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Archéo Aéro ? L’Archéologie Aéronautique !
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80, 90, 100 ans (et plus), pour dénicher des choses intéressantes (du moins je l’espère) à raconter ...
Le Douglas DC-8 Skybus
Comment ? Le DC-8 n’a jamais volé ? Vraiment n’importe quoi ! Tout le monde sait bien que le Douglas DC-8 a bien volé, qu’il a été un succès commercial puisque pas moins de 556 DC-8 furent construits à Long Beach de 1958 à 1972. Alors, ce titre rime à quoi ? Eh bien, il rime avec le fait, assez mal connu même dans le monde des passionnés d’aviation, que le Bureau d’Etudes de la société Douglas a attribué l’appellation « DC-8 » à deux projets d’avion, et ceci à une bonne douzaine d’années d’intervalle. Le quadriréacteur que nous connaissons tous, le seul DC-8 qui a volé et qui vole encore, et dont le prototype fit son premier vol le 30 mai 1958 ... et une douzaine d’années avant, en 1945, le « Douglas Model 1004 » ... sous l’appellation commerciale ; « DC-8 Skybus » ... Nous autres, européens, nous l’avons échappé belle, on a bien failli avoir un avion américain porter un petit nom très évocateur d’Airbus, vingt-cinq ans avant la société actuelle ! Ce premier DC-8 sur lequel le Bureau d’Etude de la société Douglas a travaillé était un bimoteur à hélices qui ne fut jamais construit et, donc, ne vola jamais! On peut donc écrire en vérité que le DC-8 ne vola jamais ... Pas celui auquel on pense en tout cas.
Philippe
Mais Ă quoi ressemblait-il, ce Skybus ?
Vue d’artiste du DC8 Skybus pour une publicité de Douglas Aircraft
Le Programme 1004 de Douglas
Début 1945, plusieurs compétiteurs de Douglas annonçaient travailler sur un projet de nouvel avion commercial bimoteur dans le but de remplacer les DC-3 qui commençaient déjà à montrer leur âge. La société Glenn L. Martin travaillait sur le Martin 2-0-2, qui allait faire son premier vol le 22 novembre 1946. La société Consolidated Vultee Convair travaillait quant à elle sur le modèle CV-240, un bimoteur qui allait faire son premier vol le 16 mars 1947. Des bimoteurs à hélices d’après-guerre, pour remplacer un bimoteur à hélices de l’entre-deux guerre.
De nombreuses compagnies aériennes s’intéressèrent immédiatement à ces deux projets d’avion. En effet, leurs atouts étaient sensationnels. Les constructeurs annonçaient des avions de 40 passagers (contre une trentaine au maximum pour le DC-3) et des vitesses de croisière de l’ordre de 450 km/h (contre 330 pour le DC-3). Sur un vol de San Francisco à Los Angeles, où un DC-3 mettait deux heures, ces deux nouveaux avions mettraient seulement 1h30, soient trente minutes de moins. C’était un gain appréciable et un argument de vente considérable. Le tout dans le confort d’une cabine pressurisée et avec un avion à aile basse et train tricycle des plus modernes.
Le bimoteur Martin 2-0-2 aux couleurs de la TWA
Le bimoteur Convair 240 aux couleurs d’American Airlines
Vue d’artiste du DC-8 Skybus, remarquez la pureté de la ligne de l'aile
Les deux avions des concurrents étaient, de fait, des bimoteurs conventionnels avec un train tricycle, une aile basse cantilever avec un moteur positionné dans chaque demi-aile. La propulsion était totalement identiques : deux moteurs à double-étoile à piston, des Pratt & Whitney R2800 Double Wasp de 2 400CV chacun. Chacun de ces deux avions nouveaux emporterait 40 passagers à une vitesse de croisière près de 50% plus élevée que celle du DC-3. Douglas se devait de réagir et vite ! Sa situation de monopole de la vente d’avions civils n’était plus un bastion.
