Le Mustang P-51D "Tika IV" piloté par le lieutenant Vernon Richards, servant au sein du 374ème escadron de chasse de la 8ème Air Force. © USAF


La réponse de la Luftwaffe devint désormais assez symbolique. Le Messerschmitt Me 262 à réaction, armé de canons lourds et de roquettes, fut un redoutable destructeur de B-17, mais il fut déployé en trop petit nombre et trop tard pour être significatif et ses opérations furent fortement entravées par les pénuries de pilotes et de carburant. Le Me 163, équipé de fusées, offrait quant à lui des performances fulgurantes qui lui permettaient de traverser sans encombre les flux de bombardiers, mais il s’avéra plus meurtrier pour ses pilotes que pour les bombardiers américains

Jusqu'à ce que la huitième Air Force prenne enfin le dessus dans le ciel de l'Europe, la survie des B-17 dépendait en grande partie de la bravoure et de l'habileté des équipages de bombardiers. S'ils étaient aidés par la capacité du B-17, en particulier, à absorber de gros dégâts matériels causés par le combat, leurs mitrailleuses était bien plus qu'un simple soutien moral.


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"Hitler aimerait que cet homme rentre chez lui et oublie la guerre. Voici un bon Américain récemment promu officier qui, à la mitrailleuse latérale d'un énorme bombardier B-17, est un homme qui connaît son métier et qui y travaille dur" - légende originale d'une photo de propagande mise en scène en temps de guerre montrant un mitrailleur du sabord gauche d’un B-17. © Collection Library of Congress, U.S. Office of War Information, 1944


L'armement défensif des bombardiers et les tactiques conçues pour l'exploiter au mieux obligèrent la Luftwaffe à modifier ses tactiques. Les mitrailleurs remportèrent également des succès, la huitième armée de l'air revendiquant 6 259 avions ennemis abattus par les mitrailleurs de ses bombardiers, soit plus que par ses pilotes de chasse. Il ne fait cependant aucun doute que l'attribution d’un "kill" pour un pilote de chasse est plus délicate dans le feu de l'action. Souvent, plusieurs mitrailleurs ouvraient le feu sur la même cible, l'observation de l'épave confirmée était loin d'être garantie et il n'y avait pas d'enregistrement par caméra. La reconnaissance limitée reçue par les as de la mitrailleuse à bord des bombardiers américains reflète ces réalités. Une autre particularité assez inattendue qui a contribué à leur omission des listes officielles des as de l’USAAF, c’est que beaucoup d’entre eux était des enrôlés (NdT – enlisted), contrairement aux autres de l’équipage qui étaient des engagés.

Quoi qu'il en soit, leur travail était vital et leur mission parmi les plus dangereuses que l'on puisse imaginer. "Lorsqu'il ne tirait pas ou n'était pas la cible de tirs, la principale préoccupation du mitrailleur sur un B-17 était la survie", écrit Bruce D. Callander dans le numéro du 1er avril 1991 du magazine Air & Space.



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Des B-17 du 398ème Bombardment Group en train d’attaquer Neumunster, en Allemagne, le 13 avril 1945, moins d'un mois avant la capitulation allemande du 8 mai. © USAF


"Les missions duraient jusqu'à huit heures, la plupart des vols se déroulant au-dessus de 25 000 pieds. Les températures descendaient jusqu'à moins 50 degrés Celsius dans l’avion qui gardait ses sabords ouverts pour sa défense et qui n'avaient ni isolation ni chauffage en dehors du poste de pilotage. Les vestes de vol doublées de laine polaire ne constituaient qu'une maigre protection. Les premières combinaisons chauffées électriquement subirent de nombreux courts-circuits causant des brûlures graves à leurs occupants. Les mitrailleurs installés aux sabords travaillaient par des ouvertures non vitrées, avaient les doigts gelés et dérapaient tout le temps pendant les combats sur les obus usagés qui s'empilaient à leurs pieds. Les artilleurs de tourelle bénéficiaient d'une protection légèrement supérieure contre les éléments, mais leur cocon laissait peu de place pour bouger un bras endolori ou pour taper du pied ou des mains en cas de refroidissement.

Avec le recul, il est clair que la disponibilité de chasseurs d'escorte à long rayon d'action de haute qualité et en nombre suffisant fut le facteur décisif dans la réduction des pertes de bombardiers de la huitième Air Force à un niveau plus acceptable. Mais jusqu'à ce que ces chasseurs soient déployés, les équipages des bombardiers eux-mêmes furent la première et la dernière ligne de défense de leur appareil.


