#1 [↑][↓]  11-09-2020 11:07:43

philouplaine
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[Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

ArchéoAéro - Archéologie Aéronautique ?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80-90-100 ans, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...



Les précurseurs de l’aviation méconnus : Gustave Whitehead (1874-1927) – Seconde partie


Bonjour cher(e)s ami(e)s,

L’un d’entre vous m’a proposé, d’enquêter et traduire les textes concernant l’un des précurseurs de l’aviation le plus méconnu, à savoir Gustave Whitehead. Et nous voilà d’un coup plongé dans une intense controverse ! Qui a été le premier à réaliser un vol d’une machine volante « plus-lourde-que-l’air » autopropulsée et manœuvrable ? Les frères Wright sur leur Flyer en 1903 ou bien Gustave Whitehead sur sa machine n°21 en 1901 ? Devant la quantité de documentation anglo-saxonne qu’on trouve sur ce sujet, les traductions que je vais faire occuperont plusieurs envois.

Voici la seconde partie de ces traductions. Cette fois-ci, je fais un focus sur la fameuse revue américaine de vulgarisation scientifique, Scientific American, qui était déjà une revue réputée dans le domaine de la vulgarisation et de la veille scientifique à l’époque. C’était alors un hebdomadaire qui portait en second titre : "Un journal hebdomadaire d’informations pratiques sur les arts, les sciences, la mécanique, la chimie et les usines" … tout un programme !

Comment Scientific American a-t-il été impliqué dans cette controverse ? M. Stanley Beach qui était au Scientific American le journaliste spécialisé dans la toute nouvelle science de l’aéronautique, était également le fils du propriétaire de la revue, le petit-fils d’un grand industriel yankee. C’est lui qui prit contact avec Gustave Whitehead au tout début de 1901. Enthousiasmé par cette première rencontre, il écrivit aussitôt un article pour Scientific American qui parut début juin 1901, le tout premier article national qui parle de Whitehead. C’était trois mois avant l’article du Bridgeport Herald, censé être le premier article paru sur Whitehead.

Ce deuxième post sur Gustave Whitehead se termine par la traduction d’une déclaration sur l’honneur manuscrite de Stanley Beach qu’il rédigea à la fin des années 1930, donc bien après les événements au cœur de cette controverse. Ce qu’il y écrit est d’une importance à mon avis capitale pour éclairer la controverse Whitehead.

J’ai inséré entre ces articles quelques commentaires personnels. Les illustrations sont, pour la plupart, celles des articles d’origine. À vous de vous faire une opinion !

Bonne lecture !
Philippe


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//bMEqKb-Small-image-zero.jpg
Gustave Whitehead (le deuxième en partant de la gauche) et sa machine volante n°21. L’homme au chapeau blanc à sa droite est M. Stanley Beach, journaliste spécialisé en aéronautique au Scientific American.



PREMIER TEXTE – 1901
Premier article publié sur Whitehead dans Scientific American



Introduction de ma part

En mai 1901, Stanley Y. Beach, journaliste spécialisé dans l’aéronautique pour la revue Scientific American, vint à Bridgeport pour visiter et interviewer Whitehead sur sa machine volante.  Comment avait-il eu vent du travail que menait Whitehead ?
C’est très simple, les Beach possédaient une propriété d’été à ... Stratford, la ville voisine de Bridgeport. Etant dans le monde de l’édition, ils lisaient les nombreux journaux locaux et la passion de construction d’aéroplanes de Gustave Whitehead avait déjà été évoquée dans ces journaux locaux. C’est ainsi que Stanley Beach apprit qu’un de ses voisins construisait des machines volantes. Comme il se passionnait pour tout ce qui concernait l’aéronautique, il fit le déplacement.
Après une première visite, il publia très vite un article qui parut dans le numéro du 8 juin 1901 de Scientific American, soit près de trois mois avant le fameux article du Bridgeport Herald du 18 août 1901 que je vous ai traduit dans le post précédent.
Voici la traduction de cet article du 8 juin 1901.


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//bMEqKb-Small-image-1.jpg
Première page du Scientific American du 8 juin 1901. L’accent de ce numéro est mis sur le lancement tout récent (en mai 1901) aux chantiers de San Francisco du nouveau cuirassé USS Ohio. L’article de Stanley Beach sur la machine volante de Whitehead se trouve à l’intérieur, en quatrième page. © Scientific American


Titre de l’article : UNE NOUVELLE MACHINE VOLANTE
A NEW FLYING MACHINE
Scientific American
Numéro du 8 juin 1901, Volume 84 N°23, page 357
Article de Stanley Beach



https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//bMEqKb-Small-image-2.jpg
En-tête de l’article de Stanley Beach en page 204, colonne de droite. © Scientific American


Traduction du Texte Original



Une nouvelle machine volante a été achevée par M. Gustave Whitehead, de Bridgeport, Connecticut, et est maintenant prête pour les essais préliminaires. Plusieurs expériences ont été réalisées, mais aucun vol libre n'a encore été tenté. La machine est construite sur le modèle d'un oiseau ou d'une chauve-souris. La coque centrale mesure 16 pieds de long, 2,5 pieds de large et 3 pieds de profondeur. Il est bien maintenu par des nervures en bois et renforcé par des fils d'acier et recouvert d'une toile tendue sur le cadre.

Quatre roues, d'un pied de diamètre chacune, soutiennent cette machine quand elle est au sol. Les roues avant sont reliées à un moteur de 10 chevaux pour prendre de la vitesse sur le sol, et les roues arrière sont montées comme des roulettes afin de pouvoir être dirigées par l'aéronaute. De chaque côté du corps se trouvent de grands plans portants, recouverts de soie et dont le dessous est concave, ce qui donne à la machine l'apparence d'un oiseau en vol.

Les nervures des ailes sont faites en bambou et sont renforcées par des fils d'acier. Les ailes sont disposées de telle sorte qu'elles peuvent être repliées le long de la coque. Le gouvernail de 3 mètres, qui ressemble à la queue d'un oiseau, peut également être replié et peut être déplacé de haut en bas afin de diriger la machine sur sa trajectoire horizontale. Un mât et un beaupré servent à maintenir toutes les pièces dans leur place correcte.

Devant les ailes et en travers de la coque se trouve un double moteur, celui du dessus de 20 chevaux entraîne une paire d'hélices dans des directions opposées, l’idée étant de faire rouler la machine sur le sol au moyen du moteur inférieur jusqu'à ce qu'elle ait la vitesse nécessaire pour s'élever du sol. Ensuite, le moteur supérieur est mis en route et actionne les hélices de manière à faire progresser la machine dans l'air pour la faire monter sur ses plans portants. Les ailes sont fixes et ressemblent aux ailes déployées d'un oiseau en plein vol. La direction est assurée en faisant tourner une hélice plus vite que l'autre, de manière analogue à la façon dont on peut faire tourner un paquebot à double hélice, un plan portant spécial étant prévu pour maintenir la stabilité longitudinale et transversale pendant cette manœuvre de changement de direction en l’air.

La puissance développée par le moteur inférieur est de 10 chevaux, il pèse 10 kilogrammes. Le diamètre de son unique cylindre est de 8,7 cm pour 20,3 cm de course du piston. Le moteur supérieur est un double cylindre, dont le diamètre du cylindre est de 5,7 cm avec une course de 17,8 cm. Le moteur supérieur pèse 16 kilogrammes, et le carbure de calcium est utilisé pour développer la pression au moyen d'explosions du gaz acétylène qu’il fournit. Les hélices pèsent 5,5 kg et ont un diamètre de 1 m 80, avec une surface de pale projetée de 0,4 mètre carré. Lors d'un essai au timon, le moteur supérieur tournant à plein régime, la traction mesurée était de 166 kilogrammes. Le poids de la coque centrale et des roues est de 20 kilogrammes. Les ailes et la queue ont une surface d'appui de 42 mètres carrés et leur poids est de 16 kilogrammes.

FIN



Les deux photographies présentées dans l’article de 1901 :

https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//cMEqKb-Small-image-3.jpg

Traduction des légendes. Photo du haut : La machine volante de Whitehead, vue du moteur et des hélices. Photo du bas : La machine volante de Whitehead, vue des plans porteurs (NdT – "aero-planes" à cette époque était l’appellation anglaise usuelle des ailes). Ces deux photographies, très connues car reprises très souvent,  ont paru pour la première fois dans cet article. Elles montrent l’aéroplane motorisé construit par Gustave Whitehead, son fameux aéroplane n°21. La photographie du haut montre une vue de l’avant de la machine, celle du bas montre une vue de l’arrière. Ces deux photographies ont été reprises ensuite dans de nombreuses publications ultérieures, y compris le livre de Mlle Randolph publié en 1937. Ces deux photographies sont donc antérieures au prétendu premier vol du 14 août 1901 à Bridgeport, contrairement à ce qui est écrit ou sous-entendu dans de nombreuses publications sur Gustave Whitehead où ses photos sont dites avoir été prises après les vols réussis. Sur laphoto du bas, on reconnait Gustave Whitehead avec sa fille Rose dans ses bras à la droite du groupe assis auprès de l’aéroplane. À gauche du groupe, l’homme coiffé d’un chapeau blanc est Stanley Beach. © Scientific American


Quelques remarques de ma part sur cet article

On relève plusieurs points d’intérêt dans ce premier texte.  D’abord, Stanley Beach écrit bien qu’aucun vol n’a encore été tenté. Il n’est pas fait mention un seul instant du prétendu vol de 1899 à Pittsburgh, ni d’une quelconque propulsion à la vapeur qui aurait alors été utilisée dans la tentative de Pittsburgh.
Ensuite, les moteurs de la machine n°21, en 1901, fonctionne bien en utilisant le gaz acétylène produit à partir de carbure de calcium. Il n’est pas un seul instant fait mention d’un moteur à essence, pourtant beaucoup plus puissant pour la même cylindrée. À cette époque, la propulsion d’automobiles et de motocyclettes par des moteurs à essence est bien connue pourtant.
Cet article montre bien que l’aéroplane de Whitehead possédait deux moteurs, l’un sur l’autre. Celui du dessous entraînait les roues, celui du dessus entraînait les deux hélices. Ce point est souvent laissé dans l’ombre dans des textes ultérieurs.
Une donnée intéressante est la puissance de traction développée par le moteur Whitehead à carbure de calcium. Un chiffre précis est fourni : 166 kg de traction. Rappelons que dans ses livres, Mlle Stella Randolph rapporte le poids à vide de l’aéroplane n°21 : près de 360 kg ... On comprend mieux pourquoi il est souvent dit que cet aéroplane n’avait pas assez de puissance pour s’envoler seul.
Dans la foulée de ce premier article, le jeune Stanley Beach réussit à convaincre son propre père, le propriétaire de Scientific American, et son grand-père, un industriel new-yorkais, de financer les travaux de Whitehead. Il est curieux de constater que très peu d’auteurs parlent de ce financement, y compris Mlle Randolph dans ses livres sur Gustave Whitehead.
Stanley Beach vint par la suite voir Whitehead très régulièrement de 1901 à 1910. La proximité de Beach avec Whitehead pendant ces neuf ans de partenariat financier sanctionné notamment par une prise de brevet commune en 1908 (ce qui confirme la réalité de la collaboration entre les deux hommes), place évidemment Stanley Beach dans une position bien meilleure que n’importe qui d’autre  pour savoir ce que Whitehead avait réellement fait ou pas.
Passons au deuxième texte de ce deuxième post sur Gustave Whitehead.





