l'oeuf et la poule
On m'avait demandé il y a un bon moment de faire un test de TSW2 agrémenté d'un addon permettant de rouler sur la LGV entre Marseille St Charles et Avignon TGV.
Ok, j'ai trainé, mais je m'y suis enfin mis, relancé récemment sur un ton suppliant parce quelques ferrovipathes.
Le but de ce test est de faire un parallèle entre ce que nous propose le virtuel et la réalité.

graphiquement, je trouve TSW2 et son addon carrément réussi, même s'il m'est difficile de comparer avec d'autres simus similiaires

J'annonce tout de suite la couleur :
1) je passerai volontairement sous silence certains points
2) pour éviter de faire un post de 75 pages (et parce que j'en serai bien incapable !), je ne pourrai pas tout expliquer dans le détail
3) si certains ont des questions et que je peux y répondre, je me ferai un plaisir de le faire
4) ce test ne vise pas à devenir un défouloir pour les adeptes de piques et polémiques

voilà (il y a quelques jours) la "vraie" motrice du 6112 que nous propose de faire TSW2... Moins propre que la version virtuelle

Bienvenue à bord
On est à Marseille, et après un découché pas superflu suivi d'un solide petit déjeuner, on se rend sur le quai pour préparer la rame.
Premier "écart" : un train (et un TGV n'échappe surtout pas à la règle) se prépare. Dans le cas présent, on aurait quelques opérations à effectuer avant de partir, quand TSW2 nous lâche en très très peu de temps. Pas grave !
On va consulter l'état de la rame, puis on annule le maintien de service, on sélectionne la bonne tension (en l'occurrence 1500V continu à Marseille), avant de vérifier visuellement certains points qui rendraient la mission impossible, ou qui entraineraient des restrictions et faire quelques essais...

vue de la cabine réelle d'une rame 200 bi-standard (différente de celle du simu). Le simu prend quelques libertés, mais celui qui ne le sait pas ne s'apercevra probablement de rien

Allez, tout est en ordre de marche, c'est parti !
Notre rame est une série 200, "non rénovée", donc ça devrait aller vite.
Les versions "rénovées" bénéficient de modifications pour leur permettre de rouler sous différents "standards" (la TVM "historique" sur Réseau Ferré National et l'ETCS qui devrait s'imposer sur les lignes à grandes vitesses européennes).

on vient de déverrouiller la BL, et il nous faut maintenant commander la levée du pantographe... Les habitués noteront que le BLSP n'est pas tout à fait conforme à la réalité... Le SIAC et la GSM-R ne sont pas fonctionnels, et les commandes des portes sont erronées

Du coup : déverrouillage de la BL, commande de levée du pantographe (sur Normal), fermeture du disjoncteur et pendant que le compresseur produit de l'air, on saisit les infos dans le système. Cette dernière étape n'est pas possible dans le jeu (et n'apporterait pas grand chose, il faut l'admettre). Par contre, le BLSP (le panneau sur lequel sont regroupés la majorité des voyants) est carrément bien à l'ouest dans la simulation.
On va maintenant activer le FIEF, retirer le neutre et tester les freins.
Essai de la VA, de la TVM, de la radio, toutes les procédures sont listées et très rapidement maitrisées sur le bout des doigts, à force d'être faites.

le simu est en train de procéder à l'embarquement des voyageurs alors qu'on a pas encore terminé les essais... Pas grave, la sécurité avant tout !

Pendant ce temps, les clients embarquent dans la joie et la bonne humeur... sauf que TSW2 ne tient pas du tout compte de la "logique" de commande des files de portes, ni des règles d'utilisation.
On suit néanmoins la logique du jeu sinon, on s'en sortira pas !
On ferme donc les portes quand l'interface nous le demande, et dans la seconde qui suit, hop ! le DC retentit ! Oui, le ding ding s'appelle en fait DC... ou Dispositif de Correspondance. C'est le "contrôleur" qui l'a fait depuis la porte où il se trouve, à l'aide d'un dispositif dédié, au terme d'une procédure très rigoureuse.

