#1 [↑][↓] 16-11-2008 07:32:09

vbazillio
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VFR de nuit... à Las Vegas

Pour voir les photos, les traces GPS, l'enregistrement de la fréquence et la vidéo de ce récit, rendez-vous sur ce message.
Pour consulter tous les récits déjà publiés (il en reste !) du voyage sur la côte ouest, c'est par ici.

Bonne lecture,
Vncent B.


Les trois avions sont sagement stationnés les uns à côté des autres sur le parking ensoleillé de Mojave. Nous prenons le temps de nous photographier tous les 6 près des avions. La tour affiche toujours un insolent "Air and Space port". Nous, nous sommes fiers aussi d'être déjà arrivés jusque là. C'est mon 6ème jour aux Etats-Unis, il faut parfois faire un "stop" pour nous rendre compte du chemin parcouru. Nous avons déjà parcouru plus de 2200 nm (plus de 4100 km). Ce n'est pas fini et j'ai déjà l'impression d'avoir fait un nombre incroyable de vols exceptionnels. On pourrait s'arrêter là.

Jusqu'alors, chaque soir, c'est à peu près le même cérémonial. Nous prenons possession de nos chambres. Nous y jetons nos affaires, puis nous cherchons un endroit pour diner. Nous discutons alors de la navigation du lendemain et des émotions de la journée écoulée. Puis, épuisés généralement aux alentours de 1h00 du matin, nous nous regroupons dans l'une de nos chambres d'hôtel, déplions les cartes et autres AFD, sortons les log de Nav. des Alcyons et saisissons frénétiquement dans le GPS 496 les points de route. Tout cela se fait encadré par maître Marc-Olivier. Il semble connaitre comme sa poche tous les coins où nous allons. C'est à se demander parfois s'il n'a pas lui-même défini la forme des classes Bravo, MOA et bouts de classe d'espace qui trainent. Il nous est même arrivé un soir, ce devait être vers 02h00 du matin, d'être dans sa chambre tels des petits paddawan préparant notre nav. Il était assoupi, effondré sur son lit. Oui, il ronflait ! Mais par intermittence, au gré de nos remarques à haute voix sur le choix de tels ou tels VOR, route ou altitude, il nous répondait plongé dans un demi-sommeil : "passez plutôt par le VOR Mickey" ou "Prenez 4500 ft parce que sinon vous allez 5 nm plus tard, croiser la MOA bidule qui à l'heure estimée où vous passerez pourrait être active, car le contrôleur en place aura fini son pot d'anniversaire ce jour là". Bluffant. Il fallait être dans la chambre, là. Je suis sûr que vous ne me croyiez pas.

Après avoir plus ou moins bien préparé la navigation du lendemain (l'expression "à l'arrache" reviendra souvent), il restait à Florent et moi à trier les photos et vidéos de la journée passée. Faisons de la place sur les cartes mémoires ! Il s'en suivait alors l'opération : "Je branche tout mon bordel électronique" (un portable Pc, un eePC, des chargeurs de batteries, un disque dur externe, des lecteurs de cartes mémoire) puis à lancer les différents transferts et à revivre dans un état comateux (réveillé en moyenne depuis 12 à 14h) au travers de photos et vidéos les moments forts de la journée. On était pas couché. Par contre, pas de difficulté pour trouver le sommeil. Les rêves en plus.

Les batteries sont donc chargées et les cartes mémoires vides. Le log de nav. est encore affiné avec les dernières recommandations de Marc-Olivier. Il fait vraiment chaud sur Mojave. Il est temps de faire tourner le gros ventilateur à l'avant.

Tout autour de nous, le désert de Mojave. Notre route doit nous conduire encore plus à l'est vers Las Vegas. Le prochain stop est McCarran, KLAS, aéroport international. 160 nautiques (environ 300 km) à vol d'oiseau puisque les oiseaux eux, peuvent passer au dessus des espaces restricted (R-2515, R-2524, R-2502N). Nous non, sauf lorsqu'on s'appelle Marc-Olivier et qu'on négocie gentiment avec le contrôleur une verticale d'Edwards AFB. Entre Mojave et Las Vegas, on trouve cette fameuse base militaire. Rien que ça.

