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Archéologie Aéronautique?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80-90-100 ans, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Chers amis,
Des chasseurs Hellcat Grumman F6F sur la France! Voici un titre qui peut paraître un rien étrange, ces chasseurs sont surtout connus pour leur rôle prépondérant dans la Guerre du Pacifique. Alors quoi ? Des chasseurs de l’Aéronavale utilisés lors d’une opération terrestre et pas aéronavale ? Cet article, écrit par l’un des participants, relate dans le détail comment la supériorité aérienne lors du débarquement de Provence, en août-septembre 1944, fut assurée par les seuls chasseurs Hellcat de l’Aéronavale US. Une nouvelle utilisation de l’arme aéronavale. J’ai pensé que cet article américain pourrait vous intéresser dans sa traduction en français. Les photos, plusieurs sont en couleurs, qui l’accompagnent sont magnifiques à mon avis.
Attention néanmoins, cet article, paru dans le numéro de janvier 1945 de la revue mensuelle Flying, a été soumis à la censure US et donc ... son côté « propagande » n’est pas qu’une simple vue de l’esprit. On y apprend cependant des choses bien intéressantes.
Bonne lecture !
Philippe
Traduction de l’article de la revue mensuelle FLYING de janvier 1945
Des Hellcat au-dessus de la France
Par l’aspirant John G. Norris, USNR, à bord du porte-avions d’escorte USS Tulagi en Mer Méditerranée
Des Hellcat du porte-avions Tulagi ont soutenu l’avance de nos troupes débarquées dans le sud de la France lors de l’opération Dragoon. A cette occasion, les pilotes de l’Aéronavale se sont essayés avec succès à de nouveaux types de missions terrestres.
Les porte-avions USS Tulagi (au premier plan) et USS Kasaan Bay dans le port de La Valette, Malte. Notez le grand nombre de chasseurs-bombardiers Hellcat sur leur pont.
Le USS Tulagi, un porte-avions d’escorte flambant neuf (NdT : lancé en juin 1943 et réceptionné par la Marine en janvier 1944 à Seattle), n’embarque qu’un seul type d’avions : des chasseurs-bombardiers Grumman F6F Hellcat. Leurs pilotes ont reçu un entraînement spécial qui les distingue des autres pilotes de l’Aéronavale, ils ont appris à attaquer des cibles terrestres. Ce porte-avions a participé récemment à une action en Méditerranée lors de l’invasion du sud de la France en Provence. Les Hellcat des différentes escadrilles du Tulagi ont été engagés avec succès dans des missions très variées. Leur mission principale fut d’assurer la supériorité aérienne sur le flanc gauche des forces de débarquement. Face à l’absence de la Luftwaffe du ciel, ce fut une mission facile. D’autres Hellcat furent utilisés pour des missions de reconnaissance et de réglage des tirs des canons lourds de notre flotte lors du débarquement. D’autres Hellcat du Tulagi ont effectué de nombreuses passes d’attaque à la bombe et à la roquette sur des objectifs épargnés par le bombardement naval. Enfin quelques Hellcat du Tulagi ont été envoyé en mission de reconnaissance en profondeur pour servir d’ « yeux » au Haut-Commandement et lui indiquer comment la formidable armée allemande réagissait.
Quand les pilotes de ces quelques Hellcat revinrent de mission et rendirent compte du fait que toute la machine de guerre nazie du coin, au lieu de se précipiter vers nos têtes de pont, s’enfuyait à toute jambe vers l’Allemagne, une information capitale qui fut aussitôt exploitée, tous les Hellcat du Tulagi reçurent alors un nouvel ordre : harceler les nazis.
Sur le porte-avions, on les arma avec des roquettes, des bombes de 125, 250 et 500 kg et on approvisionna à fond leurs batteries de 6 mitrailleuses 12 ,7 mm. Ordre leur fut donné d’attaquer encore et encore toute l’armée allemande en retraite.
Le haut-commandement tactique surveille les départs des Hellcat de la passerelle du USS Tulagi. De gauche à droite : le lieutenant-colonel A.H. Perry, le général de brigade G.P. Saville, commandant la 12ème Tactical Air Force, le contre-amiral Calvin T. Durgin, commandant la force navale, le général Bouscat, commandant des Forces Françaises Libres en Provence, et le lieutenant-colonel Williams.