Je ne vais volontairement pas m'appesantir sur la procédure des départs des trains : deux coups du DC + heure de départ + panneau présentant FV = GOOOOOO !
On retire le neutre et on remonte la pression CG à 4b, pendant qu'on met un sens de marche et qu'on passe le sélecteur de mode sur Manuel.
La CG est ensuite remontée à 4.5b; on met un peu de traction... On entend bien le son caractéristique des moteurs qui se mettent en action...
Allez, hop ! On finit de desserrer et ça roule !



On garde un oeil sur le panneau, des fois que... Mais il reste au vert donc ça continue.
Petite remarque : notre TGV ne dispose pas du sélecteur de puissance. Il est remplacé par la commande de la VI. Rien de dramatique, c'est juste qu'à Marseille, lorsqu'on est dirigé vers la voie F, le sélecteur de puissance est maintenu sur la position 1, et la puissance de traction contenue à 50% jusqu'à un point donné.
Cette petite assertion, je la place là pour préciser qu'en fait, une mission se prépare. Les conducteurs connaissent non seulement les lignes sur lesquelles ils roulent, les engins qu'ils utilisent, mais en plus, avant chaque départ, ils contrôlent les vitesses indiquées sur ce qu'on appelle la marche.
Il faut savoir que tout est enregistré, et tout est surveillé, quelque soit le train ou sa nature, fret comme voyageurs, TGV comme omnibus. Du respect de la vitesse et de l'horaire à l'application des procédures en passant par l'obéissance à la signalisation, la conduite d'un train s'apparente sous de nombreux aspects à celle d'un avion : il faut beaucoup de rigueur !



Allez, retour en cabine !
On monte en vitesse graduellement, à chaque point "répertorié", en tenant compte de la longueur de la rame (500m puisque nous sommes en Unité Multiple), et on arrive tranquillement à 140 avant la bif des tuileries.
C'est un point-clé qui nécessite un peu de concentration.
Tout d'abord, il faut s'assurer qu'on est bien dirigé. Pour çà, la signalisation va nous donner des informations qu'il faut vérifier. Si c'est conforme, on fonce sinon, il faut réagir (et vite !) pour s'arrêter avant le point de non-retour et aviser le poste de Marseille pour qu'il corrige son erreur d'itinéraire.
Ensuite, on va se préparer à changer de tension et donc couper la traction, ouvrir le disjoncteur et abaisser le pantographe.
En tenant compte de la signalisation, on sélectionne la tension demandée (25000V LGV) au bon moment.
Dans le même temps, on vérifie l'armement de la TVM et la conformité de l'indication présentée au passage du tableau CAB.
On relève le pantographe et on commute le sélecteur de puissance, avant de refermer le disjoncteur et de repasser en traction progressivement mais sans trop trainer.
Le profil de la ligne fait qu'à cet endroit là, dans le tunnel, il faut "taper dedans" si on ne veut pas prendre trop de retard...

on rentre sur la LGV. En raison du profil, on a déjà perdu 11km/h, mais ça va accélérer un peu. Le tableau visible à gauche ("25000 LGV") indique la tension à sélectionner

Allez, un peu d'explications...
Attention, dans les lignes qui vont suivre, je ne parle que de ce que je connais, et de ce qui se pratique en France et surtout, je résume en quelques mots ce qu'on met des mois à assimiler en formation !

D'abord, la ligne impose ses propres limites : une autoroute est limitée à 130km/h quand elle est bien rectiligne, mais quand elle devient sinueuse pour esquiver les montages ou qu'elle descend fortement, la vitesse y est limitée. C'est pareil pour les voies ferrées.
Ensuite, un train de fret qui roule à 120km/h et qui pèse 1500t ne s'arrête pas facilement. Il y a un tout petit peu d'énergie à dissiper... Du coup, compte tenu des déclivités (pentes et rampes) de la ligne, des caractéristiques propres du train, de sa masse train et de son aptitude à freiner, on détermine une vitesse maximale qui lui est propre.
Avec tout çà, on est sûr que le train peut rester sur les rails, et s'arrêter quand ça sera nécessaire.