La société Douglas qui, avec son DC-3, bénéficiait d’une excellente réputation auprès des compagnies aériennes (les clients) et qui connaissait très bien le marché civil, contrairement à ses compétiteurs, décida de réagir. S’inspirant d’une technologie radicalement nouvelle de propulsion, qu’elle développait pour un projet de bombardier, le XB-42 MixMaster, le Bureau d’Etude Douglas entreprit en 1945 de travailler sur le « Modèle 1004 » qui serait un bimoteur à aile cantilever au profil totalement épuré car débarrassé de tout moteur, le système propulsif étant situé à l’arrière du fuselage. Deux moteurs Allison V-1710 de 1350 CV (les mêmes que ceux des P-38 Lightning) entraîneraient deux hélices contrarotatives situées à l’arrière du fuselage. Les deux moteurs seraient reliés aux hélices par des arbres propulsifs de près de 20 mètres de long qui traverseraient le fuselage de part en part, les moteurs étant situés à l’avant, juste derrière le cockpit.
Coupe du fuselage du DC-8 Skybus montrant le système propulsif plutôt original retenu sur ce bimoteur, les moteurs à l’avant, l’arbre de transmission de 20 m de long, et les deux hélices contrarotatives à l’arrière (illustration publiée dans Popular Science juillet 1946)
Ce système propulsif allait, hélas, s’avérer n’être rien d’autre qu’une mode sans lendemain, aussi bien pour le XB-42 qui ne dépassa pas le stade du prototype que pour le Skybus qui ne dépassa jamais le stade de la planche à dessin.
Le bombardier bimoteur Douglas XB-42 Mixmaster
Vue de la dérive cruciforme et des deux hélices contrarotatives du XB-42, notamment pour protéger les gigantesques pales lors de l'arrondi du décollage
La nouveauté du système propulsif situé à l’arrière du fuselage et composé de deux larges hélices contrarotatives était une disposition étonnante qui, faut-il le dire, déplut aux clients potentiels quand ils eurent connaissance du projet en 1946.
Une version incomplète de ce système propulsif avait été imaginée par la société Bell, sur le chasseur Bell P-39 Airacobra et repris par Douglas car, à l’époque, on lui prêtait un grand avenir. Ce mode de propulsion, en effet, diminuait la traînée, et donc la consommation, de près de 30 % sur des moteurs installés sur les ailes ce qui n’était pas peu. De plus, on estimait qu’en cas de panne moteur, ce système éliminait totalement le grave problème du contrôle d’un avion ayant perdu l’un de ses deux moteurs. Douglas décida donc, à la vue de ces deux gros avantages, d’adopter ce système propulsif pour tous ces nouveaux avions militaires et ses futurs avions civils dès la fin de 1944.
Le projet 1004 aboutit donc à un avion assez disgracieux dans l’ensemble même si l’aile présentait une ligne aérodynamique étonnamment pure. Bien que Douglas ait financé une importante campagne de promotion dans les médias en 1946 et 1947 sur le Skybus, et en dépit de la réputation du constructeur, le Skybus fut un échec total. Aucun client ne se présenta, une grande première pour Douglas ! Le projet fut abandonné avant même qu’un prototype ait été construit.
Et si le Skybus avait volé ?
Les performances calculées du Skybus étaient annoncées comme supérieures à celles de ses deux concurrents, bien qu’une nouvelle vague de calculs aérodynamiques sur maquette ait plutôt montré que le Skybus serait en fait un tantinet plus lent. Ce qui n’arrangea guère son dossier devant les clients potentiels. Allons voir ce que les revues spécialisées de l'époque ont pu en dire ...
Une double-page, parue dans la revue spécialisée DECOLLAGE : LE MAGAZINE DE L’AVIATION du 16 août 1946 (la planche n°22 pour être précis) présente le « futur » Douglas DC-8. A cette époque, Douglas a déjà totalement abandonné le projet.