DEUXIEME TEXTE – 1903
Deuxième article publié sur Whitehead dans Scientific American


Introduction de ma part


Ce second article du Scientific American concernant Gustave Whitehead a aussi été écrit par Stanley Beach, il est publié deux ans après le premier. On y lit l’appellation de "vol mécanique" pour qualifier le vol d’un "plus-lourd-que-l’air autopropulsé". Au moment où Stanley Beach écrit cet article, les frères Wright sont déjà à travailler à leur Flyer. Ils réussiront leur premier vol trois mois plus tard. Ils sont déjà connus pour leur approche scientifique du vol d’un plus-lourd-que-l’air. Octave Chanute (l’un des principaux pionniers du vol aux Etats-Unis au point d’être appelé là-bas : le Père de l’Aviation) avait publié l’année précédente (en 1902) un article dans l’hebdomadaire scientifique Science sur la nouvelle science de  l’aéronautique et ses progrès. Il y parlait déjà abondamment des travaux des frères Wright et pas du tout de Gustave Whitehead (qui pourtant aurait réussi le premier vol de son aéroplane en aout 1901 !).
Ce second article du Scientific American que je vous ai traduit confirme le fait que Whitehead est d’abord un constructeur de moteurs légers, l’essentiel de ce texte porte d’ailleurs sur les différentes versions des moteurs qu’il fabrique ou va fabriquer.
Les photographies de Stanley Beach présentées sont très instructives, à mon avis. On voit bien sur trois photos que l’aéroplane utilisé par Whitehead pour sa démonstration de vols devant Stanley Beach à cette époque (1903) n’est pas le monoplan n°21 à deux hélices sur lequel il prétend avoir fait ses vols réussis en 1901, mais bien un simple planeur triplan.
Passons au texte proprement dit.



Titre de l’article : DES EXPERIENCES AVEC LES AEROPLANES MOTORISES
EXPERIMENTS WITH MOTOR-DRIVEN AIRPLANES
Scientific American
Numéro du 19 septembre 1903, Volume 89 N°12, page 204
Article de Stanley Beach



https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//cMEqKb-Small-image-5.jpg
En-tête de l’article de 1903. © Scientific American


Traduction du Texte Original



Nos illustrations présentent des essais menés avec un aéroplane construit récemment par M. Gustave Whitehead, de Bridgeport, au Connecticut, qui étudie le sujet du vol mécanique depuis plus de quinze ans. Sur l'une des photos, on voit un moteur léger à deux temps qui a été utilisé sur cet aéroplane lors d’un essai récent.

Contrairement à Lilienthal et Chanute, Whitehead ne tente pas de s'envoler en sautant d'une colline ou d'un précipice. Il se contente pour le moment, au contraire, de voler près du sol. Il souhaiterait néanmoins résoudre le problème de s'élever rapidement à volonté dans le ciel, et d'en redescendre doucement quand et où il le souhaite.

La méthode utilisée par M. Whitehead pour s’envoler à bord de son aéroplane consiste à courir avec l'avion contre le vent, précédé d'un assistant qui tire l’aéroplane avec une corde en courant. Lorsqu'il atteint une vitesse suffisante, l'opérateur, en inclinant avec ses commandes légèrement l'avion vers le haut, peut quitter le sol et survoler le sol, comme le montre l'une des photographies. Le réglage du déplacement de l’aéroplane, tant longitudinalement que transversalement, est effectué par l'opérateur en déplaçant la position de son corps dans l’habitacle. En revanche, le réglage approprié nécessaire pour éviter que l’aéroplane ne plonge brutalement est une question plutôt délicate. Un simple souffle de vent qui frappe l’aéroplane en l’air plus fortement d'un côté que de l'autre peut aussi facilement perturber sa stabilité transversale, à moins que l'opérateur ne le contrecarre très rapidement en déplaçant son corps.

Après s'être beaucoup entraîné à équilibrer son planeur en vol lorsqu'il est tiré par un homme, M. Whitehead a maintenant conçu et construit un moteur à essence léger à deux temps pour le propulser. Ce moteur est refroidi par air et comporte de nombreuses boucles de fil d'aluminium fixées aux deux cylindres afin de diffuser la chaleur dégagée. L'inventeur prétend que l'aluminium est bien meilleur pour cette application que le cuivre, qui est le métal généralement utilisé. Ce moteur présente deux cylindres avec un alésage de 4 pouces et une course de 4 ½  pouces, et il est conçu pour fonctionner à des vitesses allant de 1 000 à 2 500 tours/minute. Il développe une puissance de 12 chevaux à cette dernière vitesse, et son poids total n'est que de 24,5 kg, soit 2 kg par cheval-vapeur, ce qui en fait l'un des moteurs à essence les plus légers jamais construits jusqu’à ce jour.

La compression développée dépasse de peu les 100 livres, le seul espace de compression étant le petit dôme au sommet de chaque cylindre, dans le haut duquel est placée la bougie d'allumage. Le moteur, étant du type à deux temps, est sans soupapes, à l'exception de clapets anti-retour légers en aluminium, à travers lesquels le gaz passe avant de faire son entrée dans le carter en tôle d'acier (qui est divisé par une cloison centrale) par les trous vus sur son côté. Une lubrification directe est utilisée dans le carter du vilebrequin, et l'huile est acheminée vers les cylindres à partir de deux godets d'huile. Une roue en fil de fer de 63 cm de diamètre sert de volant d'inertie et porte des pales de ventilateur pour refroidir le moteur. Les dimensions de ce moteur Whitehead deux-temps sont de 46 cm de haut par 30 cm de long et 20 cm de large. Dans les essais statiques faits avec lui, une hélice à deux pales de 1,4 mètre de diamètre a été fixée sur l'arbre du moteur et a tourné sans problème à une vitesse de 1 000 tours/minute. Comme le moteur possède quatre volants d’inertie à l'intérieur de son carter, le grand volant externe n'est pas absolument nécessaire. Dans des essais statiques réels, lorsque le moteur a été monté sur le planeur, on a constaté que le moteur fonctionne aussi bien sans lui, réduisant ainsi le poids total du moteur à 21 ¼ kg.

Les trois plans porteurs que M. Whitehead a construit sur son planeur triplan sont espacés de 90 cm les uns des autres, ils mesurent chacun 4,9 mètres de long sur 1,5 mètres de large. Ils sont constitués de cadres en bois d'épicéa, recouverts de mousseline, et sont convenablement renforcés par une armature en fils de fer. Au centre du plan inférieur, il y a un espace pour l'opérateur, qui est suspendu par un harnais aux deux montants avant. L’opérateur maintient l'appareil l’équilibre en vol en déplaçant son corps. Un gouvernail rigide, de forme pyramidale, dépasse à l'arrière.

Après s'être assuré, en le chargeant de sacs de sable, que l’aéroplane était capable de soulever le poids supplémentaire du moteur et de l'hélice, le moteur fut fixé aux deux tiges longitudinales en saillie du plan inférieur, l'hélice était alors placée à l’avant directement sur le vilebrequin du moteur. Après le démarrage du moteur, le triplan, lancé par un homme contre le vent, décolla et s’éleva à une altitude comprise entre 90 cm et 5 mètres du sol, sur une distance d’environ 320 mètres avant de reprendre contact avec le sol. Il semble possible que cet aéroplane aurait pu parcourir une plus grande distance, si ce n’était le désir de l’opérateur de ne pas l’élever trop haut.

Le moteur ne développait pas lors de cet essai sa pleine puissance, il ne tournait en effet qu’à 1 000 tours/min, mais cela s’avéra suffisant pour élever la machine au-dessus du sol. La poussée totale, ou, dans notre cas, la traction de l'hélice plutôt, s'est avérée être de 125 kg, alors que les mesures dynamométriques effectuées, lorsque le triplan était tiré par un homme, avaient montré qu’une traction de 13 kg était suffisante pour maintenir le planeur en l’air. Et donc faire en sorte que l’hélice tire l’aéroplane, au lieu de le pousser, aide grandement à maintenir sa stabilité.

Ayant prouvé qu'un moteur moins puissant fera le travail, M. Whitehead construit maintenant un moteur de seulement 6 CV qui pèsera entre 10 et 14 kg. Il a l'intention de l’utiliser pour entraîner deux hélices de 4 ½ pieds de diamètre chacune et, ce, au moyen d'engrenages coniques donnant la réduction de vitesse adéquate pour obtenir une vitesse de rotation des hélices de 600 à 800 tr/min. Outre ce petit moteur à deux cylindres, il construit également un autre moteur, à quatre cylindres celui-là et d'une puissance de 10 CV qui ne devrait pas dépasser un poids de 20 kg. Pour atteindre ce faible poids, M. Whitehead utilise l'aluminium autant que possible dans sa construction. Ce moteur sera utilisé sur un avion amélioré avec lequel l'inventeur espère pouvoir s'élever verticalement en l’air par temps calme. C’est voyager horizontalement et décoller et redescendre à la verticale. C'est le souhait de M. Whitehead pour ses futures machines volantes.

FIN




Les quatre photographies présentées dans l’article de 1903 :

https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//cMEqKb-Small-image-6.jpg

Traduction des légendes. Photo du haut à gauche : Vol plané près du sol avec un vent de face de 25 km/h. Photo du haut à droite : Arrière de l’aéroplane montrant la dérive de forme pyramidale. Photo du bas à gauche : Vue de l’avant de l’aéroplane montrant l’opérateur à sa place. Pohot du bas à droite : Moteur deux-temps Whitehead de 12 CV à deux-cylindres avec volant d’inertie, poids de 24 ½ kg. Trois de ces photographies présentent un planeur triplan piloté à chaque fois par Gustave Whitehead. La quatrième photographie montre le moteur deux-cylindres deux-temps de 12 CV conçu et construit par Gustave Whitehead. © Scientific American


Quelques remarques de ma part sur cet article

On relève plusieurs points d’intérêt dans ce texte. 
On constate que la machine volante de Whitehead qui a été photographié ici (l’une des seules photos connues où l’on voit Gustave Whitehead en vol sur l’une de ses machines) est un planeur triplan que Whitehead a fabriqué. La machine volante motorisée n°21, qui existe déjà depuis plus de deux ans quand cet article est écrit en 1903, n’apparaît pas du tout ici. Il n’en est même pas question.
C’est surprenant qu’un article dont le titre fait explicitement référence à des "machines volantes motorisées" présente comme illustration ... un planeur non-motorisé qui doit donc être remorqué par un homme pour s’envoler comme on le voit sur la première photo.
Le texte précise cependant qu’un petit moteur a été monté sur ce triplan et qu’il a permis à la machine de s’envoler mais il n’est pas clair si un homme était ou non à son bord lors de ce vol motorisé. Il fallait quand même qu’un homme courre pour la remorquer et pour lui donner suffisamment de vitesse et, donc, de portance. La distance parcourue ? Environ 320 m. On est loin des soi-disant 11 km parcourus avec l’aéroplane n°21 au-dessus du Sound le 17 janvier 1902.
Cet article montre surtout que Gustave Whitehead est un bon mécanicien pour construire des petits moteurs légers. Enfin, "l’avion amélioré" dont il est question ici et qui bénéficiera du nouveau moteur léger de 10 CV que Whitehead a l’intention de construire est sans doute la machine n°21. Ce qui signifie notamment qu’il n’a pas encore été équipé d’un moteur à essence en 1903 ... Tout cela me semble bien ambiguë quand on compare ce texte, très sérieux et documenté de photographies explicites, avec d’autres textes comme ceux que je vous ai traduits dans le premier post.

