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antoine a Ă©crit :Les pilotes du vol ET ont dit qu'ils avaient eu du Unriable Speed ... ;-(
Je confirme. Un collègue vient de nous transmettre l'info, un bon ami à lui était dans le T7 (ou B787 je sais plus) au point d'arret juste derrière eux... et ils ont annoncé Unriable Speed, unable to control the plane...
Triste nouvelle...
Salut Quentin,
On doit avoir des amis commun alors ;-)
Dernière modification par antoine (11-03-2019 11:57:53)
A+, Antoine
Mon blog : http://blog.arogues.org
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Les pilotes du vol ET ont dit qu'ils avaient eu du Unriable Speed ... ;-(
Ce serait la conséquence logique d'une différence de mesures d'incidence AOA. Sur le MAX, il y a un discret message d'alerte dans le coin inferieur droit du PFD. En cas d'apparition, le QRH dit qu'on peut avoir des erreurs altimétriques (message ALT DISAGREE) et des erreurs de vitesse (message IAS DISAGREE) > UNRELIABLE AIRPEED check list avec quelques couples assiette puissance qu'il est bon de connaitre par cœur.
Les pb de sondes d'incidence sont connus (blocage mécanique, givrage de la graisse) et ont fait l'objet de plusieurs consignes de navigabilité AD sur Airbus et suite à un incident impressionnant, cherchez avec Airbus Lufthansa incident AOA Bilbao.
Dernière modification par bricedesmaures (11-03-2019 12:42:58)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Les avions ont beau embarquer de plus en plus de systèmes informatiques sophistiqués, ils restent à la merci de ces sondes mécaniques (pitot, incidence...) qui génèrent les données d’entrée pour tous les calculs et peuvent être le grain de sable qui enraille cette belle mécanique huilée...
PC: i9 9900K @5.2 Ghz - Gigabyte GEForce RTX 4080 OC 16 Go - Asus Z390 Pro Gaming - 32Go de RAM DDR4 3200Mhz
Portable: MSI Raider 18 HX - i9 14900HX RTX 4080 12Go 4K 18" display 240hz - 64Go DDR5 - 3To M2 SSD
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Les avions ont beau embarquer de plus en plus de systèmes informatiques sophistiqués, ils restent à la merci de ces sondes mécaniques (pitot, incidence...) qui génèrent les données d’entrée pour tous les calculs et peuvent être le grain de sable qui enraille cette belle mécanique huilée...
Oui mais il y a minimum 2 sondes voir 3 non?
Dernière modification par mikayenka (11-03-2019 15:03:52)
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ydelta a écrit :Les avions ont beau embarquer de plus en plus de systèmes informatiques sophistiqués, ils restent à la merci de ces sondes mécaniques (pitot, incidence...) qui génèrent les données d’entrée pour tous les calculs et peuvent être le grain de sable qui enraille cette belle mécanique huilée...
Oui mais il y a minimum 2 sondes voir 3 non?
Certes mais comme on a pu le voir avec AF447 elles peuvent toutes givrer en mĂŞme temps donc la redondance est souhaitable mais elle a aussi ses limites...
Il faudrait mixer 3 sources différentes donnant la même information pour être plus fiable un peu comme croiser les données IRS et celles du GPS pour connaître sa position.
Dernière modification par ydelta (11-03-2019 15:14:48)
PC: i9 9900K @5.2 Ghz - Gigabyte GEForce RTX 4080 OC 16 Go - Asus Z390 Pro Gaming - 32Go de RAM DDR4 3200Mhz
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Il faudrait mixer 3 sources différentes donnant la même information pour être plus fiable un peu comme croiser les données IRS et celles du GPS pour connaître sa position.
Si par "source" tu veux dire "sonde", c'est déjà le cas : 3 pitots, 3 statiques, 3 sondes d'incidences.
Mais ça ne suffit pas à couvrir tous les cas, cf crash du 320 Air New Zealand au large de Canet : 2 sondes bloquées à la même valeur, l'ordi a considéré que la troisième (la seule qui fonctionnait encore) était la fautive, et a conservé la valeur des 2 bloquées.
P.S. : c'est juste pour illustrer, en l’occurrence ce n'est pas la cause principale de l'accident.
Dernière modification par NezHaut (11-03-2019 16:55:55)
Tim
"If flying were the language of man, soaring would be its poetry."
"Think positive, flaps negative !"