Une escadrille de 12 Hellcat du Tulagi réussit, ces jours-là , à détruire à elle seule 487 véhicules allemands, des camions de transport de troupes, de munition, des véhicules blindés y compris des chars. Seules les ambulances étaient épargnées. Les caméras embarquées des avions montrèrent, en outre, que ces attaques endommagèrent 114 autres véhicules divers ... un total de 601 véhicules mis hors de combat par une seule escadrille !
Lors de ces attaques à la roquette ou en bombardement en piqué, les Hellcats du Tulagi détruisirent plus de 200 locomotives, des wagons en grand nombre, 5 ponts furent coupés et de nombreuses péniches furent coulées. Huit fortins et emplacement de batteries de canons lourds furent réduits au silence. Des cuves de carburant et des soutes de munition par dizaines furent incendiées.
Durant ces quelques jours, les avions de l’USS Tulagi effectuèrent 68 missions en 276 sorties. Les Hellcat allaient et venaient en vadrouilles meurtrières au-dessus du Rhône et poussaient des attaques assez loin à l’ouest et à l’est du Rhône. Ce genre d’attaques était assez nouveau pour ces pilotes de l’Aéronavale : il n’y avait plus de mer en-dessous d’eux. L’essentiel des destructions causées par les Hellcat du Tulagi le furent en quatre petits jours.
L'un des F6F-5 du Tulagi en phase de catapultage pour une sortie au-dessus de la France.
Une missions effectuée par une formation de sept Hellcat sous le commandement du lieutenant-colonel William F. « Bush » Bringle, USN, âgé de 30 ans et originaire de Memphis, Tenn., fut une réussite remarquable. La formation aperçut un important convoi d’une centaine de véhicules sur une route à l’ouest de Carcassonne. Ils attaquèrent immédiatement à la roquette et à la bombe. Dans son rapport, l’enseigne John M. Denison, USN, de Lexington, Mass., écrit : « Chacun de nous fit six passes d’attaque sur la colonne ennemie. Ce fut l’enfer en bas. Chaque pilote, à chacune de ses passes, mettaient en moyenne deux coups directs, suivis d’une forte explosion avec boule de feu. Suite au mitraillage de la colonne, il y eut aussi d’autres explosions. Lors de notre première passe, on vit les soldats allemands sauter des véhicules et courir se mettre à l’abri dans les haies et les fossés de part et d’autre de la route abandonnant les véhicules. De là , ils nous tiraient dessus avec un feu particulièrement intense. Des tirs de DCA furent aussi tirés d’une ferme près de la route, nous attaquâmes la ferme qui fut totalement détruite (...) Plus loin, vers Castelnau d’Aude, nous aperçûmes une autre colonne de véhicules allemands sur laquelle nous fîmes trois passes d’attaque, causant de grandes destruction à nouveau. »
Ce que confirme le rapport de l’aspirant William C. McKeever, USNR, de Byesville, Okl. : « Une dizaine de km à l’ouest de la première colonne, une seconde colonne fut repérée. On l’attaqua par des passes de mitraillage. Plus loin, vers Villefranche, on tomba sur une troisième colonne qui s’avéra être une colonne de transport hippomobile de munitions. Nos attaques avec les mitrailleuses de bord eurent un effet désastreux pour les nazis. Les chevaux s’enfuyaient en tous sens, les charriots explosaient brutalement. la colonne fut entièrement débandée (...) Cependant, les soldats de cette colonne se défendirent avec force, plusieurs de nos avions furent touchés. »
Le lendemain, une formation de six Hellcat menée par le lieutenant Frederick F. « Schnapsey » Schauffer, USNR, de Nantucket, Mass., causa des ravages étonnants à plusieurs colonnes motorisées allemandes vers Uzes, Capelle, Bagnols et Remoulins (NdT : lire La Capelle et Bagnols-sur-Cèze). Ils détruisirent, à eux 6, entre 80 et 100 véhicules, certains probables.