Passons aux autres textes qui seront postés dans un autre post.


ouaf ouaf ! bon toutou !!

Hors ligne

 

#2 [↑][↓]  11-09-2020 11:29:34

philouplaine
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Date d'inscription: 07-06-2010
Renommée :   69 

Re: [Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

Suite du post précédent!


TROISIEME TEXTE – Janvier 1906
Article publié sur la première exposition de l’Aéroclub Américain


Introduction de ma part


Trois années s’écoulent sans que le Scientific American ne reparle des aéroplanes de Whitehead à aucun moment. Ce qui est plutôt curieux. Si Whitehead avait fini sa machine volante n°21, ou si Whitehead avait effectué réellement des vols dès 1901, cinq ans auparavant, on peut penser qu’on en entendrait parler un tantinet plus. D’autant que les Beach sont des financeurs de Gustave Whitehead.
C’est alors qu’en 1906, du 13 au 20 janvier, le premier salon aéronautique organisé par le tout récent Aéroclub des États-Unis a lieu à New-York. Ce fut un tournant dans le monde de l’aviation aux USA, même si ce sont surtout encore les dirigeables et les cerfs-volants expérimentaux qui y sont mis à l’honneur.
Personne n'en ressentit plus les effets que les frères Wright, même s'ils participèrent à cette exposition de façon très discrète. Les Wright, depuis leur premier vol en 1903, avaient effectué de très nombreux vols devant témoins à Dayton, mais de façon confidentielle suite aux recommandations de leurs avocats en vue de garder leur avance pour mieux soutenir les revendications des brevets qu’ils préparent et qui vont être comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu lorsqu’ils vont être rendus publics.
Quant à Whitehead, aucune de ses machines volantes ne sera exposée à cette grande première ce qui est surprenant ... surtout s’il avait réellement effectué des vols depuis 1901. On ne comprend pas très bien cette absence en 1906. En revanche, il disposera d’un pan de mur dans la grande salle où il épinglera des photographies de ses machines. Je reviendrai plus loin sur ce point, qui est d’ailleurs indiqué dans le texte du Scientific American qu’on va lire.
Bonne lecture !




Titre de l’article :
L'EXPOSITION DES APPAREILS AERONAUTIQUES DE L'AEROCLUB AMERICAIN
THE AERO CLUB OF AMERICA’S EXHIBIT OF AERONAUTICAL APPARATUS
Scientific American
Numéro du 27 janvier 1906, Volume 94 N°4, page 93
Article de Stanley Beach



https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//dMEqKb-Small-image-7.jpg
En-tête de l’article de janvier 1906 sur l’exposition de l’aéroclub américain. © Scientific American


Traduction du Texte Original




Une exposition des plus intéressantes, en annexe du sixième salon annuel de l'automobile des États-Unis qui s'est tenu récemment dans les locaux du 69ème régiment d’infanterie à New-York, est celle réalisée par l'Aéroclub américain, tout nouvellement créé. Cette exposition était la première de ce type aux États-Unis, et la plus complète jamais organisée dans le monde, car tous les types de machines volantes, des ballons et dirigeables aux planeurs y étaient représentés. Dans la même salle que le dirigeable de Santos-Dumont, on pouvait voir l'une des premières machines à vol plané construite par Otto Lilienthal, ainsi que l'Aerodrome, l’aéroplane à moteur à vapeur du professeur Samuel Langley, et les différents modèles d'aéroplanes à moteur de Herring et de Hargrave.

Les autres appareils présentés étaient le cerf-volant tétraédrique du professeur Graham Bell, le cerf-volant et l'avion combinés de Ludlow, le ballon torpille à propulsion électrique de Carl Myers et l'hélicoptère de Wilbur Kimball. Le cerf-volant de type "box kite" original de M. Hargrave était également exposé, ainsi que de nombreux modèles conçus par Ms. Herring et Chanute. Outre ces expositions très complètes, les murs de la salle étaient couverts d'une grande collection de photographies montrant les machines d'autres inventeurs, tels que les aéroplanes de Gustave Whitehead, Emile Berliner et Santos-Dumont, et d'autres photographies montrant des dirigeables et des ballons en vol, ainsi que des vues prises en vol depuis des dirigeables et des cerfs-volants. 

Dans une autre salle, des présentations de cinématographie étaient données deux fois par jour. Les films présentés montraient la course automobile Vanderbilt, ou l'ascension du Mont Washington, ou l’ascension de ballons et des expériences menées pour faire voler des planeurs en les remorquant à grande vitesse au moyen d'un bateau à moteur. Dans des vitrines placées dans le hall d'exposition, on pouvait voir des modèles réduits de machines volantes brevetées à l'Office des brevets de Washington, des moteurs légers et d'autres appareils destinés à l'aéronautique, ainsi qu'une importante collection de livres portant sur ce sujet.

Parmi les appareils exposés présentant un intérêt historique, on trouve les grandes hélices en bois que M. Herring veut monter sur le premier avion à moteur de transport de passagers qu’il souhaite développer bientôt. Cet appareil, selon M. Herring, sera propulsé par un petit moteur à air comprimé. M. Herring nous a déclaré avoir volé le 22 octobre 1898 avec cet aéroplane, il y a donc huit ans, avec un de ses amis qui pilotait, sur une distance de 22 mètres en 8 secondes et contre un vent de face de 40 km/h.

Une autre pièce d'exposition d'un très grand intérêt à l'heure actuelle, compte tenu des affirmations de vols tout à fait remarquables dévoilées l’été dernier, est le vilebrequin d’un moteur à essence quatre-temps à volant moteur des frères Wright, moteur qu’ils auraient utilisé sur leur aéroplane lors d’un vol motorisé réussi le 17 décembre 1903 à Kitty Hawk en Caroline du Nord. Les frères Wright affirment avoir utilisé le même moteur mais avec un vilebrequin plus léger sur leur dernier modèle d’aéroplane. Toutefois, le vilebrequin montré par les frères Wright pèse à lui seul environ 14 kg.

Parmi les modèles d'aéroplanes automoteurs présentés, ceux du professeur Langley devraient sans doute être les premiers à être mentionnés. L’aéroplane de Langley, propulsé par un moteur à vapeur a survolé le fleuve Potomac à Quantico, en Virginie le 6 mai 1896, soit il y a dix ans déjà. L’aéroplane a parcouru environ 800 mètres lors de ce premier vol. C'était le premier vol d'un avion à moteur. Le modèle suivant, doté d’un moteur à essence (un moteur à cinq cylindres refroidi par air, les cylindres sont disposés en étoile) a effectué de nombreux vols plus courts en août 1903. (NdT – On sait aujourd’hui que toutes ces affirmations sont fausses. Les premières et seules photographies d’un Aerodrome de Langley en vol datent toutes de 1913, sur un modèle complètement revu en tenant compte des nouvelles lois aérodynamiques découvertes alors, lois qui étaient totalement ignorées en 1896 quand Samuel Langley construisit son premier Aerodrome).

Les modèles du professeur Langley sont construits selon le principe de l’aéroplane biplan développé par M. Brown où les deux plans porteurs du biplan sont placés l’un derrière l’autre dans le même plan horizontal. Ce système ne permet de soulever qu'une dizaine de kg par CV, contre une levée de 50 à 70 kg par CV avec un aéroplane à deux plans superposés. Dans la pratique, Langley n’a obtenu qu’une portance de 8 kg par CV. Le moteur à vapeur de Langley pesait 30 livres, tandis que l'installation de traction développait 11,4 BHP "au frein" (NdT – La norme américaine de mesure de la puissance d’un moteur à l’époque était de mesurer le couple sur le vilebrequin directement en sortie du moteur avec un outil particulier qui s’appelait le frein, d’où la notation de la puissance en BHP ou Brake Horse Power). Ce moteur à essence avait un quart de la taille et un seizième du poids de la machine de Langley. Il pesait 14 kg à lui seul mais ne fournissait qu’une puissance de traction de 11,4 CV. Quant aux vols réels de ces aéroplanes, il ne fait aucun doute que celui du 6 mai 1896 a eu lieu, M. Graham-Bell  y était et des photographies de la machine en vol  au-dessus du Potomac ont été prises (NdT – Aucune de ces photographies n’a jamais été vue depuis, on peut donc raisonnablement douter de leur existence).

Un autre modèle intéressant est celui exposé par M. Augustus Herring, qui, selon lui, a effectué de nombreux vols avec succès. Lorsqu'il était attaché à un poteau élevé avec une longue corde, cet engin aurait volé sur une distance totale de 25 km en cercle en décembre 1902, et ne se serait arrêté que lorsque l'approvisionnement en essence a cessé. Cet aéroplane est mû par un petit moteur à essence monocylindre à allumage électrique, refroidi par air, avec des soupapes d'admission et d'échappement actionnées mécaniquement, fonctionne avec une petite hélice actionnée directement par le vilebrequin. Le poids de ce moteur ne serait que de 1 kg, et sa puissance maximale de 0,51 CV à 3 400 tours/minute. En vol, cependant, le moteur n'aurait atteint que 850 tours/minute et n'aurait développé que 0,07 CV. Les surfaces portantes de ce modèle mesurent 1,6 mètre de long sur 35 centimètres de large. L’hélice a un diamètre de 50 cm et entraînerait l’aéroplane dans les airs à une vitesse de 50 km/h. Cette machine est du type habituel, soit un biplan avec des ailes rectangulaires, incurvées et superposées, modèle inventé par Chanute en 1896. On dit que son succès est dû à un dispositif de maintien de l'équilibre que son inventeur préfère, pour l’instant, garder secret. Aucune photographie de ce dispositif ou de machines plus grandes du même modèle en vol n'a été montrée, et aucun compte rendu fiable de leurs réalisations n'a jamais été publié.

Une seule photographie floue d'une grande machine en forme d'oiseau propulsée par deux hélices actionnées par de l'air comprimé, et qui a été construite par Gustave Whitehead en 1901, est la seule autre photographie dont on dispose sur l’exposition, d'un aéroplane en vol, autopropulsé et avec un opérateur à bord.

Afin d'étayer, au moins partiellement, leurs affirmations, il semblerait que les inventeurs d'avions montrent de plus en plus des photographies de leurs machines en vol. C'est ce qu'ont fait M. Maxim et le professeur Langley. C’est aussi la raison pour laquelle le professeur Graham-Bell utilise de la soie rouge dans la construction de ses cerfs-volants tétraédriques au lieu de la mousseline qu'il préfère, mais qui, en raison de sa couleur claire, est difficile à photographier.