Je m'assois donc à gauche et sans surprise nous voilà déjà en l'air, en route vers Las Vegas. On voit déjà le soleil décliner nous offrant une superbe lumière rasante. Le reste du vol promet beaucoup. Le Seven-Five-Foxtrot est le dernier à partir. Devant nous, le Duchess est déjà loin et le Cessna Tango-Bravo vient de décoller. Quelques minutes après l'envol, sur 123.45, Marc-Olivier nous prévient qu'il a réussi à négocier pour le Duchess une verticale d'Edwards. On entend l'enthousiasme dans sa voix et presque le bruit de l'appareil numérique de Christophe qui s'échauffe. Ce qui n'était qu'une indication se transforme en une invitation pour le Tango-Bravo qui semble filer tout droit. Cela réveille énergiquement le contrôleur qui rappelle clairement qu'il faut passer par le VOR de DAGGETT (clin d'oeil à mon premier instructeur Xavier du même nom) parce que les zones sont HOT HOT ! Un point c'est tout. Et le ton utilisé est sans ambigüité. Alors que Florent et moi étions sagement sur notre trait, nous entendons le Tango-Bravo reprendre la route vers DAG.

Nous contournons donc comme prévu les zones Restricted. Un gros pavé à éviter en plein milieu de la carte. Nous voilà au dessus du désert de Mojave. La luminosité est exceptionnelle et notre regard semble porter jusqu'à l'infini. Nous avons presque l'impression de pouvoir regarder "au-delà" du désert. Étonnement, j'aurais aimé être au sol pour voir ce décors d'en bas. Il faudra revenir. Sans nul doute.

160 nm, ça fait beaucoup de kilomètres de désert à parcourir. Mais nous ne trouvons pas le temps long. Nous en avons forcément plein les yeux et profitons pleinement. La radio nous occupe aussi un peu. 123.45 (the french touch) est là aussi pour nous accompagner et il faut préparer l'arrivée. Loin devant, mais à porté radio, Marc-Olivier nous tiens au courant de l'ATIS de Vegas. C'est Golf qui est "current". L'AFD est repéré aux pages de l'airport diagram de McCarran KLAS. Les cartes sont pliées dans le bon sens. On révise un peu, on se brief. La tension monte lentement.

Mais avant d'arriver sur McCarran, la nuit tombe et nous nous inquiétons d'un petit pic (Charleston peak) entre nous et Las Vegas. La lampe rouge du copilote et la frontal du pilote sont en place. Nous nous préparons à une arrivée de nuit. A la suite d'une petite discussion entre Florent et moi, nous changeons un peu notre stratégie d'arrivée en décidant de survoler l'autoroute I15 au lieu de tracer tout droit. Cela nous fait passer dans une petite vallée et assure notre arrivée à vue. Et "à vue", il y a des choses à voir. Un halo de lumière se présente au loin. Pas de doute, ça doit être par là !

Alors que nous nous rapprochons de Las Vegas, la fréquence est de plus en plus chargée. Nous passons de plus en plus rapidement d'une fréquence à une autre. D'un "center" à une "approach", puis une autre. Et nous nous retrouvons sur des fréquences où nous côtoyons des biens plus gros que nous et bien plus à l'aise en phraséo anglaise ! On se rend compte, tout doucement que l'on se rapproche du terrain au 609,472 mouvements par an , 6ième terrain des Etats-Unis (en 2007). Comment avons-nous pu partir aussi insouciant, nous avec notre maigre expérience et nos petits Cessna. Mais on sent déjà un moment exceptionnel. Nous avons juste peur de ne pas être à la hauteur. Et si on se faisait jeter ? Et si, le contrôleur, exténué par un "Say Again" de trop, nous envoyait patienter dans un coin. Et si, nous nous trompions complètement dans une clairance ? Une mauvaise compréhension, la descente rapide au lieu d'une montée, un virage dans un sens au lieu de l'autre. Seul le traumatisme de ne pas trouver le terrain, dans notre cas... Las Vegas ne nous effleure pas. Nous n'avons pas vraiment peur de nous perdre, nous avons peur de mal faire et de gacher ainsi notre plaisir. Une telle chance nous est offerte de vivre des moments aéronautique comme nul autre, que nous souhaitons faire de notre mieux.