Dans son rapport, le lieutenant Schauffer écrit : « Juste à la sortie du village de Pouzilliac, on aperçut tout à coup une colonne de camions allemands nichée dans un large virage de la route. Nous avions alors notre chargement complet de bombes et de roquettes. Je plaçais un coup direct d’une roquette en plein milieu de trois camions entassés dans le virage. L’un de ces camions devait transporter des munitions car il y eut une énorme explosion qui propulsa des débris jusqu’à ma hauteur, or je volais alors à 300 pieds au-dessus du sol. L’un des gros morceaux du camion propulsé dans les airs atterrit au beau milieu des arbres d’une des haies qui bordait la route lui mettant instantanément le feu. Le feu se propagea alors d’arbres en arbres dans la haie et, de la haie, aux camions qui étaient arrêtés et alignés les uns derrière les autres le long de la haie. Ce fut un gigantesque incendie (...) Quelques minutes plus tard, on aperçut une autre colonne sur une portion toute droite de la même route. Là , les camions empilés les uns derrière les autres, avançaient sur deux files prenant toute la largeur de la route. L’embouteillage et l’allure d’escargot de ces camions me rappelaient l’heure de pointe à Boston. Ce fut un « tir de foire ». On attaqua cette colonne avec nos roquettes dans l’axe de la route. Je vis mon ailier, l’enseigne William R. Candler, USNR, de Detroit, Mich., placer sa paire de roquettes en plein milieu de cette cohue de camions arrêtés. Chaque roquette détruisait au moins deux camions d’un coup. »
D’autres formations de Hellcat du Tulagi attaquèrent d’autres colonnes motorisées le même jour sur les routes entre LeLuc et Saint-Maximin à l’est du Rhône. Les unités de tête de l’infanterie arrivèrent dans ces zones un jour plus tard. Les commandants de l’infanterie rendirent compte de l’efficacité des attaques de l’Aéronavale dans leur rapport.
Le général de brigade G. P. Saville, US Army, commandant la 12ème TAF (Tactical Air Force) et commandant de toutes les unités aériennes venant en appui des forces armées dans l’invasion du sud de la France, a adressé un message personnel intitulé :« Bien joué ! » aux pilotes des escadrilles de Hellcat du porte-avions Tulagi.
Il a notamment déclaré : « Aujourd’hui, je me suis rendu sur le terrain récemment conquis. J’ai compté moi-même 202 véhicules ennemis détruits sur la cinquantaine de km de route qui sépare Saint-Maximin de Le Luc dans le Var, soient 4 véhicules tous les kilomètres (...) C’est la preuve évidente d’un excellent travail. Je vous serai reconnaissant de transmettre toutes mes sincères félicitations à tous les personnels concernés dans ce qui est, à mes yeux, un succès militaire exceptionnel et une contribution irréfutable à l’avance exceptionnellement rapide des unités terrestres dans cette offensive. »
C’est dans les fossés de part et d’autre de la route qu’on pouvait trouver les preuves matérielles du pouvoir destructeur du feu des Hellcat. Je me suis moi-même rendu sur les lieux quelques jours plus tard. Les fossés de routes attaquées étaient remplis des restes difficiles à reconnaître de véhicules blindés et de camions de toute sorte. Ce qui avait été des véhicules blindés puissants et dangereux n’était plus que masses informes de métal fondu éparpillées ici et là .
A un endroit, je vis les débris de trois véhicules superposés, à un autre endroit, je dénombrais quatre épaves en seulement 15 mètres. Certains camions de munition, qui avaient été touchés soit dans le moteur soit dans la cabine de conduite s’étaient couchés sur le flanc dans le fossé de la route et étaient relativement intacts. Leur chargement de mort, grenades, caisses, panzerfaust etc. gisait ici et là dans les vignobles qui bordaient la route.
L’observation au sol de l’infanterie permit aussi de dénombrer les scores des Hellcat de l’USS Tulagi, durant ces quatre jours, sur le transport par rail. On dénombra 23 locomotives détruites, 183 wagons détruits, 17 centres de triages endommagés et cinq viaducs coupés. En une occasion Bringle qui survolait la région eut l’impression de : « voir une forêt se déplacer ». Surpris, il décida de faire une passe à très basse altitude et constata que cette « forêt » était en fait un train de 15 wagons recouverts sur toute sa surface de branchages. D’après ce qu’il put voir après la passe d’attaque, c’était un train de transport de troupe et de munitions, les soldats survivants s’étaient éparpillés, de nombreux wagons avaient explosé et étaient en feu suite au mitraillage.
Les allemands en pleine retraite avaient recours sur route et sur rail à ce genre de camouflage. Mais les chasseurs de l’Aéronavale du fait de l’absence d’opposition de la Luftwaffe volaient bas et à assez faible vitesse pour ne pas être trompés. Ce camouflage était surtout efficace la nuit.