Contrairement au grand secret des derniers expérimentateurs d’aéroplanes, il faut noter la manière libre dont ce premier grand expérimentateur en vol plané, Otto Lilienthal, a rendu public les résultats de ses expériences. L'un des premiers engins planeur qu'il a utilisé en 1893 est exposé cette année, et une photographie de cet engin est présentée à la page 93. S'il n'était pas mort prématurément en 1896, suite à la rupture de sa machine en plein vol, il ne fait guère de doute qu'il aurait résolu le problème de l'avion à moteur il y a quelques années ; car non seulement il était un mathématicien et un physicien minutieux, un constructeur et un ingénieur mécanique intelligent, mais il possédait également cette audace et cette dextérité physique qui sont une aide précieuse pour celui qui veut résoudre un tel problème.

L'une des pièces exposées les plus intéressantes était le cerf-volant tétraédrique du professeur Graham-Bell, présenté à la page précédente, et un modèle à 408 cellules tétraédriques qui pèse près de 130 kg. Malgré l'apparente fragilité de la structure de ces cellules tétraédriques, leur grande force une fois assemblées a été démontrée par le placement d'un homme de 86 kg sans dommage sur un cerf-volant tétraédrique composé de 100 cellules. Le cerf-volant au moyen de sa queue basculante actionnée par un pendule à l'avant, descendra en longues courbes gracieuses lorsqu'il sera lâché en l'air, et à plusieurs reprises il a décrit des cercles complets avant de se poser, un peu comme le fait un oiseau.

Parmi d'autres objets exposés, il y avait des paniers en osier pour ballons équipés d'appareils permettant de dessiner et de photographier le paysage survolé, et de faire des observations météorologiques. Les cadres de deux ballons dirigeables, le "Santos-Dumont N°. 9" et le "California Arrow" étaient présentés. Tous deux sont des dirigeables équipés de moteurs à essence refroidis par air et de construction très légère. Un ensemble complet d'appareils utilisés par le bureau météorologique constituait une autre exposition extrêmement intéressante.


FIN




Les photographies présentées dans cet article de janvier 1906 :


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Traduction des légendes. Vue de côté et de l’arrière du cerf-volant à plans tétraédraux du professeur Bell. Ces plans sont capables de se déployer en plein vol et ralentissent alors la chute du cerf-volant qui descend alors en accomplissant une série de courbes qui se ferment quelquefois en un cercle complet semblable au vol plané d’un oiseau. Photographie de gauche : cette photographie montre l’empennage tétraédral vue des trois-quarts avant qui est composé de cellules tétraédrales construites avec des tiges en épicéa de 4 cm de section carrée sur 25 cm de long. Ces tiges sont assemblées entre elles avec une fine ficelle puis entoilées avec de la soie rouge. Le poids d’une cellule tétraédrale est de 9 ½ grammes. Photographie de droite : Vue sur le côté du même empennage arrière. L’empennage est ici déployé vers le haut, ce qui se produit automatiquement quand le cerf-volant plonge vers le sol. © Scientific American


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//dMEqKb-Small-image-9.jpg
Traduction des légendes. Photographie de gauche : Vue générale de l’Aerodrome à vapeur de Langley. C’est le premier aéroplane automotorisé, tracté par un moteur à vapeur, à avoir voler. Le premier vol réussi de cet aéroplane eut lieu le 6 mai 1896 à Quantico en Virginie. À l’arrière-plan à droite de cette photographie, on aperçoit l’aéroplane à deux plans de Herring et Arnot, un modèle qui a été depuis repris par M. Herring et, plus récemment, par les frères Wright.
Photographie en haut à droite : Le cerf-volant à aile en forme de dôme de Herring (modèle de 1896). Avec cette forme ne dôme, le centre de pression de l’air est presque tout le temps constant par rapport au centre de gravité de la machine quel que soit l’angle d’inclinaison, ce qui assure une meilleure stabilité en vol. La portance est également plus importante pour la même surface alaire.
Photographie en bas à droite : Des machines à deux surfaces portantes de M. Brown. Ce genre d’aéroplane avec deux plans porteurs l’un derrière l’autre dans le même plan géométrique a été inventé en 1878. L’Aerodrome de Langley est ainsi conçu. Il se trouve cependant qu’avec une telle disposition des deux plans porteurs, 1 CV n’emporte que 9 kg de charge. En revanche, quand les deux plans porteurs sont superposés l’un sur l’autre, comme dans les modèles de Chanute, 1 CV emporte de 45 à 70 kg de charge. © Scientific American


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Traduction des légendes. Photographie de gauche : Le moteur et la nacelle du dirigeable n°9 de Santos-Dumont. Un ventilateur a été placé derrière le moteur contre les cylindres pour accélérer leur refroidissement. Une grande roue de vélo a été placée sur l’axe du moteur pour agir comme un volant d’inerte et l’axe sur lequel est fixée l’hélice est bien visible. Son extrémité est cachée par la photographie de la Tour Eiffel. Le biplan qu’on distingue à l’arrière-plan est un aéroplane motorisé qui aurait effectué de nombreux vols libres de longue durée (il s’agit du Flyer des frères Wright). Photographie de droite : L’un des planeurs construits par Lilienthal, avec lequel il a  effectuée des centaines de glissades réussies. Ce planeur dispose d’une dérive arrière verticale (qu’on ne voit pas sur cette photo). Lilienthal, grâce à ce dispositif, a réussi à virer en vol à gauche et à droite avec ce modèle de planeur. © Scientific American


Quelques remarques de ma part sur cet article


On relève plusieurs points d’intérêt dans ce texte. Dans l’ordre chronologique du texte, les voici : 
Tout d’abord on y lit que le vol réussi d’un aéroplane motorisé a été réalisé non pas par un pionnier mais par beaucoup : Herring, Langley etc., et dès 1896 ! Seul problème, on sait aujourd’hui que tous mentaient : Herring, Hardgrave et Langley. Ne reste donc que Whitehead, mais dans une nébuleuse de nombreuses ambiguïtés.

Ensuite, on lit : "Outre ces expositions très complètes, les murs de la salle étaient couverts d'une grande collection de photographies montrant les machines d'autres inventeurs, tels que les aéroplanes de Gustave Whitehead (...)". Donc, Gustave Whitehead y a bien présenté des photographies de ses machines. Il se trouve qu’une photographie a été prise des murs recouverts de photos de cette grande salle d’exposition. La voilà :


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//eMEqKb-Small-image-11.jpg
Vue de la grande salle de l’exposition de l’aéroclub américain de 1906.


On distingue sur cette photographie notamment le planeur de Lilienthal accroché au plafond (qu’on voit aussi sur la photographie publiée par le Scientific American). On distingue sur la droite un vilebrequin de moteur avec son volant d’inertie exposé bien en évidence, c’est celui du moteur à quatre cylindres des frères Wright. Les murs sont couverts de photographies. Certaines d’entre elles, nous intéressent plus les autres car la chance a voulu que ce soient celles de Gustave Whitehead. Cette photographie est la seule qui montre les photographies exposées par Gustave Whitehead à cette première exposition de l’aéronautique américaine en 1906. Voici la même photographie mais avec le panneau d’exposition des photographies de Gustave Whitehead surligné :


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//eMEqKb-Small-image-12.jpg
Même vue que précédemment mais avec les photographies exposées par Gustave Whitehead encadrées en jaune.


Cette unique photographie de la partie de la salle d’exposition a été reprise dans de nombreuses textes modernes américains dans le but de prouver, par des analyses des images très poussées, que l’une des photos exposées ici par Whitehead montrerait sa machine n°21 en vol avec lui aux commandes. J’y reviendrai dans un futur post.

Ensuite on lit que : "M. Herring nous a déclaré avoir volé le 22 octobre 1898, il y a donc huit ans, avec un de ses amis qui pilotait, sur cet aéroplane sur une distance de 22 mètres en 8 secondes et contre un vent de face de 40 km/h." Ainsi donc, le premier américain à avoir volé sur une machine plus lourde-que-l’air autopropulsée ne serait ni les frères Wright, ni Gustave Whitehead, ni le professeur Langley mais bien Augustus Herring, le 22 octobre 1898. Sur une distance de 22 m et à la vitesse d’environ 10 km/h par rapport au sol mais avec un vent de face de 40 km/h. Notons que Stanley Beach écrit bien ici que c’est M. Herring qui l’affirme. Quel crédit donner à cette information ? Aucun, j’en ai bien peur. Voilà pourquoi. Augustus Herring (1867-1926) était un pionnier de l’aviation américain qui a effectué de nombreux vols planés (des glissades comme on disait alors) devant témoins sur des planeurs de sa construction. Le 22 octobre 1898 il a effectivement prétendu avoir réalisé un vol sur un planeur autopropulsé de son invention devant deux témoins. Lesquels ? On ne sait pas. Ce que l’on sait très bien en revanche, c’est que le 10 octobre il avait invité l’éminent Octave Chanute pour lui faire une démonstration du vol de ce même planeur autopropulsé. Ce planeur était un biplan à aile superposées selon le dessin inventé par O. Chanute. Le 10 octobre, devant Chanute, il avait bien tenté plusieurs fois de voler mais il n’avait jamais réussi à décoller. Ç’avait été un échec. On est donc en droit de mettre en doute la parole de M. Herring, ce qui remet en lice Whitehead et les frères Wright.

On lit ensuite la partie relative à l’Aerodrome de Samuel Langley. Le vol du 6 mai 1896 n’a jamais eu lieu. On le sait aujourd’hui. L’Aerodrome s’est écrasé en bout de catapulte. Il n’a jamais volé. "Les nombreux vols en 1903" dont il est question dans le texte ont bien eut lieu eux ... mais avec une maquette au ¼ de l’Aerodrome et sans personne à bord bien sûr. Ce n’est pas tout à fait la même chose.


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Photographie de la maquette au ¼ de l’Aerodrome prise dans l’atelier du professeur Langley à Quantico, Virginie, en 1903. On voit bien que c’est une maquette en comparant avec la taille de la chaise visible à droite.


J’ai indiqué dans des notes placées dans la traduction certaines des contradictions entre ce qu’on sait aujourd’hui et ce que Langley a affirmé à Stanley Beach. Je n’y reviendrai donc pas ici.

On lit ensuite la très intéressante phrase sur Whitehead : "Une seule photographie floue d'une grande machine en forme d'oiseau propulsée par deux hélices actionnées par de l'air comprimé, et qui a été construite par Gustave Whitehead en 1901, est la seule autre photographie dont on dispose sur l’exposition, d'un aéroplane en vol, autopropulsé et avec un opérateur à bord". La photographie "floue" dont il est ici question est la suivante, elle est visible sur la photographie prise de l’exposition en 1906. Beaucoup de documents américains portent sur cette photographie d’une photographie, comme nous le verrons dans un prochain post.


https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//YLEqKb-Small-image-14.jpg
Encadrée de rouge : la fameuse photographie floue censée montrer Gustave Whitehead aux commandes de sa machine n°21 en vol à quelques dizaines de mètres du sol. Nous y reviendrons dans un autre post.