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Peut-être qu'il faudrait se rendre compte que les algorithmes qui gèrent tout ça ne sont pas fiables par nature. N'importe quel mathématicien vous dirait que les algorithmes c'est beau mais incompréhensible et hautement sujet aux erreurs car cela relève du domaine des grands nombres qui n'est pas du tout maîtrisé en mathématiques.
Alors quand cela met le boxon dans les cours des bourses, on arrête les ordi et on reprend un peu plus tard. Mais quand cela prétend assurer la sécurité d'un avion, on va au tas,et on pleure les disparus.
Dernière modification par tojdank (11-03-2019 17:35:31)
"Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet". (Courteline)
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Puisque quelqu'un parlait des 2 sondes d'incidence Airbus lors de l'accident de Perpignan, voici 2 extraits du rapport et ce n'est pas si simple et si trinaire...les systèmes sont variables selon leur finalité et niveau de sécurité: votes, mixages, valeurs moyennes etc .
1.6.10 Informations d’incidence à bord de l’avion
1.6.10.1 Traitement des valeurs d’incidence
Trois ADIRU indépendantes sont présentes à bord de l’avion. Chacune est associée à une chaîne de mesure. La partie ADR de chaque ADIRU a pour fonction le traitement des mesures liées aux flux d’air, leurs corrections
éventuelles et l’élaboration de paramètres de vol. Le traitement associé à l’incidence pour chaque sonde consiste à :
-ˆˆ vérifier la cohérence des signaux provenant de chaque résolveur utilisé,
ˆˆ- calculer une valeur d’incidence locale à partir des informations provenant de chaque résolveur utilisé,
ˆˆ - effectuer une comparaison entre les valeurs d’incidence locale des deux résolveurs utilisés,
ˆˆ - convertir la valeur de l’incidence locale (valeur issue d’un des deux résolveurs) en incidence avion.Lors de l'envoi de l'information d'incidence aux autres calculateurs, chaque ADIRU indique la validité du paramètre calculé(6).
1.6.11 Surveillance des valeurs d’incidence
ADIRU
En palier rectiligne, lorsque le Mach est supérieur à 0,75, une comparaison entre l'assiette et l'incidence avion est effectuée par chaque ADIRU. Un message de maintenance de classe 3(10) est généré si la différence entre ces deux paramètres dépasse 0,6 degré.
FWC
Les FWC vérifient uniquement la validité des paramètres d’incidence reçus des ADIRU et n’effectuent pas de comparaison entre les valeurs d’incidence avion reçues.
FAC et ELAC
Les FAC et les ELAC vérifient la validité des paramètres d’incidence reçus des ADIRU. Les FAC et les ELAC comparent les valeurs d'incidence valides à la valeur médiane. Les ELAC vérifient également la cohérence de ces valeurs au sol entre 80 et 100 kt.
Un mécanisme de vote permet de rejeter la source d’information qui présente un écart avec les deux autres. Ce vote est transparent pour les pilotes, et le système est toujours capable d’assurer l’ensemble de ses fonctions lorsqu’une des valeurs est rejetée.
Ainsi, lorsque l’une des valeurs d'incidence est figée et valide, les FAC et les ELAC rejettent l'ADR correspondant dès que l’écart entre la valeur figée et la valeur médiane dépasse un certain seuil.
Lorsque deux valeurs d'incidence sont figées à la même valeur quasi simultanément, cette valeur figée est utilisée : lors d'une éventuelle variation significative d'incidence, l'ADR qui fournit la valeur d'incidence non figée
est rejetée. Un rejet d’ADR par les ELAC ou les FAC génère un message de maintenance. Dans ce cas précis, le calcul des vitesses Valpha prot et Valpha max effectué par les FAC est erroné. Celles-ci sont alors proportionnelles à la
vitesse conventionnelle(11).
3.2 Causes de l’accident
L’accident est dû à la perte de contrôle de l’avion par l’équipage consécutive à la démonstration improvisée du fonctionnement des protections en incidence, alors que le blocage des sondes d’incidence rendait impossible le déclenchement de ces protections.