Une ruse des allemands, cependant, aurait pu parfaitement fonctionner si il n’y avait pas eu les yeux de l’enseigne Dale N. Dieterich, USNR, né dans une ferme près de Clayton, Kans. Dieterich volait bas aux commandes de son Hellcat au-dessus d’un champ fraichement labouré quand il nota quelque chose d’étrange dans un amas d’arbres en plein centre du champ. En bon fils de fermier, il comprit tout de suite ce qui n’allait pas. Les sillons du champ allaient directement dans le bosquet d’arbres et ne le contournaient pas ! Il contacta ses camarades, leur expliqua ce qu’il avait remarqué, et ils mitraillèrent les arbres ... qui se révélèrent être des autos et camions allemands camouflés arrêtés là dans l’attente de la nuit.
Le pont bien encombré de l'USS Tulagi.
Cet usage d’avions de l’Aéronavale d’un seul type pour des missions d’attaque au sol et de couverture aérienne est une nouveauté tactique pour la Marine des Etats-Unis. Normalement, les grands porte-avions d’assaut emportent des avions de différents types aux missions précises : des Curtiss Helldiver pour le bombardement en piqué, des Grumman Avenger pour les torpillages, et des Grumann Hellcat pour les missions de chasse. Les petits porte-avions de notre flotte embarquent des Hellcat et des Avenger uniquement. Des porte-avions d’escorte ont pu ne contenir qu’un seul type d’avion : les Hellcat, dans certaines missions les années précédentes. Avec le USS Tulagi et son usage dans le débarquement de Provence, la Marine américaine a donné un nouveau rôle à un petit porte-avions d’escorte : l’équiper avec un même type d’avion capable d’être un bon chasseur mais aussi un avion de repérage, un avion d’attaque au sol et un bombardier en piqué. Cette nouveauté pourrait s’avérer à l’avenir une arme de grande valeur. Cette nouvelle tactique de l’Aéronavale sera certainement mise à profit dans d’autres opérations de débarquement.
Les avions du Tulagi sont des Grumman Hellcat F6F-5, qui, par rapport à la version précédente F6F-3, présentent six améliorations. :
- Le capot moteur a été redessiné pour présenter une ligne encore plus aérodynamique,
- la peinture bleue mate précédente, qui donnait une surface rugueuse, a été remplacée par un traitement de polissage du métal,
- une modernisation du système de refroidissement du moteur a augmenté les capacités manœuvrières de la version 5,
- le pare-brise de l’avion a a été entièrement redessiné ce qui augmente la visibilité vers l’avant,
- l’empennage a été renforcé,
- et une pièce d’acier plus épaisse a été placé derrière le siège du pilote ce qui augmente la protection du pilote.
L’armement des deux versions est identique.
Jusqu’au débarquement de Provence, les chasseurs utilisés pour la supériorité aérienne et l’identification de l’emplacement des batteries ennemies étaient basés à terre. Pour l’assaut du Sud de la France, en revanche, nos bases aériennes étaient trop éloignées des côtes françaises pour permettre un déploiement efficace de l’aviation au-dessus des plages de débarquement. Le Haut-Commandement se résolut alors à utiliser des porte-avions.
En fait, l’Aéronavale était déjà prête à ce genre de mission. Le lieutenant-colonel Bringle, commandant de l’escadrille VOF de notre Aéronavale (NdT VOF : escadrille d’avions de chasse et d’observation – appellation de la marine US de 1942 à fin 1945 qui n’est plus en usage – V = avion à aile fixe, O = observation and F = fighter), avait créé cette unité l’année dernière et l’entrainait déjà depuis de nombreux mois. Après quoi l’unité VOF fut affectée au porte-avions USS Tulagi, l’un des « bébés porte-avions » de la Kaiser Shipyards (NdT : Inventeur des célèbres « Liberty ships ", Henry J. Kaiser révolutionna la construction navale, jouant un rôle majeur dans la victoire finale des Alliés contre l'Allemagne. Curieuse destinée pour ce fils d'immigrants allemands). Le capitaine de vaisseau Bringle est un diplômé de la promotion de 1921 de l’Académie Navale d’Annapolis. Entré à l’Aéronavale en 1926, il a depuis volé sur tous les types d’avions mis en service dans la Marine.