La planche n°22 publiée dans le numéro d’août 1946 de DECOLLAGE
Que lit-on dans cet article de 1946 d’une revue française spécialisée dans l’aviation ? Voici le texte de l’article :
Un nouvel avion de transport moyen-courrier, susceptible d’être utilisé soit comme cargo, soit comme avion de transport de passagers, vient d’être proposé aux compagnies aériennes américaines par la firme Douglas Aircraft. Le DC-8 1004 est un bimoteur monoplan à aile basse de construction entièrement métallique, équipé de deux moteurs Allison V-1010 ([i]Note: une erreur de l’auteur, il s’agit du V-1710) entraînant, par l’intermédiaire de deux arbres de 20 mètres de long, deux hélices à l’arrière de l’empennage.[/i]
Puis vient la description de certaines de ses caractéristiques :
Le DC-8 en version standard a (on appréciera l’usage du présent alors qu’aucun avion n’a été encore construit) un poids total de 17,8 tonnes et un poids à vide de 10,8 tonnes. Équipé d’un train tricycle, cet appareil a une envergure de 34,12 m, une longueur totale de 23,7 m et une hauteur de 7,85 m. Quatre versions différentes du DC-8 ont été prévues. Deux pour le transport de 38 passagers plus le fret, et pouvant emmener 48 passagers plus le fret grâce à l’installation de strapontins. Et deux autres versions pour le transport de 34 passagers, plus le fret, ou 43 passagers avec des strapontins supplémentaires.
Des strapontins en cabine ? En effet, il était prévu que les sièges du côté couloir de la rangée de droite seraient chacun équipé d’un strapontin qu’on pourrait descendre en cas de besoin permettant ainsi d’accueillir plus de passagers.
Puis viennent les descriptions, points par points, du DC-8 :
Voilure et empennage
L’aile de type cantilever se divise en deux types de sections : la section centrale, sur laquelle le fuselage repose, est à deux longerons, et aux deux extrémités de l’aile des sections qui sont amovibles et de type monocoque. La section principale abrite deux réservoirs de carburant ainsi que les logements des roues de l’atterrisseur principal. La surface alaire est de 102 m2, y compris celle des ailerons. La charge alaire au poids maximum autorisé au décollage est de 175 kg/ m2. Les ailerons, d’une surface totale de près de 7 m2, ne comportent chacun qu’un seul volet compensateur à simple fente et sont chacun d’une envergure de 11,1 m. Ils sont de construction métallique à revêtement de toile. Toutes les autres gouvernes sont entièrement métalliques. La surface de l’empennage horizontal est de 25 m2, celle de l’empennage vertical, à deux structures de part et d’autre du fuselage, est de 14 ½ m2. L’empennage de l’appareil est de type cruciforme.
Fuselage
De construction entièrement métallique, semi-monocoque, avec sections avant et arrière amovibles. Le diamètre maximal de la section du fuselage est de 3m07. Le fuselage comprend, de l’avant à l’arrière, le poste de pilotage à capot d’habitacle à double renflement, muni de pare-brise à doubles vitres avec dégivreurs thermiques intégrés. Puis vient la soute d’un volume utile de 6 m3 avec une porte de chargement située sur le côté gauche du fuselage. En partie en-dessous de cette soute et en avant des ailes se trouve le compartiment des moteurs. Puis vient la cabine principale des passagers qui est pressurisée et dispose d’une cloison mobile à l’avant permettant de convertir facilement et rapidement la partie avant de la cabine en soute à fret. Les passagers sont assis sur deux rangées de deux sièges distant de 0,9 m dans la version 48 passagers et de 1,05 m dans la version 38 passagers (Pour information : dans la classe économique des avions actuels l’espacement entre deux sièges , le fameux pitch, est de l’ordre de 0m80 ... on a pas mal perdu en confort depuis l’époque du Skybus). A l’arrière de la cabine des passagers on trouve une deuxième soute d’un volume utile de 6 m3.
Performances attendues
Le constructeur Douglas garantit une vitesse de croisière de 435 km/h pour une altitude critique de 3050 mètres, avec petite vitesse de compression et pour un poids maximum de 17,9 tonnes. La vitesse minimale de sustentation est donnée à 126 km/h, volets sortis. Les autres performances garanties sont un rayon d’action théorique de 4300 km avec les réservoirs pleins, soient 3785 litres et sans tolérance pour le réchauffage des monteurs, la montée ou la réserve. Les longueurs maximales prévues pour le décollage et l’atterrissage à pleine charge sont de 1200 m.