L’équipage n’avait pas connaissance du blocage des sondes d’incidence. Il n’a pas pris en compte les vitesses mentionnées dans le programme de vérifications à sa disposition et n’a par conséquent pas interrompu la démonstration avant le décrochage
La redondance par addition de capteurs et calculateurs, peut diminuer la sécurité. C'est rapidement dit, mais je redonne un document très bien fait, avec 2 exemples, la chandelle d'un B 777 et la descente abrupte d'un 330.
http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.220.1743&rep=rep1&type=pdf
Dernière modification par bricedesmaures (11-03-2019 20:04:57)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Peut-être qu'il faudrait se rendre compte que les algorithmes qui gèrent tout ça ne sont pas fiables par nature. N'importe quel mathématicien vous dirait que les algorithmes c'est beau mais incompréhensible et hautement sujet aux erreurs car cela relève du domaine des grands nombres qui n'est pas du tout maîtrisé en mathématiques.
La sécurité aérienne n'est clairement pas un sujet simple, mais il ne faudrait pas balayer d'un revers de main tous les systèmes actuels. Le niveau d'automatisation peut être discuté, mais on ne peut pas dire que le transport aérien est actuellement moins sûr qu'il ne l'était avant l'arrivée des systèmes embarqués.
Le développement de tels systèmes n'est pas fait par un gus dans son coin face à son PC, ajoutant telle ou telle fonctionnalité parce que ça lui semble bien !
Chaque ligne de code est réfléchie, ne serait-ce que pour pouvoir certifier l'avion. Cette certification, ou plutôt qualification dans le cadre d'un logiciel, implique que l'on doit être en mesure de convaincre les autorités que ce qui est fait est sûr et maîtrisé. Ce fait suffit à montrer que cela n'a rien d'incompréhensible : aucune autorité au monde n'accepterait de laisser voler ces avions si tel était le cas.
Bien entendu, malgré les vérifications multiples, toutes les précautions prises (et il y en a plein !), il y a effectivement toujours des erreurs. On ne peut pas dire qu'un système (même purement mécanique) ne tombera jamais en panne. Pour contrôler ça, on adopte une approche probabiliste. Je suppose que "grands nombres" y fait référence. (Pour le "pas du tout maîtrisé en mathématiques" je demande à voir...)
En avionique, on définit un niveau de criticité du système en fonction des conséquences d'une défaillance (conséquences allant d'un peu d'inconfort pour les passagers jusqu'au crash de l'appareil), puis on y associe une probabilité maximale acceptable. Par exemple, un système qui risque de conduire au crash un avion de ligne doit avoir un risque de tomber en panne inférieur à un sur un milliard d'heures de vol. Vu le nombre d'heures au compteur d'un avion en fin de vie, on est encore très loin du milliard et la probabilité d'un accident est donc très faible sur la durée de vie dudit avion.
Par ailleurs, on prend aussi en compte le fait que le pilote puisse être "défaillant". Devinez quoi ? On estime qu'un pilote a un risque de un sur dix millions de ne pas assumer correctement ses fonctions, ce qui n'est pas suffisant... D'où le fait qu'il y en ait deux.
En conclusion, je crois il y aura malheureusement toujours des "trous dans la raquette" conduisant à l'accident. Par contre je peux assurer que d'énormes efforts sont déployés afin de rendre ces trous les moins nombreux et les plus petits possibles. Ce n'est pas pour rien qu'actuellement les systèmes représentent 50% du prix d'un avion : c'est ce niveau d'exigence qui coûte cher.
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Il faut retourner au vieux DC-3 Ă la Indiana Jones. Tous ces electroniques qui nous envahissent font de plus en plus peur. A commencer par ma voiture qui veut etre plus intelligent que moi-meme.
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Boeing vient de publier un communiqué que je traduis
Depuis plusieurs mois et à la suite de l'accident de Lion Air, Boeing développe une amélioration du software des commandes de vol. Cela inclut une mise à jour du MCAS, amélioration des affichages disponibles pour le pilote et de la documentation et de la formation. La loi de commande de vol inclut les données venant des AOA, limite la commande et débattement du stabilisateur en réponse à une info erronée d' AOA ceci pour récupérer l’efficacité de la gouverne de profondeur.
La FFA demande que ces modifications soient effectives d'içi avril.
Le MCAS a été installé pour améliorer les caractéristiques de pilotage et diminuer la tendance à cabrer aux fortes incidences. Cet effet à été mis en évidence aux essais en vol dans le cadre de la certification normale.
Le MCAS ne contrôle pas l'avion en vol normal, il améliore le comportement de l'avion dans une partie non normale du domaine de vol. Le FCOM contient déjà une procédure pour gérer avec sécurité des infos erronées d' AOA. Le pilote a toujours la possibilité de surpasser la loi du MCAS en utilisant le trim électrique ou le trim manuel. Il a aussi la possibilité d'utiliser la procédure "déroulement de trim" déjà présente dans le manuel et renforcée par le bulletin de novembre publié par Boeing.