En plus de l’USS Tulagi, la force navale d’attaque du débarquement de Provence comptait aussi le porte-avions d’escorte USS Kasaan Bay, une copie conforme du Tulagi à la mode « Kayser » Ce porte-avions embarquait des escadrilles de Hellcat pour des missions d’attaque au sol mais aucune escadrille d’observation.
La force aéronavale d’intervention lors du débarquement en Provence comprenait, outre les deux porte-avions américains, des destroyers d’escorte et deux « bébés porte-avions » britanniques construits aux Etats-Unis, le HMS Hunter et le HMS Stalker, sous le commandement du contre-amiral Calvin T. Durgin, USN, de Palmyra, NJ. L’amiral Durgin est un vétéran. Diplômé d’Annapolis, promotion 1916, il a participé à la Première Guerre Mondiale en servant sur un destroyer, puis est entré à l’Aéronavale. Il pilote depuis plus de 25 ans. Lors du débarquement en Afrique du Nord en novembre 1942, il commandait le porte-avions USS Ranger. Une autre force d’intervention, britannique celle-la, participait au débarquement en Provence. Elle consistait en cinq « bébés porte-avions » britanniques de construction américaine sous le commandement du contre-amiral Thomas Troubridge de la Royal Navy. Ces porte-avions étaient équipés de chasseurs Supermarine Seafire, de chasseurs Grumman Hellcat et de quelques bombardiers en piqué Grumman Helldiver. A ces porte-avions, se joignait une force navale de débarquement et d’attaque sous le commandement du vice-amiral Henry K. Hewitt, USN, de Hackensack, NJ. Quand le bombardement naval de la côte commença, les Hellcat du Tulagi étaient déjà au-dessus de la côte, subissant le feu intense de la flak et donnant néanmoins des indications précieuses pour ajuster le tir des canons lourds des navires afin de détruire, une par une, les batteries côtières allemandes.
La plus remarquable des observations réalisées ce jour-là est sans doute celle de l’enseigne David E. Robinson, USR, de Chicago, le jour J+5 du débarquement. Il était l’ailier du lieutenant-colonel Sandor, la mission de cette patrouille de deux Hellcat était de reconnaître et identifier la position de quelques batteries allemandes qui continuaient à tirer sur nos navires. Normalement, Sandor faisait le travail d’observation pendant que Robinson le protégeait de la flak et des éventuels chasseurs allemands. Mais la radio de l’avion de Sandor se mit à crachoter et à tomber totalement en panne, les deux pilotes échangèrent donc leur rôle.
Robinson ne tarda pas à localiser une première batterie allemande de 4 canons moyens en activité sur une position assez bien camouflée du Cap-Sicié, près de Toulon. Sur ses indications, l’un des croiseurs lourds lança cinq salves successives de ses six canons de 203 mm sur la batterie qui fut totalement détruite. Ensuite, il repéra une batterie de six canons bien protégés dans un bunker sur la côte rocheuse. Il dirigea le tir du cuirassé USS Nevada, un survivant de Pearl Harbor, sur cc bunker. En deux salves de ses 10 canons de 356 mm, le cuirassé transforma l’ouvrage fortifié en un amas de ruines. Le réglage du tir du cuirassé par Robinson fut rendu assez délicat dans la mesure où une flak très intense protégeait le blockhaus.
Un peu plus tard, ils repérèrent une troisième cible : six ou sept canons lourds près du Cap Capet. Ces canons étaient remarquablement bien camouflés et la visibilité à cet endroit n’était pas très bonne. Robinson volait entre 1000 et 3500 pieds. A cette altitude, il ne pouvait pas voir exactement la position des canons allemands, tellement ils étaient bien camouflés. Il dut alors faire des passes à 100 pieds. Il les localisa, sous un tir intense de la flak qui heureusement ne dura pas, dirigea dessus le tir de plusieurs navires jusqu’à ce qu’ils soient réduits au silence.
Dans son rapport, Sandor écrivit : « Robinson a fait la preuve du plus bel exemple d’observation que j’ai jamais vu (...) Au mépris le plus complet de sa propre vie, il a effectué des passes à très basse altitude en volant droit sur les cibles afin de les ocaliser le plus précisément possible. Sa mission a été un sans-faute ».