Des performances estimées mais pas garanties donnent une vitesse de croisière possible à 475 km/h avec compression et à une altitude de 6100 m, et de 370 km/h avec 60 % de la puissance maximale à 3000 m.
Le constructeur estime que la vitesse ascensionnelle sera de 850 pieds/min. Le plafond maximal est donné à 30 000 pieds. La consommation estimée de carburant à la vitesse de croisière de 435 km/h à 3000 m est de 650 litres pour un vol de 300 miles, 1300 litres pour un vol de 600 miles, et 3400 litres pour un vol de 1600 miles. La contenance totale des réservoirs est de 3785 litres.
Cet article se terminait là avec un récapitulatif des caractéristiques et performances de l’avion.
Un an auparavant, l’hebdomadaire spécialisé français : LES AILES, avait sorti un court entrefilet sur le Skybus dans son numéro du 17 novembre 1945. Voici le texte :
Le Douglas DC8 à propulsion arrière
Les deux vues du fuselage du nouvel avion Douglas DC8 que nous reproduisons ci-dessous montrent bien la formule révolutionnaire de propulsion adoptée par le constructeur américain.
Les moteurs, deux Allison V-1710 à refroidissement par liquide, sont placés dans un compartiment du fuselage juste derrière le poste de pilotage, sous la surveillance directe du mécanicien. Il y a quelques 23 ans, le constructeur français Louis Bréguet, le premier, avait déjà installé les moteurs de son Léviathan dans une « chambre des machines ».
Les moteurs du DC8 entraînent chacun une des deux hélices coaxiales contrarotatives à l’arrière des empennages. Ce dispositif explique l’emploi de longs arbres de transmission dont le fonctionnement à des régimes de rotation, élevés pose de sérieux problèmes mécaniques. Douglas paraît les avoir résolu puisque le DC8 est la version civile d’un bombardier dont le prototype, qui a effectué son premier vol il y a un an et demi, a donné d’excellents résultats.
Plan du fuselage du DC8 Skybus publié dans la revue Les Ailes de 1945
Pas aussi excellents que cela cependant ... puisque la commande initiale de 50 appareils B-42, plus une option sur 200, fut très vite abandonnée par l’USAF. La même année que la revue Décollage, la revue spécialisée AVIATION FRANCAISE, avait publié dans son numéro de mars 1946 un article sur : « Dans les usines du monde » où il donnait des nouvelles de ce qui se tramait à Santa Monica. Voici le texte :
Dans les usines du monde
Les usines américaines d’aviation Douglas Aircraft, dont les appareils de transport sont connus de tous, ne peuvent considérer leur actuel monopole de fait comme définitivement acquis pour l’avenir. De nombreuses sociétés des USA et de l’étranger offrent des types nouveaux destinés à remplir les mêmes missions que les DC3 et les DC4. On ne savait guère, jusqu’à présent, comment les usines Douglas pensaient faire face à la concurrence représentée par ces nouveaux types car le quadrimoteur DC7, par exemple, et le nouveau bimoteur d’apport Skybus ne devraient pas être fabriqués en série. Le Douglas DC6 ne représente manifestement, quant à lui, qu’une solution transitoire (et pourtant 706 DC6 seront fabriqués de 1946 à 1959). On vient d’apprendre toutefois qu’en plus du modèle DC8 pour 48 passagers, qui est doté de deux moteurs Allison entraînant deux hélices coaxiales situées dans la queue, la firme de Santa Monica étudie toute une série d’avions de transport basés sur le même modèle de propulsion avec des hélices jumelées contrarotatives basées dans la queue ou dans le nez et dans la queue.
La propulsion par hélice à l’arrière et surtout développée parce que les avions ainsi construits pourront facilement passer à la propulsion par réaction. Douglas peut dès lors s’assurer la possibilité d’une transformation facile de ses appareils et, de ce fait, une avance considérable sur ses concurrents pour le cas où les compagnies aériennes demanderaient ces prochaines années des avions propulsés par réaction.
Pour le moment, les usines Douglas ont un carnet de commandes fermes de leurs types actuels pour une valeur totale de 100 millions de dollars (100 millions de dollar en 1945 représentent 1,4 milliards d dollar d’aujourd’hui). Il s’agit de 64 avions DC4 pour des clients étrangers dont la société nationale Air France, de 17 DC4 et 111 DC6 pour des compagnies américaines.