Edit, copie de ce bulletin
Dernière modification par bricedesmaures (12-03-2019 09:06:26)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Venant de l'autre fil:
Petites nouvelles:
- un nouveau patron de la FAA va être nommé, c'est un pilote de ligne de Delta juste retraité, il était responsable de l'engineering et opérations. Cela ne semble pas lié aux récents évènements, le changement était prévu, puisque une autre option était un un ancien de Boeing..
- le DOT department of transportation ouvre une enquête sur les mécanismes de certification entre FAA et Boeing.
- un journal de Singap' écrit que c'est un pilote en jumpseat sur le vol Lionair précédant l'accident, qui aurait indiqué aux pilotes comment se sortir de leurs soucis en leur suggérant de couper le STAB TRIM CUT OUT. Les officiels indonésiens ne veulent pas commenter, l'enquête étant en cours. Cela conforterait le raisonnement de Mikayenka sur les différences des actions des pilotes des 2 vols.
- dans les nouvelles technologies relatives aux problèmes d'indications anémométriques erronées, le B 787 possède depuis le début de son exploitation, une fonction qui fait alors utiliser les infos inertielles et d'incidence pour afficher des vitesses et altitudes "synthétiques" sur les PFD. Cela a déjà été utilisé lors d'un incident sur 787-8 australien.
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Le rapport final a été présenté aux familles il y a quelques jours, et il sera publié pour tous demain vendredi.
La présentation a indiqué 9 facteurs:
- pendant la conception et la certification, les hypothèses sur les réponses de pilotes aux pannes, hypothèses habituellement acceptées dans l'industrie, se sont révélées inadaptées (NdT: le temps de réponse accepté se révèle faible, ce point est aussi analysé dans le document du JATR, voir sujet Ethiopian)
- se basant sur ces hypothèses ainsi que l'analyse des autres effets dans le cockpit, le MCAS basé sur une seule sonde a été jugé approprié et s'est conformé aux normes de certification.
- la conception du MCAS basée sur une seule sonde le rendait vulnérable à une donnée erronnée de la sonde.
- l'absence d'information dans les manuels et la formation sur le MCAS ou sur l'usage du trim, ont rendu plus difficile la réponse des pilotes à l'action mal commandée du MCAS.
- le message d'alerte de désaccord entre les 2 sondes d'incidence (AOA DISAGREE) n' a pas été développé dans le développement du 737 MAX. En conséquence, il n'est pas apparu pendant le vol avec la panne de la sonde d'incidence, et n'a pu permettre l'analyse par les pilotes et n'a pu aidér la maintenance à identifier la sonde mal calibrée.
- le remplacement de la sonde (NdT avant le vol accidenté) a été mal calibré. Cette erreur de calibration n'a pas été détectée pendant la réparation.
- l'enquête n' a pu déterminer si le test suivant le remplacement a été effectué. La mauvaise calibration n'a pas été détectée.
- le manque de renseignement par les pilotes (NdT: du vol précédent) dans le "technical log book" sur le fonctionnement du stick shaker et l'utilisation de la check list d'urgence sur la coupure du trim, ces manques n'ont pas permis à la maintenance ainsi qu'aux pilotes suivants de prendre les mesures appropriées.
- les nombreuses alertes, les actions répétitives du MCAS et la distraction liée à de nombreux messages ATC, n'ont pu être bien gérées. Ceci a été causé par la difficulté de la situation et les défaillances du pilotage manuel. L'éxécution de la check list ainsi que la communication équipage ont conduit à un CRM sans effet et une mauvaise gestion de la charge de travail. Ces déficiences avaient été identifiées au cours de la formation et ont resurgi lors du vol (NdT: cette remarque figurant sans doute dans les notations des pilotes dans leur cursus)
Dernière modification par bricedesmaures (24-10-2019 18:42:14)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Bonne lecture studieuse !
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Le rapport est très complet et montre une succession de failles dans toute la chaîne depuis la conception de l'avion, le suivi technique par la maintenance sur les vols précédents, le niveau professionnel des 2 pilotes et ce qui s'est passé dans le cockpit.
Je propose une traduction et des commentaires sur des points essentiels de ces 4 parties. D'abord la conception de l'avion.