(Pour revivre ce que nous entendons dans nos casques, rendez-vous sur mon blog avec l'écoute de la fréquence)

Il fait maintenant nuit noire. Tout comme à Portland, le contrôleur nous demande notre destination finale ("Zallez où déjà ? Sur mon gros terrain ? Zetes sûr de pas vouloir le p'tit aérodrome pour les ch'tits navinos comme vous ?"). Nous sommes VFR sans plan de vol et on peut imaginer vu le nombre d'avions en l'air et le nombre de terrain dans la région que les contrôleurs souhaitent savoir où va tel ou tel appareil. Surtout s'il va sur le gros terrain international. Zut. En plus, s'il parle anglais comme une vache espagnole autant lui dégager un peu l'espace autour de lui ou prévenir tous les autres.

Et des "autres", il y en a de plus en plus. Le type à l'autre bout du micro s'égosille pas mal. Les infos. trafic pleuvent. Les break break aussi. On se croirait presque un jour d'OD sur IVAO (private joke pour les fan d'IVAO). Nous sommes dans la classe Bravo et les vecteurs et clairances d'altitude se succèdent. Nous sommes en Cessna au milieu d'un espace un peu peuplé de plus gros que nous. De plus, au loin, nous devinons qu'un orage s'amuse. On devine des éclairs. On entend surtout les pilotes sur la fréquence demander des niveaux ou des altitudes et des changements de cap pour éviter tel ou tel grain. Blurps... Mais tout cela parait bien loin. Nous, on trace à 120 kts vers 6000 ft. Et on ne voit toujours pas le terrain.

Dans le casque, cela commence à être aussi la panique. Pas à cause des messages, mais à cause du sqwelch qui semble se dérégler tout seul. Il n'y a pas un instant de silence. Un soufle énorme se fait entendre, constamment dans les oreilles. Nous avons du mal à tout gérer pendant quelques minutes. L'attention à la radio, la veille à regarder dehors, la tenue de la machine, le reste de la navigation... et ce BOUCAN DANS LES OREILLES ! Il suffit d'un petit paramètre anodin pour surchager énormément un pilotaillon.

Par erreur au milieu de la panique (tout est relatif), j'interprète un cap au 320 par une clairance de 360. Je collationne même le 3-6-0 en demandant si je devais l'effectuer par la droite ou la gauche. Après coup, impossible de savoir pourquoi j'ai mal compris un "turn heading three-two-zero" par un "make a three-sixty". Ils (les contrôleurs US) ne peuvent pas utiliser une phraséo un peu plus carré ! Genre Turn RIGHT heading 3-2-0" ;-)))) Toujours est-il que j'ai dû faire un coup de stress à un contrôleur ("Mais où va-t-il celui là !") et me remettre illico presto sur la bonne route. 1er coup de chaud.

Nous étions parti sans trop imaginer que nous allions nous intégrer et nous poser sur un tel terrain. Las Vegas n'est pas Pontoise, Rouen ou même Toulouse (je cherche des gros terrains que j'aurais pratiqués). Et la nuit, ce genre de terrain devrait se voir. Mais là, on est à Las Vegas avec des lumières partout. Et je me souviens les conseils de Christophe M, mon instructeur de nuit : un terrain la nuit, si tu en es loin et que tu n'est pas en face d'une piste, il y a des chances que ce soit la zone noire, non éclairée au milieu de toutes les autres lumières. Ne pas chercher un balisage, un flash, un parking ou un taxiway. Et même à Las Vegas, ce conseil devrait marcher ! Le terrain de McCarran doit être dans un paquet noir. Mais où ? 2ème coup de chaud.

Nous continuons à être vectoré. Je m'inquiète un peu. Le GPS indique que le terrain devrait être là... juste là. Et on ne voit que des lumières dans tous les sens. Je devine le Strip de Las Vegas avec sa lignée d'hôtel tous plus illuminés les uns que les autres. Je ne profite pas énormément du fait que nous sommes en VFR, arrivant sur Las Vegas, et faisant une superbe vent arrière, tranquillement au dessus du Strip !!!

Florent enthousiasmé, tient d'une main le camescope et de l'autre la lampe de poche rouge pour lire sur ses genoux l'AFD et le Garmin. Nous comprenons que nous sommes en vent arrière. Mais il y a trop de lumière et on ne voit toujours pas le terrain. Nous nous retrouvons avec le contrôleur de l'approche des pistes 19. L'information vient de passer à Alpha, ils viennent de changer de QFU. J'apprendrais plus tard que le Duchess s'est posé en 25 et a eut droit à une clairance à rallonge pour taxier et longer tout le terminal international jusqu'à l'autre bout du terrain vers Atlantic FBO.