Enfin, dans le corps du texte, on voit une phrase d’un très grand intérêt, celle sur les frères Wright. La voici : " Une autre pièce d'exposition d'un très grand intérêt à l'heure actuelle, compte tenu des affirmations de vols tout à fait remarquables dévoilées l’été dernier, est le vilebrequin d’un moteur à essence quatre-temps à volant moteur des frères Wright, moteur qu’ils auraient utilisé sur leur aéroplane lors d’un vol motorisé réussi le 17 décembre 1903 à Kitty Hawk en Caroline du Nord. " Elle est au conditionnel, signe de la difficulté pour les spécialistes de croire aux résultats prodigieux annoncés par les frères Wright. C’est bizarre n’est-ce-pas, eux on les croit difficilement, mais ce qu’affirment d’autres comme Augustus Herring, pas de problème : on le cite sans utiliser le conditionnel. Pourquoi cela ? Parce qu’au début de 1906, les frères Wright n’avaient pas encore rendu public ni la durée des vols qu’ils faisaient régulièrement à Dayton, ni les altitudes qu’ils pouvaient atteindre, tellement c’était incroyable à l’époque. Lorsque, quelques mois plus tard, tout cela sera officiel (avec l’accord de leurs avocats et la prise des brevets), tout le monde sera "scotché", comme l’on dit aujourd’hui, y compris ceux qui suivaient de près les exploits de l’aéronautique naissante.
Passons au texte suivant.






QUATRIEME TEXTE – Décembre 1906
Editorial de Scientific American sur l’exploit des frères Wright



Introduction de ma part



Fin 1906, la revue Scientific American change son fusil d’épaule vis-à-vis des frères Wright. Il faut dire qu’ils ont, entre temps, rendus public toutes les données d’aérodynamique qu’ils ont enregistrées avec leur avion, les différents "Flyer". Les frères Wright n’ont connu la gloire qu’en 1906, pas avant. Leur premier vol de 1903 n’a été que très peu médiatisé et, ce, volontairement. Seuls quatre journaux locaux ont relaté le vol réussi de Kitty Hawk, le lendemain de l'événement. Convaincus d’avoir inventé "l’avion", les frères Wright avaient décidé de « faire de l’argent avec cette invention » et avaient donc contacté un cabinet d’avocat pour protéger leurs droits sur cette invention ! Leurs conseillers juridiques leur avaient recommandé, comme c’est toujours le cas dans toute  procédure de dépôt de brevet, de garder le secret maximal sur cette invention tant que le brevet n’avait pas été accepté et enregistré par l’Office des brevets américain. Et c’est le 22 mai 1906 que cela arriva. Suite à la prise du brevet, les frères Wright rendirent public toutes leurs données aéronautiques et leurs découvertes en aérodynamisme, toutes plus révolutionnaires les unes que les autres à l’époque. Voilà pourquoi, si en janvier 1906 le Scientific American ne parlait qu’au conditionnel des exploits des frères Wright, en décembre ils avaient droit à un éditorial élogieux de la prestigieuse revue. Entre temps, les brevets des Wright avaient été rendus publics. Voilà la traduction de cet éditorial, tout à la gloire des frères Wright ... et, déjà, on ne parle plus du tout de Gustave Whitehead.
Le titre à lui seul est très clair : il s’agit du PREMIER avion fonctionnel (à avoir volé avec un pilote à bord). Par conséquent, il n’y en avait pas eu un autre avant !
Bonne lecture !




Titre de l’article :
GENÈSE DU PREMIER AEROPLANE FONCTIONNEL
GENESIS OF THE FIRST SUCCESSFUL AEROPLANE
Scientific American
Numéro du 15 décembre 1906, Volume 95 N°24, page 442
Editorial



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En-tête de l’éditorial. © Scientific American


Traduction du texte original




Dans toute l'histoire humaine de l'invention, il n'y a probablement pas de parallèle avec la manière peu ostentatoire dont les frères Wright, de Dayton, Ohio, ont révélé au public leur invention révolutionnaire de la première machine volante autopropulsée. À une époque où les divers expérimentateurs dans le domaine de l'aéronautique étaient stupéfaits par l'échec du célèbre Langley à effectuer un seul vol réussi avec sa machine à deux plans en tandem, pour laquelle l’armée américaine avait payé un contrat 50 000 dollars que, depuis, le gouvernement a cassé, on annonça soudain que deux jeunes mécaniciens avaient réussi à construire un aéroplane qui avait effectué un vol continu parfaitement contrôlé, avec l’un des inventeurs à bord, sur plus de trente kilomètres et à grande vitesse !

Leur succès, qui marque une extraordinaire avancée en aéronautique, fut cependant maintenu si discret et avec des annonces rares au contenu si extraordinaire que le doute sur la véracité de l'histoire fut pratiquement immédiat et très entretenu chez les autres spécialistes, d'autant plus que les frères Wright refusèrent de donner accès à leur machine ou de faire une quelconque déclaration sur ses caractéristiques.

Le comité éditorial du SCIENTIFIC AMERICAN a cependant décidé d’envoyer un courrier aux dix-sept témoins oculaires qui ont été mentionnés comme ayant vu les différents vols et a reçu des lettres de ces personnes, toutes de bonne réputation, qui ont complètement dissipé tout doute sur ce qui avait été accompli. Malheureusement, les spécialistes aéronautiques étrangers n'ont pas compris l'importance des faits ainsi révélés. C’est ainsi que lorsque Alberto Santos-Dumont a effectué son récent vol court de quelques centaines de mètres à Paris le 23 octobre dernier, avec une machine assez ressemblante à celle des frères Wright, il s'est assuré en Europe le crédit d'avoir effectué le premier vol motorisé réussi.

L'un des rédacteurs de SCIENTIFIC AMERICAN a pu récemment interviewer Messieurs Wright pour leur première interview accordée à une revue technique, dans laquelle ils donnent quelques indications sur ce qu'ils ont réellement accompli et décrivent les recherches qu’ils ont menées pour atteindre leur succès final.

Après s'être intéressés au problème de la navigation aérienne il y a une dizaine d'années, les frères Wright ont expérimenté pendant plusieurs étés un planeur biplan, avec lequel ils sont devenus si compétents qu'ils pouvaient effectuer de longs vols planés depuis les sommets des dunes de sable et même effectuer des vols contrôlés en forme de la lettre S. Ils ont constamment amélioré leur planeur en ajoutant un gouvernail vertical et un gouvernail horizontal puis une méthode de torsion des plans principaux afin de préserver l'équilibre latéral et de pouvoir contrôler les changements de direction en vol malgré les sautes de vent. Après avoir atteint une compétence suffisante pour contrôler la machine en planant, les frères entreprirent de la transformer en une machine motorisée. Comme il n'y avait aucun moteur à essence suffisamment léger à cette époque, ils furent obligés de construire leur propre moteur. Ils décidèrent de construire un moteur horizontal à quatre cylindres, refroidi à l'eau, qui, une fois terminé, pesait 115 kg et développait 16 CV, bien qu'il ait affiché une puissance réelle de 24 CV pendant les 15 premières secondes de son essai statique.

Comme ils ne trouvaient aucune cohérence dans ce que disaient les autres aéronautes sur la manière précise de construire des hélices pour la navigation aérienne, les frères Wright, après avoir construit leur propre moteur à essence, décidèrent d’élaborer leur propre hélice. Ils conçurent pour leur aéroplane toute une série d’hélices à vis, différant légèrement les unes des autres, et calculèrent pour chacune la vitesse théorique qu’elle pourrait impulser à l’aéroplane avec la puissance précise dont ils disposaient avec leur moteur à essence.

Lors du premier essai avec le moteur (réalisé en décembre 1903), la machine volait pratiquement à la vitesse que les frères avaient calculée, ce qui confirmait la véracité de leur théorie sur l'action des hélices à vis pour la navigation aérienne. Lors de ce premier vol, leur aéroplane, le Flyer, se déplaça en ligne droite sur une distance de 260 mètres contre un vent de face de 40 km/h.
Ayant ainsi prouvé que leur planeur une fois motorisé pouvait voler contre le vent, les frères Wright rentrèrent chez eux et, au printemps de l'année suivante, reprirent leurs expériences dans une prairie qui leur appartenait à une douzaine de kilomètres de Dayton, où ils construisirent un hangar pour abriter leur machine.

La plus grande partie du printemps, de l'été et de l'automne des années 1904 et 1905 fut consacrée à des expériences très diverses avec leur nouvel aéroplane. Un certain nombre de difficultés inattendues ont été rencontrées et il s'est avéré que la machine pouvait se comporter quelque fois tout à fait différemment de ce qu'elle faisait lorsqu'elle planait simplement sans moteur. En effet, avec le moteur installé, l'opérateur devait effectuer des mouvements de contrôle de l'équilibre exactement opposés à ceux qui étaient nécessaires lorsque la machine ne faisait que planer. Pour le démarrage de la machine, un rail en acier léger d'environ 23 mètres de long était posé au sol. Un petit chariot muni de deux roues à double pneumatique était placé sur ce rail et soutenait l'aéroplane. La machine était stabilisée par un homme qui se tenait debout sur le côté et la tenait. La machine était reliée par un câble à un poteau et maintenue par l’assistant pendant que le moteur et les hélices étaient mis en marche. Puis on relâchait soudainement un poids qui, en chutant de la tour, lançait l’aéroplane vers l'avant, après quoi l’aéroplane s'élevait dans les airs avant que l'extrémité du rail ne soit atteinte. Comme le champ survolé était relativement petit, de forme à peu près rectangulaire, il était nécessaire de faire des virages serrés pour rester dans ses limites. Ces virages furent assez souvent difficiles à effectuer et il y eut un certain nombre de cas où l’aéroplane retourna au sol brutalement, l’opérateur en réchappant à chaque fois sans blessures graves heureusement. Ce n'est qu'en octobre de l'année dernière (1905) que les frères Wright ont compris la cause de cette instabilité, qui n'était pas tant due à l'instabilité de la machine qu'au mode de fonctionnement même d’un aéroplane motorisé. C’est après cette découverte qu’ils ont pu effectuer un vol de 38 kilomètres en 38 minutes, soit à la vitesse tout à fait étonnante de près de 60 km/h.

Grâce à leur méthode de démarrage sur rail, les frères Wright ont pu s'élancer dans les airs en dépensant beaucoup moins d'énergie que s'ils avaient monté leur machine sur des roues à pneumatique et à roulement à billes et l'avaient fait rouler sur une route lisse et dure pour prendre de la vitesse. Comme on le sait, la traction nécessitée par une machine fonctionnant de cette manière est plusieurs fois supérieure à celle d'une machine fonctionnant de la première manière. Cela expliquerait la puissance excessive requise par Santos-Dumont pour faire décoller son aéroplane, car il lance sa machine au sol sur des roues et sur du gazon, où la résistance est plus grande. Mais cela n'explique pas la vitesse en vol relativement faible de son aéroplane, comparativement à celle de la machine des frères Wright. Cela ne peut provenir que de l'inefficacité du dessin de l'hélice de la machine de Santos-Dumont.