Le 737 MAX est un dérivé du 737 NG mais Boeing a du démontrer la conformité réglementaire des domaines concernés par cette nouvelle version. En particulier, la forme et position du nouveau moteur. Les premiers essais et analyses ont montré que cela avait un effet négatif sur 2 aspects de la réglementation de certification: l'effort au manche mesuré par G d'accélération ainsi que la contrôlabilité et maneuvrabilité.
Après l'étude de diverses options, Boeing a développé plusieurs modifications aérodynamiques dont une fonction d'émélioration de la stabilité, le MCAS qui est une simple extension d'un système déjà existant: le STS (speed trim system) et destiné à améliorer les caractéristiques de pilotage aux fortes incidences. Le MCAS devant donner des caractéristiques de pilotage similaires à celles du 737 NG et ne devant pas nécessiter une formation simulateur pour les stages de qualification. Il était aussi requis que les efforts au manche ne soient pas plus faibles à l'approche du décrochage. Si l'avion avait eu un comportement en profondeur substantiellement différent, alors une formation simulateur aurait été nécessaire. Au debut limité aux vitesses élévées, la fonction du MCAS a été étendue aux basses vitesses, le MCAS fonctionnant aux fortes incidences mais ne fonctionnant pas lorsque le pilote automatique est connecté, MACS ne fonctionnant pas avec les volets sortis.
Sans connaissance de l'existence du MCAS, les pilotes peuvent confondre l'activation du MCAS avec le fonctionnement du STS (ce qu'à écrit le Captain du vol précédent dans un court rapport), le déplacement du stabilisateur étant cependant plus rapide avec le MCAS.
Pendant le développement du MCAS, diverses études de sécurité ont été faites dont une évaluation fonctionnelle du risque comme pour nombre d'autres systèmes avion. Boeing a ainsi étudié 2 risques d' activation non commandée du MCAS. Ces 2 risques ont été évalués comme "majeur" dans la classification des risques; il reste un niveau supérieur de risque, le risque "catastrophique". La classification "majeur" ne demande pas une étude plus poussée du risque ce qui aurait permis d'analyser la panne sur le point faible du système (prise en compte d'une seule sonde)
Des essais ont été faits sur le simulateur de développement (ecab) avec une action intempestive du MCAS sur le débattement du stabilisateur mais seulement à haute vitesse. Le test à basse vitesse (débattement stabilisateur plus fort) n'a pas été effectué. Un test avec mauvaise indication sonde d'incidence n' a pas été effectué. La plage de débattement du stabilisateur a été étendue, la FAA en a été informée mais tous les documents ne lui ont pas été adressés, Boeing n'a pas assez supervisé la délégation de certification accordée par la FAA.
Les pilotes d'essai ont considéré que les pilotes pouvaient contrer l'action simple ou répétitive du MCAS de l'avion par le trim normal, ce qu'a fait efficacement 22 fois le Captain aux commandes jusqu'à ce que le First Officer devenu pilote aux commandes, ne le fasse pas assez efficacement et jusqu'à ce que le trim arrivé en butée rende l'avion trop difficile à contrôler.
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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J'ai oublié de compléter ma lecture du rapport sur la partie maintenance et actions des pilotes.
La sonde d'incidence avait été installée jusqu'en août 2017 (accident survenu en octobre 2018) sur un 737 d'une Cie malaisienne. Suite à plusieurs occurrences de messages de pannes comme survenus ensuite en Indonésie sur l'avion de Lion Air, elle a été démontée et envoyée en révision aux USA puis stockée dans un centre de maintenance en Indonésie où elle a été récupérée pour son installation sur l'avion accidenté, voir dans la suite du texte.
- 3 semaines avant l'accident, message "AOA OUT OF RANGE" indiquant un pb de plage de débattement de la sonde. Un gros reset électrique et l'avion est réengagé sans plus d'analyse.
- J-2: plusieurs messages de panne sur les systèmes anti décrochage SMYD, self test effectué, RAS, avion réengagé
- J-1: encore des messages de panne et les messages se précisent sur la sonde d'incidence AOA toujours hors plage. Les 14 étapes de l'action de maintenance prévue ne sont pas faites cause forte pluie. Un reset avec les disjoncteurs et les messages ne réapparaissent plus, l'équipage du vol suivant est informé des actions, mais comme c'était celui qui avait amené l'avion, il demande que plus soit fait pour corriger le problème. Le technicien propose que le dépannage soit fait à une grosse base, Denpasar. L'avion part vers Denpasar et retrouve les mêmes messages de panne. Remplacement de la sonde (voir plus bas dans le texte)
- lors du vol suivant, toujours les mĂŞmes messages et activation du MCAS (voir plus bas dans le texte). Au total 3 fois les messages de panne sur 5 vols.
