Bonjour cher(e)s ami(e)s,
Une nouvelle traduction d'un post assez récent sur le blog professionnel de la KLM.
L'un des pilotes de la compagnie est de plus en plus connu pour les photos qu'ils prend depuis le cockpit. A vous d'apprécier.
Bonne lecture!
Philippe


Ce que je vois de mon bureau
Posté par Rogier Reker le 26 Octobre 2016

Je suis un photographe de rue compulsif, du coup j’ai des amis photographes amateurs dans pas mal de branches professionnelles. C’est le cas de Christian van Heijst. Si j’ai plutôt tendance à pointer mon objectif sur des gens au niveau du sol,  lui le pointe toujours à haute altitude. La même chose, vue de deux perspectives différentes en quelque sorte. J’ai aimé passer un bon moment à discuter avec ce commandant de bord à la KLM de sa passion pour la photographie. Une passion qui fait monter en flèche sa popularité sur les réseaux sociaux.


Christian, d’après votre page Facebook, tu te présentes tout à la fois comme voyageur, pilote de ligne, aventurier et admirateur des merveilles de la lumière naturelle.

Tout d’abord, je suis un pilote. Ensuite, je suis un photographe un peu particulier car la plupart de mes clichés connus ont été pris depuis mon  bureau : le cockpit. Ma fascination pour les vues panoramiques qu’on a depuis son siège dans un avion remonte à mon premier voyage transatlantique, j’avais quatre ans ! Si piloter est fantastique, voler est encore plus magique. C’en est presque irréel tant les couleurs et les jeux de lumière à haute altitude sont captivants. J’essaie tout simplement de capturer un peu de cette magie dans mes photos.


Ce Boeing 747 nous a croisé en passant juste au-dessu de notre avion. Ses traînées étaient colorées d’un orange étonnant par le soleil couchant.
(Photo : Christian van Heijst)

Christian le pilote ou Christian le photographe?

Bien évidemment, je suis un pilote tout d’abord. Ensuite, quand j’ai eu mon premier contrat professionnel en tant que copilote, j’ai tout de suite eu le réflexe de prendre avec moi mon appareil photo. Je voulais montrer à ma famille et à mes amis, la beauté de ce qu’on peut voir depuis le cockpit là-haut. J’ai changé d’appareil photo pour quelque chose de plus approprié, plus professionnel, à partir du moment où j’ai effectué de plus en plus de vols au-dessus de l’Afrique.

Puis, j’ai fait de nombreux vols en Afghanistan. Le terrain très accidenté, des brumes mystérieuses au fond des vallées,  les imposants sommets de l’Hindou-Koush et les petits aérodromes à piste en gravier agrémentée de cratères de bombes plus ou moins récents ... ça c’est un terreau pour des belles images d’aventures. Toujours prises depuis le cockpit. C’est comme cela que, petit à petit, je me suis pris de passion pour ce type particulier de photographies d’avion, où on ne voit pas l’avion.


L’une des raisons pour lesquelles j’aime aller en Alaska, c’est que la lumière là-bas est fantastique. Ce Boeing 747 décolle d’une piste enneigée juste au moment où le soleil de fin d‘après-midi brille à travers les nuages. Le brouillard de neige est comme une pluie d’or.
(Photo : Christian van Heijst)

Réussir une photo, c’est du talent ou de la chance?

Je ne suis pas certain que ce soit du talent. C’est un fait que j’ai toujours aimé jouer avec la lumière et avec les compositions. Maintenant, avec le temps, je pense avoir un meilleur coup d’œil. Je dirai que c’est la combinaison entre une meilleure connaissance de son appareil photo et le coup d’œil plus entrainé. Mais ça reste toujours un défi de capturer l’instant où la combinaison des lumières est parfaite. Si une de mes photos plaît beaucoup et permet de ressentir l’émotion que j’ai eue en la prenant, alors, oui, cette photo est réussie. C’est ce que je pense.


La plupart des Hollandais reconnaissent tout de suite cette vue des Pays-Bas depuis le FL400.
(Photo : Christian van Heijst)

Quel appareil photo utilisez-vous ? Et avez-vous déjà modifié le plan de vol un peu juste pour prendre une bonne photo?

Je suis avant tout un pilote de ligne. Mon premier travail est de piloter l’avion, les nécessités du pilotage ont une priorité absolue. Prendre une photo vient très loin derrière. Et donc, détourner mon avion du plan de vol pour prendre une bonne photo est totalement inconcevable.

Durant un vol long-courrier, on est de trois à quatre pilotes à bord. Tous, à tour de rôle, nous pouvons nous reposer. Pendant que deux autres de mes collègues pilotent l’avion, j’ai du temps pour mon hobby : prendre des photos. J’utilise un Nikon D800 et différents objectifs. Je l’emporte toujours dans le cockpit


Une superbe aurore boréale quelque part au-dessus de l’Océan Arctique entre l’Alaska et le Pôle Nord. Cette aurore boréale dura tout le trajet, soit sept heure, se reflétant sur les nuages et sur la glace en-dessous. Tant de beauté mouvante était  à couper le souffle.
(Photo : Christian van Heijst)

Comment vous arrangez-vous des turbulences quand vous prenez une photo ?