Mais une autre donnée du problème tient au fait que notre train de fret n'est pas seul sur les rails !
Pour assurer l'espacement entre deux trains, on a posé sur les bords de la voie des panneau de signalisation lumineuse qui vont donner des informations aux conducteurs : ralentir, se tenir prêt à s'arrêter, se limiter avant le prochain panneau à telle vitesse, etc...
En France, on estime qu'avec ce système, un conducteur peut assurer la conduite de son train en toute sécurité jusqu'à 220km/h. Au delà, voir les indications lumineuses n'est plus garanti... Rappelons qu'on roule de jour, de nuit, dans le brouillard, sous la pluie et la neige.

Pour que les grands museaux pointus roulent à 300 sur les lignes dédiées (qu'on appelle LGV), il faut donc autre chose.
Historiquement, cette autre chose, c'est la TVM (Transmission Voie Machine).
Très succinctement, des capteurs sur les motrices vont "renifler" des informations données par les installations implantées au sol et circulant dans les rails. Ces informations sont ensuite présentées en cabine au conducteur.

alors qu'on est dans le tunnel entre Marseille et Aix à 132km/h, on vient d'être autorisé à accélérer jusqu'à 300. Le profil ne facilite pas l'accélération mais bon, ça va le faire !

Ces informations (on parle de "CAB signal") sont à respecter et dès la sortie du tunnel, c'est ce qui se passe : on va devoir ralentir pour assurer la desserte commerciale à Aix en Provence TGV.
Petit hic avec l'addon : parfois, on s'arrête hors quai parce qu'on a pas été aiguillé correctement. C'est moche, mais c'est comme çà !
Le point d'arrêt est repéré dans le simu, alors qu'en vrai, on se fie aux pancartes implantées sur le quai.
Je ne reviens pas sur la question des portes ? Ok, je n'y reviens pas !
Par contre, selon l'indication présentée au CAB, il faut penser à s'immobiliser en faisant une dépression dans la CG (Conduite Générale) d'1,5b, en mettant le neutre, et en plaçant l'inverseur de sens de marche sur 0.
Le simu "gère" les arrêts en présentant successivement des indications restrictives jusqu'au "000". Dans la vraie vie, ce n'est pas le cas. Le 000 nous serait présenté par exemple dans le cas d'un dépassement.

histoire de mieux comprendre pourquoi on a besoin d'informer le conducteur directement en cabine, dites vous bien qu'à 300, on parcourt un kilomètre en 12 secondes, soit 5 kilomètre à la minute...

Allez, fin du service train, présentation du 170E au cab, on repart !
Dès que la dernière motrice de l'élément de queue va avoir dégagé l'aiguille de sortie d'Aix, la TVM va nous autoriser à accélérer à 300, puis possiblement 320.
Je dis bien possiblement, mais TSW2 sait que vous êtes affamés, et vous y aurez droit à chaque fois (ce qui n'est pas vrai dans la réalité pour différentes raisons).
Alors qu'on fonce gentiment vers Avignon, vous vous demanderez peut être si ça n'est pas carrément hyper monotone.
Personnellement, je ne trouve pas. Il est clair que si vous utilisez la VI (qui est une sorte de régulateur), l'expérience va vite devenir sans grand intérêt.
De même, on peut souligner quelques libertés que s'offre le simu. Entre autres choses, les sections de séparations n'existent pas, le freinage est également un peu déroutant, l'influence du profil sur la vitesse parfois fantaisiste, etc...
Mais on rejoint ici des points communs à l'éternel match virtuel/ réel de nos simus de vol !

Perso, je trouve que l'interface est un peu invasive, et que le paramétrage des commandes manquent un poil de clarté. TSW2 doit pouvoir simuler de multiples systèmes et ça entraine inévitablement quelques entorses à la réalité

J'espère en tout cas que ce comparatif/ test aura répondu aux attentes de ceux qui me l'ont demandé, et que ça aura peut être aiguisé la curiosité des curieux qui l'auront lu !
Si vous avez des questions et que je peux y répondre, n'hésitez pas !

et voilà le 6112 arrêté en garde d'Avignon TGV !

Dernière modification par coyotte (27-12-2022 15:41:03)