L'équipage du vol précédant l'accident prend en compte l'avion avec consultation du log book technique et discute avec le technicien sur les actions effectuées.
Au décollage le Captain est aux commandes; à la rotation le vibreur de manche se déclenche avec plusieurs alarmes sur les infos de vitesse et d'altitude, il donne les commandes au First Officer et identifie que les indications instrumentales sont mauvaises de son côté. En montée volets rentrés, les efforts au manches sont durs et la trajectoire de montée n'est pas facile à tenir. L'équipage n'a pas été surpris car bien informé au départ et était donc préparé. Le Captain décide de couper le trim électrique (ce qui annule l'action du MCAS), l'avion est alors pilotable et ils décident de continuer le vol de 1,5 heure de vol au FL 280 (sous l'espace RVSM car sans pilote automatique) en utilisant le trim manuel, en lançant un message PAN PAN et le vibreur de manche côté Captain toujours actif... Dans une traduction précédente de Philouplaine, il est cité 27 occurrences d'activation du vibreur de manche entre 2001 et 2018, seulement 5 de ces vols ont continué leur vol jusqu'à destination.
Les diverses check list des pannes de ce vol ne demandent pas un déroutement. Boeing et Airbus disent dans les QRH (check list) qu'il n'est pas possible de développer des check list pour toutes les situations et dans le cas de pannes multiples et qu'il faut exercer son jugement pour décider de la suite du vol. La décision de continuer le vol n'était donc pas "critiquable".
Ce qui est plus critiquable, c'est qu'une fois au sol, le Captain ne mentionne pas sur le log book, l'activation permanente du vibreur de manche et la coupure du trim électrique, ne mentionnant que les messages de panne moins importants (l'équipage a même remis les 2 interrupteurs en position normale). C'est irresponsable et pas professionnel et contraire à la doctrine de la Cie. Le Captain a bien envoyé un message à son chef qui était à Jeddah ainsi qu'un court Air Safety Report mais cet ASR n'a pas été introduit tout de suite dans la base de données. Un tel évènement méritait d'arrêter l'avion en écrivant "avion non utilisable" sur le log book et en contactant le centre opérationnel. C'est le job de Captain.
L'avion n'était pas équipé du fameux message de désaccord de sondes d'incidence (AOA DISAGREE) qui en s'activant aurait pu mettre la puce à l'oreille à l'équipage et à la maintenance pour la suite des actions. Toutefois, l'analyse poussée de l'ordinateur de maintenance qui est à bord de l'avion, leur donne parmi plusieurs messages indiquant que la sonde d'incidence gauche est hors plage normale. Le remplacement de la sonde est lancée, mais la méthode de remplacement prévue dans le manuel maintenance n'est pas complétement effectuée. Le test de validité de la sonde n'est pas effectué (essais manuels de diverses positions angulaires de la sonde) ce qui aurait permis de déclencher le message très clair "AOA SENSR INVALID"
Avec tous ces manques, l'équipage du vol accidenté avait très peu de chances de connaitre le vrai état de l'avion. Leur conscience de la situation n'était pas bonne du tout.
Au décollage le Captain est aux commandes et à la rotation, le vibreur de manche se déclenche avec ensuite des différences de vitesse et d'altitude entre indication gauche et droite ainsi qu'une alarme sur l'autobrake et le "take off config". Le Captain demande au First Officer d'exécuter les "memory items" = items à exécuter de mémoire de la check list indications vitesse anormales. Pas de réponse du FO qui continue à répondre à l' ATC. Le Captain demande au FO de prendre les commandes, réponse: standby. Les volets sont rentrés et le MCAS commence son action à trimer à piquer que le Captain contrera environ 20 (vingt) fois. Les efforts sur son manche deviennent forts mais il n'en fait pas part à son collègue qui ne peut le percevoir.
Le FO met 4 minutes à trouver la check list, alors que son numéro de page figure sur la page de couverture.