Si les passagers craignent les turbulences dès qu’on leur sert leur repas, vous pouvez être à peu près certain que des  turbulences vont se faire sentir dès que e sors mon Nikon de son sac. C’est presque sûr à chaque coup ! Donc, j’utilise un obturateur à faible vitesse lors des vols de nuit, il faut donc que l’avion reste stable pendant la prise de vue. Une soudaine turbulence même minime et la photo est ratée. Je prends une vingtaine de photo à longue exposition pour chaque cliché.  Du coup, j’ai toutes les chances d’en avoir un de bon sur le lot.


Quand l’avion traverse une tempête de neige ou bien passe le long d’un nuage d’orage, l’avion se charge d’électricité statique. L’avion se met alors à briller d’une étrange lueur mauve-rose. De temps à autre, des étincelles apparaissent sur toute sa surface et, notamment, sur les surfaces vitrées. Ce sont des feux de Saint Elme. Spectaculaire, mais sans danger.
(Photo : Christian van Heijst)

Pour vos photos, vous êtes plutôt tonnerre ou éclair?

En tant que pilote, je me méfie surtout des orages et des montagnes. Je sais leur puissante force destructrice pour un avion. Et j’évite l’un et l’autre tant que je peux. Et cependant, le spectacle d’un nuage d’orage la nuit vu depuis le dessus est un spectacle vraiment beau et impressionnant.  Ce spectacle d’un grande pureté avec d’extraordinaire effets visuels rend silencieux même le plus bavard de nos collègues. J’aime ce genre de cliché.


Un nuage d’orage au-dessus de la Chine cet été. La violence de cet orage était telle qu’avec mon copilote, on a estimé sa croissance verticale de l’ordre de 1 à 2 km par minute. Nous avons donc dû changer notre trajectoire de vol pour éviter cette cellule orageuse. Mais quel spectacle !
(Photo : Christian van Heijst)


La Voie Lactée est bien visible six mois de l’année dans notre ciel nocturne. A l’œil nu, c’est une simple bande blanchâtre, d’où son nom, qui barre le ciel. Mais à haute altitude, avec un temps d’exposition long on peut voir alors des détails invisibles du sol, sauf à utiliser un télescope. Bien sûr, pour prendre ce genre d clichés, le vol doit être sans turbulence pendant la prise de vue.
(Photo : Christian van Heijst)

Y-a-t-il des vues que vous auriez aimé prendre sans le pouvoir?

En douze années à voler et prendre des photos à chaque vol, j’en ai vu pas mal. L’une des choses presqu’impossible à prendre en photo, ce sont les feux d’artifice qui illuminent par centaine de milliers le ciel de la Chine lors des fêtes du Nouvel An.

L’année dernière, j’effectuais un vol de nuit au-dessus de la Chine la nuit du Nouvel An. Soudain, des milliers de petits éclairs ont ponctué le sol en-dessous de nous, de toutes les couleurs ; Mais ces éclairs étaient bien trop petits pour apparaître  bien clairement sur une photo. Pendant deux heures de vol, tout le sol en-dessous s’est trouvé ponctué de millions d’éclairs. Vraiment un très beau spectacle.

Rêvez-vous d'une photo impossible?

L’une des choses que j’aimerais vraiment photographier c’est un sylphe rouge, encore appelé un farfadet, ou bien même un elfe. Sous ces noms, se cachent des phénomènes lumineux transitoires. Comme leur nom l’indique, ce sont des phénomènes très brefs, d’une durée de quelques millisecondes à moins de deux secondes, qui ont lieu dans la haute atmosphère généralement au-dessus de nuages d’orage. Ces phénomènes lumineux sont très mal connus.

Ces farfadets d’un genre un peu particulier apparaissent comme des décharges verticales de couleur rouge. Leur étude est toute récente et reste du domaine des agences spatiales. Les rares photographies dont on dispose sont le plus souvent prises depuis des satellites ou depuis la Station Spatiale Internationale. Je n’en ai jamais vu, quelques pilotes prétendent les avoir déjà observés. Pour moi, en photographier est un peu devenu ma quête du sacré Graal.


Phénomènes lumineux transitoires ou Transient Luminous Event (TLE).
Source: NASA.

Tous les enfants rêvent de devenir pilote. Et vous, vous rêvez à quoi maintenant?

Etre moi-même. Peut-être avec un appareil photo de meilleure qualité. Ah oui, aller sur la Lune aussi ! Pourquoi pas Mars ? Il faut toujours rêver bien sûr.

Christiaan et son ami, Daan Krans, ont lancé le site internet Amazing Aviation : ici.

Christiaan a aussi son propre site internet :ici.


Le photographe Christian van Heijst.

L’auteur : Rogier Reker