Florent tripatouille encore une fois le réglage du volume et du sqwelch et finalement, nous arrivons à retrouver le silence d'entre les messages. Enfin. C'est un réel soulagement. "Ça" en moins dans les oreilles et autant de plaisir en plus. En même temps, nous repérons définitivement le terrain. Tout concorde : le Stip, le pavé de lumière, notre position. Le terrain de Las Vegas est là.

La fréquence est aussi devenue plus calme. Il y a moins de monde à destination des pistes 19. Notre contrôleur semble très (très) attentionné. En re-écoutant les bandes et la vidéo ci-dessus, je vois qu'il s'applique dans sa prononciation et m'indique où se trouve le terrain, répète les fréquences... Il est donc très coopératif. Je prend enfin un peu le temps de profiter du paysage, du Strip, des lumières et de l'ambiance. Nous allons nous poser à Las Vegas de nuit...

A la fin de notre vent arrière vectoré pour la 19, l'approche nous indique où se trouve le terrain ... à notre droite pour 4 nm. Le message est clair et donne des frissons :

- "Seven-Five-Foxtrot, at your right inside about 4 miles is Las Vegas Airport"

Je lui répond simplement :

- "We have the airfield in sight, seven-five-foxtrot"

- "Seven-Five-Foxtrot, roger... Thank you... Enter straight in for runway one-niner right"
et il repète immédiatement : "Enter straight in for runway one-niner right"

Comme à St-Cyr, je collationne :

- "We are cleared for straight in approach runway one-niner right, seven-five-foxtrot" non sans avoir complété d'un "thank you" toujours agréable. Il n'y a pas de raison qu'il en ait le privilège !

- "Seven-Five-Foxtrot, thank you... Contact Las Vegas tower one-one-eight point seven-five... Good day"

- "One-One-Eight point Seven Five... Good day"

Là encore, après un "thank you", je peux caser un "good day" en avalant bien toutes les syllabes pour faire plus vrai ;-)

Je continu mon virage vers la droite pour rejoindre le terrain et je vérifie au conservateur que l'on s'oriente bien vers une 19. Tout va bien. Plus de surprise. Nous sommes arrivés.

Sans raison particulière, après avoir affiché 118.75 sur le COM1, je lance un superbe :

- "Los Angeles Tower... Seven-Five-Foxtrot with you"

Los Angeles ???? Ah bon ? Tu te crois où ? Las Vegas te suffit pas ?

Le contrôleur ne s'en offusque pas et me rétorque à l'américaine :

- "November-Seven-Five-Foxtrot, Las Vegas tower, runway one-niner-right, cleared to land, wind one-three-zero at four"

Et voilà, c'est aussi simple. Un peu de phraséo, un peu de chance, un peu d'expérience, un peu de culot, beaucoup d'encadrement et vous avez deux pilotaillons dans un Cessna qui viennent de recevoir un clairance d'atterrissage sur la piste 19 droite de Las Vegas, dans la nuit. Rien que ça.

Deuxième cran de volet... la vitesse se réduit... je remet un peu de gaz. Le Cessna glisse tout seul sous son plan. Je cours après les trois rouges du PAPI que je n'arrive pas à faire disparaitre. Tant pis. Il fait trop clair. Ne nous énervons pas pour rien. Profitons de l'instant et visons cette piste. Le calme est donc revenu alors que nous approchons du sol, plus de panique dans le casque, l'avion est prêt. Et je me remémore mon erreur du 360 à l'arrivée. En courte, le contrôleur nous repasse les vents. Calme. Tranquille.

Il fait de nouveau chaud.

Florent nous souhaite la bienvenue à Vegas... dans le désert. "Il est 08H00 locale et il fait 32 degrés" annonce-t-il.

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Dernière modification par vbazillio (16-11-2008 07:33:16)

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#2 [↑][↓] 17-11-2008 20:39:06

breton33
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Re : VFR de nuit... à Las Vegas

Bonsir,

Superbe récit Vincent, merci de nous en faire profiter.

Jean Pierre


A Brest, la mer est belle, les marins sont aux bord d'elle
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