10 mn après le décollage, nouvelle demande du Captain pour que le FO prenne les commandes, ce qu'il fait. Le FO réalise que l'effort au manche est lourd, il contre trim le MCAS mais de manière insuffisante jusqu'à il ne puisse contrer la forte mise en descente de l'avion.
Pendant ces 11 minutes de vol, l' ATC a donné 8 instructions ce qui a chargé l'équipage. A part avoir dit qu'ils avaient un problème de commandes de vol, aucun message PANPAN n'a été émis ce qui aurait sans doute "calmé" l' ATC. Le Captain a dit au départ du vol qu'il avait la grippe et a toussé 15 fois pendant l'heure de prévol.
Le comportement de l'équipage a incité les enquêteurs à rechercher les notations de ces pilotes lors de leurs divers contrôles simulateur.
L'équipage n'était pas vraiment inexpérimenté, Captain 6000 hdv dont 5200 sur 737, First Officer 5200 hdv dont 4300 sur 737. Mais les notations de niveau professionnel montrent que le Captain montrait peu de leadership et de bonne communication lors de situations dégradées. Le FO avait été noté comme connaissant mal son QRH (check list d'urgence), avait des pb de maitrise des automatismes et aussi des pb de pilotage de base (circuit des yeux, maitrise panne moteur etc.) La liste des insuffisances professionnelles des 2 pilotes figure de façon détaillée dans le rapport, page 301 et suivantes.
Conception avion, actions maintenance et actions équipages lors des vols précédents, actions pilotes. Que d'occasions ratées...
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Salut les boomers !
On savait depuis quelques semaines que la FAA avait récemment reçu des documents supplémentaires sur la conception du MAX. On en connait le contenu depuis quelques jours et les infos viennent du triste sire Forkner (technical pilot Boeing) et qui veut maintenant se refaire une virginité. Je traduis l'essentiel publié sur Forbes, Forkner habillé avec le vocable local.
Quand un des 1 ers clients du 737 MAX a voulu aller au delà de la formation recommandée par Boeing et a proposé une séance simulateur, Boeing a argumenté contre cette formation supplémentaire, craignant qu'après seulement les 1 ères livraisons, cela créerait un précèdent pour d'autre Cies. Cela risquerait de saper les commandes et le lobbying auprès des Régulateurs pour une formation minimale.
Lion Air a ainsi questionné Boeing en juin 2017 sur un complément de formation pour ses B 737 MAX 8 (NdT: leur accident est survenu en octobre 2018) Voici que Forkner avait répondu dans un mail communiqué il y a qq jours. "je voudrais souligner l'importance de rester ferme sur le principe de ne pas donner une quelconque formation au simulateur en transition NG vers le MAX. Boeing ne permettra pas que cela arrive. Nous devrions alors affronter des Régulateurs qui tenteraient d'en faire un prérequis" . Boeing avait offert à Southwest un rabais d'un million de $ si une formation simulateur devenait nécessaire. On ne sait pas si cette offre a été faite à d'autres Cies. Southwest a commandé 310 MAX et Lion Air 428 MAX.
3 mois après le message de l'inénarrable Forkner, Lion Air s'apprête à recevoir son 1 er MAX dans un mois de temps. Lion Air a tenté de faire une formation d'un journée de cours + une séance de simu. C'était largement au dessus du prérequis de Boeing et approuvé par la FAA, de faire une formation a minima et sans simulateur, ce qui est coûteux et compliqué à arranger. Forkner a alors persuadé Lion Air de ne pas faire de simulateur. et a ajouté qu'aller au delà des demandes des Régulateurs, serait compliqué et pas une nécessité, créant ainsi un précédent pour les autres clients du MAX dans la région. Forkner a convaincu Lion Air en 2 jours de mail et d'appels téléphoniques après avoir été convaincu que la demande de Lion Air ne venait pas des autorités indonésiennes.
Je ne traduis pas cet extrait de son mail adressé à un de ses collègues, il est suffisamment explicite de l'état d'esprit de ce serviteur zélé qui vient ensuite cracher dans la soupe.
“Now friggin [Lion] might need a sim to fly the MAX, and maybe because of their own stupidity. I’m scrambling trying to figure out how to unscrew this now! Idiots,” the message reads.
Dernière modification par bricedesmaures (12-01-2020 18:25:20)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Les agace pas Brice, les agace pas :o)
Je n’oublie pas le sujet accident de FlyDubai, mais l’actualité des militaires « bidule » a occupé l’actualité.
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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