L'un des principaux points sur lesquels les frères Wright affirment avoir fait une nette amélioration par rapport à toutes les machines volantes précédentes réside en effet dans la conception de leur hélice. Au lieu d'une efficacité de 40 % (force de traction développée sur puissance) pour les hélices déjà décrites auparavant, ils estiment que les nouvelles hélices à vis qu'ils ont conçues ont un rendement minimal de 70 %.

Il y a un point important sur lequel les frères Wright ne sont pas d'accord avec Langley. M. Samuel Langley ainsi affirmait qu'un aéroplane voyageant à une vitesse élevée transporte une charge plus importante que lorsqu'il voyage à une vitesse plus faible. Ils admettent qu'un aéroplane plus rapide pourra transporter une charge plus importante, mais affirmer qu'il faudrait moins de puissance pour le réaliser est, pour les frères Wright, contraire à la loi de la résistance atmosphérique, qu’ils ont montrée par de nombreux essais statiques. La résistance de l’air augmente avec le carré de la vitesse d’un aéroplane. Ils ont ainsi constaté expérimentalement avec leur aéroplane que le poids supporté par CV dépensé varie inversement à la vitesse. À la vitesse en vol de 60 km/h, leur aéroplane emportait 28 ¼ kg par CV. Ils constatèrent en revanche qu’à 30 km/h, ils pouvaient emporter 57 kg par CV, mais seulement 15 kg par CV quand ils poussèrent leur aéroplane à 120 km/h.

Vous trouverez ailleurs dans ce numéro une photographie et une description du nouveau moteur des frères Wright, avec lequel ils sont sûrs de pouvoir conduire leur nouvel et plus grand aéroplane avec un opérateur à bord, sur une distance de 800 km à une vitesse moyenne d'au moins 80 km/h. Leurs succès passés semblent promettre qu'ils réaliseront bien cet exploit, si ce n'est lors du premier essai, du moins dans un avenir très proche.


FIN




Quelques remarques de ma part sur cet article

Dès la première phrase, tout est dit : "la première machine volante autopropulsée". On comprend ensuite pourquoi les éditeurs de Scientific American usent de ce ton si affirmatif, parce que, à commencer par Langley, on venait, dans le courant de 1906, de se rendre compte que tous ceux qui prétendaient avoir effectué un vol réussi sur un plus-lourd-que-l’air autopropulsé ne disaient pas la vérité.
Pensez un moment au scandale de Langley, qui reçut une subvention de 50 000 dollars de l’armée pour fabriquer et tester son Aerodrome, soient près de 1 ½ millions de dollars d’aujourd’hui, tout cela pour rien. Pourtant, lors de la première exposition de l’aéroclub des Etats-Unis (texte précédent), Langley prétendait avoir réussi un vol dès 1896 ! On sait aujourd’hui que ses divers Aerodrome n’ont jamais volé, sauf quand Glenn Curtis modifia fortement sa silhouette aérodynamique et sa motorisation ... en 1913 !
Nulle part dans cet éditorial on parle de Whitehead.

Passons maintenant aux deux derniers textes.


ouaf ouaf ! bon toutou !!

Hors ligne

 

#3 [↑][↓]  11-09-2020 11:30:53

philouplaine
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Re: [Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

Suite (et fin) des deux posts précédents!




CINQUIEME TEXTE – 1906
Article du Scientific American sur la deuxième exposition de l’aéroclub des États-Unis



Introduction de ma part

Ce compte-rendu de la deuxième exposition annuelle de l’aéroclub des Etats-Unis insiste beaucoup plus sur les moteurs que sur les aéroplanes. On va y lire des présentations de machines étonnantes, comme des aéroplanes à ailes battantes, dont certaines auraient même été présentées en action sur le toit du hall où a lieu l’exposition. Ce qui préfigure les salons d’aviation futurs couplés avec des démonstrations en vol.
On constate une grande opposition à plusieurs endroits du texte entre ce qui est écrit dans cet article et ce qui est écrit dans l’éditorial comme nous le verrons.
Bonne lecture !




Titre de l’article :
LA DEUXIÈME EXPOSITION ANNUELLE DE L'AÉROCLUB D'AMÉRIQUE
THE SECOND ANNUAL EXHIBITION OF THE AERO CLUB OF AMERICA
Scientific American
Numéro du 15 décembre 1906, Volume 95 N°24, page 447
Auteur inconnu



https://nsm09.casimages.com/img/2020/09/11//ZLEqKb-Small-image-16.jpg
En-tête de l’article sur le deuxième salon de l’aéroclub américain. © Scientific American


Traduction du texte original




À l'occasion de la septième édition de l’exposition annuelle de l'Automobile Club des Etats-Unis, son petit frère, l'Aéroclub des Etats-Unis, a présenté sa deuxième exposition d'appareils aéronautiques à la fois historiques et modernes. Cette année, l'exposition s'est plus focalisée sur l’exposition des appareils les plus modernes, plutôt que sur les machines ayant un intérêt historique comme ce fut le cas pour l'exposition de l'année dernière. Comme l’année dernière, les murs de la salle étaient couverts de photos intéressantes, surtout d'agrandissements  de ballons et de dirigeables. Outre un certain nombre de photos agrandies des vols des frères Wright, il y avait des tirages de l’aéroplane à moteur de Santos Dumont en vol, ainsi que des agrandissements de cette machine et de son moteur. Plusieurs nacelles de ballons étaient exposées, dont celle du dirigeable "États-Unis" dans lequel le lieutenant Frank Lahm et le major Henry Hershey ont remporté la coupe Gordon Bennett en septembre dernier à Paris. Au plafond étaient suspendues les nacelles de deux des dirigeables américains les plus réussis, le "California Arrow" du capitaine Baldwin, et le dirigeable que Leo Stevens a construit pour le major Miller et qui est le seul dans lequel une femme a effectué un vol.

Le California Arrow a une enveloppe en forme de cigare d'une capacité de 255 m3 et détient un record de vitesse d'environ 30 km/h. C'est remarquable si l'on considère la taille du moteur, qui n'est qu'un petit moteur à deux cylindres en V développant seulement 7 CV (voir la photographie plus loin). L'hélice, d'un diamètre d'environ 2,5 mètres, tourne à 400 tours par minute. Une autre machine exposée, qui pendait du plafond, était un cerf-volant très particulier construit par M. Henry Rodmeyer. Ce monsieur a également fait la démonstration en public un jour de l'exposition d'un modèle de machine volante à ailes battantes sur le toit du bâtiment. Une autre maquette rudimentaire de machine volante à ailes battantes était exposée par M. A. V. Wilson, qui fut l'un des premiers aéronautes américains à effectuer un saut en parachute. Ce monsieur affirme avoir effectué un vol de plus de 500 mètres dans une machine volante à ailes battantes il y a deux ans. Mais la reductio per absurdum de son affirmation que nous avons faite à Scientific American réside dans son autre affirmation : sa machine, une horrible construction de bouts de bois partant dans tous les sens, est propulsée dans les airs par la seule force du pilote, il n’y a pas de moteur. Une autre machine à ailes battantes, de taille réelle, inventée et construite par Amos Drew il y a deux ans, était l'une des pièces historiques exposées. Cette machine, qui pèse 275 kg et a une surface alaire de 32 m2, est équipée d'un moteur à trois cylindres refroidi par air qui est ridiculement petit pour faire le travail de battre les longues et étroites ailes de la machine. L'aéroplane Gillespie (illustré ci-dessous) était une autre exposition tout à fait historique. M. Gillespie a également exposé un nouveau modèle à double surface composé de quatre ensembles de paires d’ailes montées les unes derrière les autres selon un système qui rappelle celui de l’Aerodrome du professeur Langley.


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Le curieux aéroplane de Gillespie et Glenn Curtis basé sur le même dessin aérodynamique que l’appareil malheureux du professeur Langley. Traduction des légendes. L’aéroplane de Gillespie avec ses nombreuses hélices, un objet historiquement intéressant.  Légende du bas à gauche : Le vélo tricycle inventé par le professeur Pickering pour tester les hélices. Légende du bas à droite : Vue de depuis l’arrière du corps central de l’aéroplane de Whitehead. Le moteur et l’hélice sont celles d’une plus petite machine volante.  © Scientific American


Passons maintenant aux nouveaux engins exposés. La seule nouveauté réelle qu’on pouvait admirer dans la zone des aéroplanes était un grand modèle construit en bois et en tissu par l'inventeur, Mlle E . L. Todd, qui a cherché à obtenir une stabilité automatique de l'avion en suspendant d'une manière inédite le corps du fuselage en dessous des ailes, tout en combinant, sur le cadre suspendu, des hélices propulsives à des hélices suspensives.


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Le curieux aéroplane prétendument auto-stabilisé proposé par Mlle E. L Todd. Traduction de la légende : Maquette à taille réelle d’un aéroplane ayant des hélices horizontales propulsives et verticales suspensives. © Scientific American


Monsieur A. Roy Knabenshue a montré le cadre et le moteur de son nouvel avion, qui nous ont semblé bien trop légers pour être très pratiques. On pouvait aussi voir, exposé, un appareil expérimental de type hélicoptère construit par  Carl Dienstbach. L'aéroplane exposé par Gustave Whitehead, qui ressemble à une chauve-souris, est monté sur des petites roues en fil de fer et est équipé d’un moteur à trois cylindres, à deux temps, refroidi par air, développant 15 CV. Ce moteur est directement relié à une hélice de 1,80 m de diamètre placée à l'avant de l’aéroplane. Cet aéroplane a roulé sur une route à une vitesse de près de 40 km/h lors d'essais effectués l'été dernier. Lorsque l’aéroplane est à l’arrêt, le moteur lancé à pleine puissance développe une traction de 34 kg. M. Whitehead a également exposé le moteur à vapeur à deux cylindres qui faisait tourner les roues de son ancien aéroplane  avec lequel il a effectué un certain nombre de vols courts en 1901. Il est en train de construire un nouveau moteur, plus puissant qui comportera 8 cylindres et développera 100 CV. C’est ce moteur qu’il compte installer sur son futur aéroplane.

Cette année, le point fort de ce salon a été la présentation de plusieurs moteurs à essence légers spécialement conçus pour l'aéronautique. Le plus léger pour sa puissance était le moteur à 5 cylindres refroidi par eau, construit par le professeur Langley en 1903 pour son Aerodrome. Ce moteur, dont les cylindres sont curieusement disposés radialement autour du vilebrequin, ne pèse que 55 kg et développe une puissance de 52,4 CV. Son poids par cheval-vapeur n'est donc que de 1,05 kg. Avec sa bobine électrique, ses batteries, ses 12 litres d'eau pour son refroidissement, etc. le poids total de ce moteur n'est que de 90 kg, soit 1,7 kg par CV.  Comme depuis 1903, aucun moteur aussi puissant et aussi léger n’a été construit, on voit que le professeur Langley est en avance sur son temps dans ce domaine comme dans d'autres.