De temps à autre, une batterie allemande, bien que localisée et soumise au feu de nos navires, résistait et continuait à tirer. C’est alors qu’intervenaient des Hellcat d’attaque au sol équipé de roquettes et de bombes. Un fort sur l’île de Port-Cros, au large de Hyères, était dans ce cas. Malgré le tir constant de nos navires, il continuait à tirer de toutes ses batteries sur les têtes de pont des plages du débarquement, causant de sérieux dégâts. Une formation de six Hellcat, conduite par le lieutenant-colonel Sandor attaqua ce fort. Ils plongèrent de 7000 pieds, le soleil dans le dos, sur le fort et larguèrent leurs roquettes et bombes en deux vagues d’attaque successives. Une troisième vague d’assaut suivit : des Seafire d’un porte-avion britannique et des Hellcat du Kasaan Bay. Deux heures plus tard, le fort se rendait.
Pendant le débarquement et les jours suivants, il n’y eut pratiquement aucune opposition de la Luftwaffe. Si peu en vérité que les pilotes des Hellcat n’en virent aucun. Pour en rencontrer et se mesurer avec eux, ils durent voler plus de 250 km à l’intérieur des terres, loin des plages et des têtes de pont. C’est ainsi qu’une formation de Hellcat menée par Sandor dut aller jusqu’aux environs de Lyon pour rencontrer, soudain, une formation de trois bombardiers bimoteur Heinkel He-111. Le lieutenant-colonel Sandor et l’enseigne Robinson attaquèrent ensemble l’un des He-111. Dès la première salve, l’un des moteurs prit feu et l’avion descendit lentement mais sûrement vers le sol. Les deux Hellcat le suivirent en le mitraillant jusqu’à ce qu’il s’écrase. Le lieutenant Rene E. Poucel, USNR, de New York, dont le père et la mère étaient originaires de la région de France qu’il survolait et l’enseigne Alfred R. Wood, USNR, de Yonkers, NY, attaquèrent ensemble le deuxième He-111et l’abattirent en flamme dès la première passe. Puis Wood abattit d’une seule salve le troisième bombardier. En moins de cinq minutes de combat, trois bombardiers He-111 avait été abattus ans aucune perte de notre côté.
Un plus tard dans la même journée, l’aspirant Edward W. Olsewski, USNR, de Richmond Heights, Mo, et l’enseigne Richard V. Yentzer, USNR, de Sheridan, Wyo, survolait la vallée du Rhône au sud de Lyon quand ils tombèrent sur une formation de trois lents trimoteurs Junkers Ju-52. Les deux avions américains revenaient d’une mission d’attaque d’une colonne motorisée allemande où ils avaient été endommagés par la DCA. Ils étaient presqu’à court de munition. Olsewski n’avait plus que de quoi tirer une petite salve et avec seulement une seule de ses six mitrailleuses. Il réussit néanmoins l’exploit incroyable d’abattre deux des trois Ju-52 en une seule salve. Yentzer s’occupa du troisième. Ces deux formations de la même escadrille avaient donc abattu six avions la même journée. C’est tout ce qu’ils virent de la Luftwaffe pendant toute l’opération du débarquement.
Si la chasse allemande était absente, ce n’était pas la même chanson avec la DCA, la terrible flak. Très souvent, les Hellcat revenaient de mission avec des trous plus ou moins larges bien visibles dans le fuselage ou les ailes. Plusieurs Hellcat ne revinrent pas. Dans tous les cas, sauf un ou deux, les pilotes furent récupérés après un parachutage réussi.
Un pilote français, vétéran de l’USAAF, qui avait effectué de nombreuses missions de bombardement au-dessus de l’Allemagne, y compris au-dessus de Berlin, disait qu’il n’avait jamais encore rencontré une flak aussi intense que celle qu’il avait vue au-dessus de Toulon.
Les dégâts infligés par la flak aux Hellcat n’étaient que très rarement fatals à l’avion bien que souvent d’un aspect qui surprenait celui qui les voyait. Cela est le signe de la formidable robustesse des Hellcat et, en même temps, de la grande compétence des équipes d’entretien à bord des porte-avions. Les « mécanos » de l’USS Tulagi, sous les ordres du lieutenant Edward O. Hudson Jr., USNR, de Mexia, Tex., se saisissaient à plusieurs de l’avion endommagé dès qu’il était sur l’ascenseur du pont. Ils travaillaient dessus toute la nuit. Presque à chaque fois, l’avion qui était descendu fortement endommagé, était prêt à reprendre l’air dès le lendemain matin.