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Courant 1944, le lieutenant George H. Heilig fait un signe de la main depuis le cockpit du General Ike, un B-17 du 401ème escadron de bombardement, 91ème Bomb Group de la 8ème Air Force. © Getty Images


Il est intéressant de noter qu'au début de la seconde guerre mondiale, une école de pensée, du moins au Royaume-Uni, suggérait que la Royal Air Force ferait mieux de retirer complètement les mitrailleuses défensives de ses bombardiers. En 1943, le physicien théoricien et mathématicien britannique Freeman Dyson proposa de retirer au moins une partie des postes de mitrailleuses des bombardiers Lancaster, afin d'augmenter, selon lui, la vitesse de croisière des bombardiers. Ses calculs indiquaient que les Lancaster verraient ainsi leur vitesse de croisière augmenter de … environ 30 km par heure. Le Mosquito non armé comptait sur sa vitesse pour se protéger des chasseurs de la Luftwaffe, mais il s'agissait d'un petit bimoteur particulièrement rapide à la base et donc d’un avion beaucoup plus performant que les gros quadrimoteurs. Il semble très peu probable qu'un tel Lancaster ainsi désarmé, même un peu plus rapide, aurait beaucoup plus facilement éviter d’être abattu.


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Août 1943. Un équipage de bombardiers de l'armée de l'air des États-Unis avec leur B-17. On peut voir la mitrailleuse de sabord du côté gauche, ainsi que la tourelle ventrale vraiment très près du sol et le canon qui dépasse du compartiment radio dans la partie supérieure du fuselage. © Getty Images


Cela nous ramène au facteur moral et au fait très important que les équipages de bombardiers lourds de l'USAAF et de la Royal Air Force étaient capables de riposter avec un armement défensif, même si leurs mitrailleuses étaient toujours désavantagées par rapport à la Luftwaffe en termes de puissance de feu.

Bien qu'il soit impossible d'établir un bilan précis des succès remportés par les mitrailleurs de la huitième Air Force, leur héritage s'est perpétué dans l'armée de l'air américaine d'après-guerre, qui a continué à équiper ses bombardiers stratégiques de mitrailleuses repoussées de plus en plus loin du cockpit pour finir uniquement dans la queue, jusqu'à l'arrivée du B-52H. Le B-52H est toujours en service aujourd'hui, mais ses canons de queue ont été supprimés. Le B-52 et les autres bombardiers stratégiques américains sont toujours placés aujourd’hui sous le commandement de la huitième Air Force, celle-là même dont les aviateurs ont combattu si vaillamment pour la libération de l'Europe lors de la Seconde Guerre mondiale.


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Boeing B-52D Stratofortress MSN 464059 à la base aérienne Carswell près de Fort Worth en novembre 1979. On distingue la petite verrière arrière pour l’emplacement du mitrailleur. L’armement arrière consiste en quatre mitrailleuses de 12,7 mm. Les 72 B-52 actuellement en service n’ont plus d’armement arrière. © Baldur Sveinsson


FIN


ouaf ouaf ! bon toutou !!

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#2 [↑][↓]  06-02-2024 16:35:45

cro
Commandant de bord
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Date d'inscription: 30-09-2014

Re: [Réel] Défense anti-aérienne du bombardier B-17

Merci,


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#3 [↑][↓]  06-02-2024 19:58:07

bad_gones31
Copilote
Lieu: LFBO
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Renommée :   

Re: [Réel] Défense anti-aérienne du bombardier B-17

Merci Philouplaine pour cette lecture passionnante !

Sur le même sujet mais sur un contenu audiovisuel, Apple TV nous gratifie d'une mini série "Masters of the Air", mettant en scène la 8th Air Force au moment de la WWII.

Un nouvel épisode chaque vendredi, dispo sur la plateforme MyCanal wink

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#4 [↑][↓]  06-02-2024 20:22:36

Ragg Sor
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Renommée :   11 

Re: [Réel] Défense anti-aérienne du bombardier B-17

bad_gones31 a écrit:

Merci Philouplaine pour cette lecture passionnante !

Sur le même sujet mais sur un contenu audiovisuel, Apple TV nous gratifie d'une mini série "Masters of the Air", mettant en scène la 8th Air Force au moment de la WWII.

Un nouvel épisode chaque vendredi, dispo sur la plateforme MyCanal wink

C'est le premier paragraphe du texte traduit pas philouplaine wink
J'attends qu'elle sorte complètement pour la regarder, j'ai hâte !


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Microsoft Flight Simulator (standard), PMDG DC-6 et 737-600, Fenix A320

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#5 [↑][↓]  07-02-2024 20:21:56

chessgame80
Commandant de bord
Date d'inscription: 18-10-2022

Re: [Réel] Défense anti-aérienne du bombardier B-17

Merci philouplaine pour la traduction de cet article !


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