Le moteur suivant qu’on peut voir, le plus léger par cheval-puissance développé, était un moteur deux-temps à 4 cylindres refroidi par air, une invention de M. George .J. Altham. Il s'agit de deux paires de cylindres opposés, placés côte à côte dans des plans verticaux adjacents. Un piston de chaque paire est relié à une manivelle de la manière habituelle, tandis que quatre tiges droites le relient au piston du cylindre opposé. Ces tiges passent à travers des bagues en laiton dans une plaque qui ferme la base du second cylindre. Une chambre annulaire séparée, de la même taille que le carter de vilebrequin, est prévue pour la compression initiale de ce second cylindre.


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Moteur à 4 cylindres accouplés deux à deux inventé par M. George Altham. Traduction des légendes. À gauche : coupe transversale du carburateur inventé par M. Altham. À droite : coupe transversale du moteur à deux-temps inventé par M. Altham. © Scientific American


Dans le schéma, le piston du second cylindre se trouve en haut de sa course, tandis que celui du premier cylindre se trouve en bas. La charge de ce dernier est transférée autour du piston par une boîte de transfert, appelée T, et est déviée vers le haut, comme indiqué par les flèches. L'échappement se fait en même temps sur le côté opposé du cylindre. Le deuxième piston vient de découvrir l'orifice d'admission, 1, et le vide créé par la course ascendante du piston aspire une charge dans l'espace situé sous ce piston pour la compression initiale. Le moteur, on le verra, est du type à trois orifices, sans aucune soupape. Le carburateur utilisé avec ce moteur possède une chambre de flotteur, d'où sort un tuyau vertical, P, contenant trois petits trous pour la pulvérisation de l'essence. Une soupape spéciale en aluminium de forme conique, V, entoure ce tuyau et est maintenue par un ressort, S. Au démarrage, ou lorsque le moteur tourne à faible vitesse, l'air est aspiré par le tuyau d'admission, A, et descend autour de la soupape, comme indiqué par les flèches. Le passage étroit autour du tuyau, P, crée une forte aspiration, et fait que l'essence est aspirée vers le haut et s'écoule dans un mélange approprié avec l'air dans les tuyaux d'admission, BB. Lorsque la vitesse du moteur augmente et que l'aspiration devient plus forte, la soupape, V, est soulevée de son siège, et permet à l'air de passer directement par elle jusqu'aux tuyaux d'entrée du moteur. Lorsque la soupape, V, est soulevée, elle découvre deux trous dans le tuyau de la buse de pulvérisation, P, permettant ainsi de tirer plus d'essence et de la mélanger à l'air dans une chambre prévue dans le haut du carburateur. L'aspiration est donc maintenue pratiquement constante autour de la base du tuyau de pulvérisation, et la quantité d'essence qui est alimentée est contrôlée mécaniquement par l'action de la soupape, V. Ce carburateur est assez différent des types habituels. Il a été spécialement conçu pour être utilisé avec un moteur à deux temps.

La gamme des moteurs développés par M. Glenn Curtis est basée sur moteur en V à deux cylindres destiné aux motocyclettes. La gamme présentée était très complète, et allait du moteur à un cylindre à celui avec huit cylindres en V. Tous ces moteurs sont refroidis à l'air. La méthode utilisée pour refroidir la plupart d'entre eux est l'utilisation d'une grande roue à rayons métalliques portant de petites pales de ventilateur entraînée par le vilebrequin. Ces pales créent un courant d'air suffisant sur les chambres d'échappement et les têtes des cylindres pour les maintenir froids. Tous les moteurs ont un cylindre de taille standard avec un alésage et une course de 3 pouces ¼. C'est l'un des moteurs refroidis par air les plus pratiques construits dans ce pays. Le moteur 8 cylindres, qui pèse 57 kg et développe 30 CV à 1 800 tr/min, est la plus aboutie des tentatives de fabrication d'un moteur multicylindre léger et rapide pour les applications aéronautiques. Les moteurs Curtis sont dotés d'un vilebrequin creux de 1 1/8 pouce de diamètre. Son volant d'inertie de 5 livres porte vingt-trois pales de ventilateur. Le poids de ce moteur est d'un peu plus de 2 ¼ kg  par CV. Bien qu'il ne soit pas aussi léger en proportion de la puissance développée que le moteur de Langley, il n'a cependant aucune des complications rendues nécessaires par le système de circulation d'eau de ce dernier, et ses cylindres sont si petits qu'il devrait pouvoir fonctionner sans trop de difficultés même en cas de surchauffe.

Le moteur le plus intéressant exposé était le nouveau moteur à quatre cylindres, à quatre temps, refroidi par eau, construit par MM. Orville et Wilbur Wright, de Dayton, Ohio, et destiné à être utilisé sur leur nouvel avion. Les cylindres de ce moteur sont en fonte et ont un alésage de 4 ¼ pouces, alors qu'une course de 4 pouces est utilisée. Le moteur ne pèse au complet que 72 kg. Les cylindres sont montés sur un carter de vilebrequin en aluminium, et sont gainés de tôle d'aluminium. Les soupapes sont situées dans les têtes des cylindres, la soupape d'échappement étant uniquement actionnée mécaniquement. Le moteur est équipé d'allumeurs électriques actionnés par des cames sur un arbre transversal placé à côté des têtes des cylindres, cet arbre étant entraîné par des engrenages coniques à partir de l'arbre à cames du moteur. L'étincelle peut être modifiée à volonté en utilisant une petite poignée prévue à cet effet auprès de l’opérateur. Les bielles sont constituées de tubes d'acier creux. Un volant d'inertie solide et léger est utilisé. Le moteur semble beaucoup plus lourd qu'il ne l'est en réalité, et on peut à peine se rendre compte qu'il ne pèse qu'un peu plus de 2 ¼ kg par CV. Le moteur original des frères Wright, avec lequel ils avaient effectué un vol il y a trois ans, était beaucoup plus lourd que le nouveau, son poids total était alors d'environ 115 kg. Les soupapes étaient disposées dans des chambres au bout de tuyaux qui se vissaient dans les culasses. Les chambres des soupapes n'étaient pas refroidies à l'eau, et c'est probablement dû à ce fait qu'il y a eu à l’époque une perte soudaine de puissance après que le moteur ait fonctionné seulement une demi-minute. L'ancien moteur ne développait que 16 CV. C'était un moteur à 4 cylindres qui, dans ses grandes lignes, ressemblait au moteur actuel. Ce moteur est placé en position horizontale dans l’aéroplane. Ce nouveau moteur est suffisamment puissant pour propulser un aéroplane Wright avec deux hommes à bord sur une distance de 320 km à 70 km/h, ou avec le seul pilote sur une distance de 800 km à 80 km/h.


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Les moteurs d’aviation présentés lors la seconde exposition de l’aéroclub des États-Unis. Traduction des légendes. Moteur de gauche : Moteur Curtis à 8 cylindres en V, refroidissement par air, puissance 30 CV. Poids 57 kg, cylindres de 3 ¼ sur 3 ¼ pouces, 1 800 tours/min. Moteur du centre : Moteur Whitehead à deux-temps. Poids 16 kg, puissance 6 CV, 1 000 tours/min. Moteur de droite : Moteur Wright de 28 à 30 CV pour aéroplane. Poids 136 kg, cylindres de 4 ¼ sur 4 pouces, 1 200 tours/min. © Scientific American


Un autre moteur intéressant était un moteur à 4 cylindres à compression variable conçu par M. Harry E. Dey, de Jersey City dans le New Jersey. Ce moteur a un alésage et une course de 2 ½ et 3 pouces respectivement, et sa puissance nominale est de 7 ½ CV à 1 500 R. P. M. Il peut cependant être accéléré à environ 2 500 R. P. M. Son poids, volant compris, est de 39 kg. Ce moteur a d'abord été conçu et utilisé pour le travail automobile. Pour le travail aérien, il a pu être rendu beaucoup plus léger, surtout dans les grandes dimensions. M. Dey déclare qu'il peut concevoir des tailles importantes qui se situeront entre 1 et 1 ½ kg par cheval-vapeur. Les cylindres sont faits de lourds tubes d'acier sans soudure, qui ont été tournés dans une machine à fraiser découpant des rainures d'environ ¼ pouce de profondeur et 1/16 pouce de largeur, en laissant des brides d'environ 1/32 pouce d'épaisseur entre elles.


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Des moteurs très légers présentés à l’exposition. Traduction des légendes. À gauche : Moteur Dey à compression variable refroidi par air de 7 ½ CV. Poids 39 kg, cylindres de 3 ¼ sur 3 ¼ pouces, 1 800 tours/min. À droite : Moteur deux-temps à 4 cylindres refroidi par air pour l’aviation de 9CV. Poids 16 kg, cylindres de 2 ½ sur 2 ½ pouces, 1 600 tours/min. © Scientific American


Les têtes des cylindres de ce moteur, qui sont des pièces moulées, sont traitées de la même manière, en travaillant à partir de deux points, l'un étant la ligne centrale des valves. Le manque de profondeur des brides est plus que compensé par leur nombre, de sorte que la surface rayonnante est plus grande que celle d'un cylindre moulé. L'espace de compression n'est que de 15 % de l'espace total, mais la compression n'est pas anormalement élevée, en raison des ressorts exceptionnellement forts utilisés sur les soupapes d'admission de type automatique. Cette tension de ressort peut cependant être allégée pour les travaux d'urgence en appuyant sur le haut d'un ressort de contre-pression placé au-dessus du ressort principal. Ceci est fait par quatre tiges reliées à une tige horizontale au-dessus des chambres de la vanne, comme on peut le voir sur la photographie suivante. De cette manière, la compression peut être rendue anormalement élevée pour obtenir une surpuissance de courte durée. Le carter est un moulage d'une seule pièce, à l'exception des têtes, qui sont boulonnées par des écrous.

Une petite pompe placée à l'extrémité de l'arbre à cames et inclinée dans le carter pompe l'huile d'un réservoir fixé à la face inférieure du moteur pour la distribuer dans les quatre compartiments du carter, maintenant ainsi un niveau constant pour la lubrification. Des trop-pleins vers le réservoir sont prévus pour remédier à l'excès. Les bielles sont composées de pièces séparées. La bielle proprement dite est en acier laminé, tandis que les pièces à chaque extrémité sont coulées en bronze et rivetées ensemble. La conception est telle qu'il est pratiquement impossible de les séparer, ce qui donne un ensemble très léger et solide pour atteindre de grandes vitesses. L'allumage se fait par étincelle électrique, une seule bobine est utilisée. Un régulateur à billes modifie automatiquement la puissance de l'étincelle pour qu'elle corresponde à la vitesse désirée. Plusieurs autres moteurs étaient exposés, mais ceux qui ont été décrits étaient les plus nouveaux et les mieux construits de tous.