Un jour, un Hellcat fut touché de plein fouet par plusieurs projectiles de 20 mm, tirés par la flak, directement dans son capot moteur. Trois des 18 cylindres du moteur Pratt&Whitney furent réduits en miettes. Le Hellcat continua son vol sur 15 cylindres, revint se poser normalement sur le Tulagi, descendit passer la nuit entre les mains des mécanos et, le lendemain matin, était remis à neuf.
Outre son étonnante robustesse, le Grumman F6F Hellcat s’avéra un excellent avion d’attaque au sol. Ses roquettes firent des ravages. Elles pouvaient aussi bien être tirées sur des convois, des trains, des blockhaus, des nids de canons ou des usines. Les dégâts provoqués étaient considérables. L’agilité de pilotage des Hellcat donnait une très grande précision aux tirs.
L’une des plus curieuses munitions utilisées par les Hellcat a été une grenade sous-marine de 100 kg chargée au Topex, d’habitude une arme des destroyers chasseurs de sous-marins. Sur l’avion son déclenchement n’était pas barométrique, comme sur les destroyers, mais à contact. Quand cette grenade lancée de l’avion touchait le sol, elle explosait. Le formidable effet de souffle caractéristique des grenades sous-marines fit des ravages sur les blockhaus et sur les convois motorisés.
Des grenades anti-soumarins adaptées aux avions sont apportées pour charger les Hellcat.
La très forte consommation de bombes lancées contre un si grand nombre de cibles aboutit assez rapidement à une pénurie. Qui fit pénurie, dit expédient. C’est ainsi que fut livrée, sur l’USS Tulagi, une considérable quantité de bombes anglaises. Petit problème, ces bombes fabriquées aux standards anglais n’étaient pas adaptées aux porte-bombes de nos avions qui répondaient aux standards américains. Les officier de l’USA Ordnance Corps Ralph K. Andrist, lieutenant USNR, de Minneapolis, et Edward F. O’Brien, enseigne USNR, de Rockford, Ill., se débrouillèrent pour passer au-dessus de cette difficulté (NdT : le Corps d’Ordonnance de l’Armée des Etats-Unis forment des spécialistes de l’armement et de l’approvisionnement en munitions). Ils limèrent à la main les ailettes de toutes les bombes britanniques, une par une, pour que, après cela, elles s’adaptent parfaitement aux porte-bombes des Hellcat. Inutile de dire que pendant cette opération de rabotage des bombes à la lime à métaux, tout le monde à bord du Tulagi se tenaient aussi loin que possible que son poste le permettait de l’atelier d’Andrist et O’Brien.
D’autres services du Département Air de l’USS Tulagi firent aussi tout leur possible, et même au-delà , pour maintenir en état de vol le plus grand nombre de Hellcat à tout moment. Le commandement du Département Air du porte-avions était assuré par le lieutenant-colonel Adrian H. Perry, de Pasadena, Calif. Après la reddition de la dernière des défenses côtières de l’ennemi, la retraite du gros des forces allemandes vers le centre de la France, et l’absence totale de la Luftwaffe, il ne restait plus grand-chose à faire pour les avions de l’amiral Durgin. Il reçut l’ordre de se retirer du théâtre des opérations.
Avant son départ, l’amiral Durgin reçut la visite du général Saville qui tenait à le remercier pour l’aide remarquable apportée aux troupes au sol par les Hellcat. Le général Saville était accompagné du général Bouscat, commandant des forces françaises engagées dans l’opération. Le général Saville envoya également un télégramme de remerciements à l’amiral Hewitt, commandant tous les porte-avions engagés dans l’opération. Il y écrivait : « Je voudrais vous exprimer ma plus profonde reconnaissance pour le remarquable travail effectué par les porte-avions. La coopération des différentes forces fut un modèle de perfection. La tactique développée ici deviendra une nouvelle norme pour des opérations futures. »
L'officier de guidage des apontages de l'USS Tulagi. Vue de nuit.
Dernière modification par philouplaine (28-09-2017 17:48:45)
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Et merci pour tout ça.Bonne fin de semaine.Gérard
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