FIN




Quelques remarques de ma part sur cet article

On relève plusieurs points d’intérêt dans ce texte.
Le premier point, c’est la première fois dans le Scientific American où l’auteur, probablement Stanley Beach, affirme nettement  que Gustave Whitehead a effectué en 1901 " un certain nombre de vols courts". La description qu’il donne de l’aéroplane exposé par Whitehead fait penser à la machine n°21, le fameux Condor de Whitehead. Mais il y a un premier hic, le journaliste parle ici d’un moteur à vapeur alors que le moteur décrit en 1901 était un moteur à gaz acétylène. Ensuite, les rapports sur les vols soi-disant effectués en 1901 par Whitehead sur son aéroplane n°21 font état de distances parcourues en vol d’au moins 1,5 km (le premier vol du 14 aout 1901) voire même 11 km pour le plus long au-dessus du Sound entre le continent et Long Island (comme affirmé par Whitehead à American Inventor). Ce ne sont pas ce qu’on appelle des courtes distances.
Le second point, c’est qu’on relève une forte contradiction dans le style et même les affirmations présentées entre cet article et le contenu de l’éditorial du même numéro ! Dans cet article on parle beaucoup de plein de gens, comme Mlle Todd, dont son aéroplane est présenté dans le texte comme : "la seule nouveauté réelle qu’on pouvait admirer dans la zone des aéroplanes". On parle aussi de Gustave Whitehead en soulignant le fait que, lui, avait déjà volé dès 1901 ! Et, très curieusement, il n’y a presque pas un seul mot sur l’aéroplane des frères Wright, portant à cette époque déjà des héros avec des vols homologués à plus de 200 m d’altitude, sur plus de 200 km non-stop et à près de 100 km/h. L’éditorial du même numéro, en revanche, porte principalement sur les frères Wright. Et, au détour d’une phrase qui cite le nom d’autres aviateurs, on ne lit même celui de Gustave Whitehead. Autre forte contradiction entre cet article et l’éditorial, le cas de l’Aerodrome de Langley. Dans l’éditorial, Langley est présenté nettement comme n’ayant jamais pu faire voler son Aerodrome, à cause d’une sous-motorisation et d’hélice mal conçue. Le contrat qui le liait à l’armée ayant été cassé du fait de l’absence total de résultat pratique. Ce qui, vous me l’accorderez, ne colle pas avec ce qu’on appelle un succès. Et, pourtant, dans cet article, les travaux de Langley sont loués et il y est même présenté comme un brillant précurseur, ce qui est un comble !
Apparemment, la "pilule" Wright a du mal à passer pour l’auteur de cet article ...
Passons au dernier texte de ce post, la déclaration sous serment faite par Stanley Beach en ... 1939, trente-cinq ans après les faits.





SIXIEME TEXTE – 1939
Déclaration sur l’honneur de Stanley Beach sur Gustave Whitehead




Introduction de ma part

Voilà un texte original extrêmement important. Il est écrit par Stanley Beach en 1939. Il a fréquenté Gustave Whitehead pendant neuf longues années : de mai 1901 à 1910. C’est Beach qui a pris presque toutes, sinon toutes, les photographies des avions de Whitehead qu’on possède aujourd’hui.
Seul lui a financé et pris en 1908 avec Gustave Whitehead le seul brevet déposé par Gustave Whitehead sur ses inventions de machines volantes (ce qui est une preuve de la réalité de leur collaboration financière).
Ces deux pages dactylographiées ont été écrites et corrigées par Stanley Beach, près de trente ans après les événements de la controverse, pour une déclaration sous serment. Ce document n’a pas été facile à trouver. Certains auteurs actuels ne le considèrent cependant pas comme authentique.
Bonne lecture !




Titre de l’article :
DÉCLARATION DE STANLEY Y. BEACH SUR SA RELATION AVEC GUSTAVE WHITEHEAD
STATEMENT BY STANLEY Y. BEACH ABOUT HIS RELATIONSHIP WITH GUSTAVE WHITEHEAD
Datée du 4 octobre 1939



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Première page de la Déclaration manuscrite de Stanley Beach de 1939.


Traduction du texte original



Déclaration de Stanley Y. Beach sur sa relation avec Gustave Whitehead

En 1901, j'écrivais pour le supplément du magazine Scientific American édité par mon père, Frederick Converse Beach. Je m'étais beaucoup intéressé aux tentatives de construction de planeurs et de machines volantes motorisées. Je vivais alors dans ma ville natale, Stratford dans le Connecticut, et, un jour, j'ai lu dans les journaux de Bridgeport qu'un homme nommé Whitehead construisait une machine volante. Désireux de le rencontrer, je suis allé le voir et j’ai rencontré un mécanicien allemand qui avait travaillé pour Otto Lilienthal en Allemagne à l'époque de ses expériences sur les planeurs. Il avait ensuite émigré en Amérique du Sud et était venu plus tard dans notre pays. Il m'a raconté qu'il avait construit un avion à vapeur et qu'il l'avait fait voler à Pittsburgh. Il m’a dit aussi qu'il avait travaillé à Boston pour un homme qui construisait des planeurs.

Peu de temps après l'avoir rencontré, il m'a montré le planeur triplan qu’il avait construit et m’a fait une démonstration d’un vol avec. J'ai pris une photo de celui-ci en vol qui figure en face de la page 36 du livre de Miss Randolph. Pratiquement toutes les autres photos des planeurs et des avions de Whitehead dans ce livre ont également été prises par moi.

Je me suis alors aperçu que Whitehead avait aussi construit un monoplan motorisé qui était intrinsèquement stable et qu'il construisait également lui-même les moteurs de cet aéroplane. Il avait construit un moteur de 20 CV pour entraîner les deux hélices de son monoplan et un autre, plus petit, de 10 CV pour le propulser au sol.

J'ai incité mon père à avancer de l'argent à Whitehead pour l'aider à poursuivre ses expérimentations. J'estime que mon père lui a donné en tout de cinq à dix mille dollars (NdT - 5 000 dollars en 1901 représentent 151 000 dollars en 2020). Au début, il avait un petit atelier près de la maison où il vivait avec sa famille. Il s’était marié avec une Hongroise et comme elle ne parlait pas allemand, c'était assez amusant de les entendre essayer de se comprendre, lui parlant allemand et elle parlant hongrois.

Je l'ai donc rencontré pour la première fois en mai 1901, quelques mois avant qu'il ne soit censé avoir effectué son vol du 14 août avec son monoplan motorisé. J'ai publié ma première description de son monoplan dans le volume 64 N° 23 du Scientific American du 8 juin 1901, quelques mois donc avant ce soi-disant vol. Si j'avais entendu parler d’un tel vol motorisé, je l'aurais certainement inclus dans mon article. Jamais à cette époque, Whitehead ne m’a dit avoir réussi un vol avec son monoplan.

Avec l'argent avancé par mon père, Whitehead construisit un avion plus grand, avec un train d'atterrissage monté sur quatre roues et une plate-forme sur laquelle on pouvait se tenir debout. Le petit moteur à deux cylindres et à deux temps utilisé pour propulser les deux hélices ne développait qu’une poussée d'environ 20 kg, insuffisante même pour la petite machine utilisée. Nous nous rendîmes chez moi au Lordship Manor à Stratford.  Je remorquais la machine monoplan avec ma locomobile car nous voulions savoir quelle poussée serait nécessaire pour la faire décoller. Avec John Whitehead à bord et en remorquant l’aéroplane à différentes vitesses avec ma locomobile, nous avons découvert qu'il faudrait exercer au minimum 180 kg de poussée ou de traction pour pouvoir faire décoller le monoplan.

Lors de certains de ces essais de remorquage, l’aéroplane quitta le sol sur quelques mètres en volant disons entre un et deux mètres de hauteur, et ces "sauts de puce" sont les seuls dont j’ai été témoin qui sont sans doute à l’origine des soi-disant "vols" vus par certains de ceux qui prétendent que la machine avait réussi à voler à Stratford par sa propre puissance (faux puisque la machine a toujours été remorquée). À ma connaissance, elle n'a jamais quitté le sol par ses propres moyens. Plusieurs essais ont été tentés ces années-là, mais aucun vol n'a été réussi.

Je l'ai vu fréquemment de 1901 à 1910 et à aucun moment il n'a dit qu'il avait réussi à voler dans l’une de ses machines motorisées, même s'il avait construit de nombreuses machines après la date à laquelle il était censé avoir réussi pour la première fois à voler sur une machine autopropulsée.

J'attribue la légende de son soi-disant vol motorisé du 14 août 1901 à l'histoire que Dick Howell a écrite quatre jours plus tard dans le Bridgeport Sunday Herald. Même Miss Randolph dit à la page 20 de son livre que cette histoire du prétendu vol est "confuse". Les journaux de New York et de Boston ont copié tel quel l’article du Sunday Herald et l'histoire a donc pris de l'ampleur jusqu'à ce que, après enquête, les faits soient vraiment découverts, après quoi ce soi-disant premier vol n'a plus jamais été revendiqué. Jusqu'à trente-cinq ans plus tard, lorsque le prestige d'avoir quelque chose à voir avec les tentatives des pionniers de l’aviation a poussé certains à confondre dans leurs souvenirs des vols remorqués réels avec des vols automoteurs irréels.

Néanmoins, c’est vrai que l'avion de Whitehead présentait de nombreuses caractéristiques intéressantes. Il était intrinsèquement stable et pouvait être piloté en toute sécurité, en revenant toujours très doucement au sol. J'étais si confiant dans sa valeur que, après des essais de remorquage menés pendant 3-4 ans, j'ai fait payer à la firme de mon grand-père, Masson & Co de New York et Washington, un brevet d’invention sur un aéroplane monoplan (brevet n° 881,837 du 10 mars 1908, avec effet à partir du 20 décembre 1905). J'ai également étendu ce brevet à l’Autriche et à l’Allemagne. La moitié des intérêts de cette invention me revenait. Mais je n’y ai rien gagné.

Dès que nous avons constaté qu’il fallait un moteur environ dix fois plus puissant que celui construit par Whitehead pour faire décoller l’aéroplane ... ici phrase illisible. Plus tard encore, après avoir vu le nouveau moteur à essence développé par la firme française Panhard-Lavasseur (NdT – L’auteur écrit Lavasseur au lieu de Levasseur), j’encourageais vivement Whitehead à copier certaines des caractéristiques nouvelles de ce moteur pour ses moteurs. Il le fit. Il construisit un nouveau modèle de moteur à 4 cylindres. Le 13 mai 1910, nous avons installé ce nouveau moteur à essence sur un monoplan de type Blériot que j'avais construit. Cet avion a quitté le sol et fait plusieurs petits vols. Nous ne volions qu'à quelques mètres du sol, mais, du coup, on doit reconnaître que Whitehead a le mérite d'avoir réellement construit un moteur qui a effectivement fait voler un avion en 1910.


FIN

Dernière modification par philouplaine (13-09-2020 10:58:49)


ouaf ouaf ! bon toutou !!

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#4 [↑][↓]  12-09-2020 15:44:41

Fabrice352
Nouveau pilote
Date d'inscription: 10-05-2009
Renommée :   

Re: [Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

Excellents articles.

Bravo et continuez.

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#5 [↑][↓]  12-09-2020 16:22:37

cro
Commandant de bord
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Date d'inscription: 30-09-2014

Re: [Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

Là il y a du travail, merci.


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#6 [↑][↓]  12-09-2020 21:27:54

Henry
Copilote
Lieu: Côtes d'Armor
Date d'inscription: 19-11-2010

Re: [Réel] ArchéoAéro – Gustave Whitehead Partie 2

Superbes articles et bravo pour les recherches.

Henry


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