On apprend que le prototype du modèle DC6 a effectué son premier vol d’essai à Santa Monica le 16 février dernier. Rappelons que, quoique d’un type vraiment transitoire et donc sans avenir, cet appareil a d’ores et déjà été commandé à un assez grand nombre par des compagnies américaines et par la compagnie australienne Australian National Airways.
On est assez étonné à la lecture de ces lignes du parti pris manifeste contre le DC6, dont je ne m’explique pas pour le moment l’origine. On peut aussi être assez étonné de l’argument donné comme unique en quelque sorte justifiant l’usage du mode de propulsion retenu avec les hélices coaxiales dans la queue du fuselage : le passage plus facile à la propulsion par réaction.... l’histoire retiendra tout autre chose.
La même année, une revue mensuelle spécialisée française bien connue des anciens : L’AIR-L’ORGANE DE LA LIGUE NATIONALE POPULAIRE DE L’AVIATION (que de revues spécialisées à l'époque!!!) présentait un troisième article dans son numéro de septembre dédié à la société Douglas avec, comme illustration, une photo en plein vol de l’inévitable DC3. Voici ce qu’on pouvait y lire.
Les Douglas complètent la série des transports aériens
La grande compagnie américaine Douglas Aircraft dont les usagers des lignes aériennes connaissent bien la production puisque les DC3 et les DC4 équipent presque toutes les lignes européennes, continue à poursuivre sa magnifique carrière.
Plus de 80 % des lignes commerciales utilisent des avions Douglas et ceci grâce à la production toujours croissante, la qualité de son matériel et ses possibilités de livraison rapide dans le monde entier.
Si la chaîne des DC3 et des DC4 ne ralentit pas, les ingénieurs de Douglas cherchent sans cesse à renouveler leur production, nous n’en voulons pour preuve que les nouvelles récentes que nous recevons d’outre-Atlantique.
Le DC4 malgré ses magnifiques performances rendues célèbres par ses traversées quotidiennes de l’Atlantique par la TWA et Air France est déjà considéré comme dépassé ! Mais un nouvel appareil construit sur les même principes avec quatre moteurs plus puissants et un fuselage plus long est prêt à le remplacer, c’est le modèle DC6 dont la vitesse de croisière est la même que celle du quadrimoteur Lockheed Constellation : de l’ordre de 550 km/h.
A côté de cela nous avons suivi les essais (Note: sic !? quels essais puisque le Skybus ne fut jamais construit, l’auteur confond avec le XB-42 dont deux prototypes furent construits) du Douglas DC8 bimoteur à propulsion non orthodoxe : une double hélice à l’arrière du fuselage. Ce modèle n’était qu’un appareil expérimental qui fut immédiatement suivi d’un nouveau modèle identique d’aspect mais équipé cette fois d’un moteur à réaction. Et ce prototype vient de traverser le continent américain à la vitesse étonnante de près de 800 km/h.
Cet article est intéressant à plus d’un titre. D’abord il fait une méprise en confondant le DC8, qui ne fut jamais construit, et le prototype du bombardier expérimental XB-42, qui fit son premier vol le 6 mai 1944, et qui fut construit à deux exemplaires seulement. Le deuxième exemplaire fut transformé en un avion hybride qui conservait ses deux hélices à l’arrière du fuselage mais qui était équipé de deux turboréacteurs placés sous les ailes, ce fut le prototype XB-42A.
Le prototype XB-42 transformé en XB-42A après avoir été équipé de deux turboréacteurs Westinghouse sous les ailes
L’autre information concerne ce vol transcontinental où une vitesse de 800 km/h est mentionnée. Il s’agit du vol de décembre 1945 où le prototype XB-42A piloté par le capitaine Glen Edwards (qui donna son nom à la base éponyme) effectua le vol sans escale de Long Beach en Californie à Washington DC en 5 heures et 17 minutes, soit à la vitesse moyenne de 698 km/h (et pas 800 comme indiqué dans l’article). L’auteur apparemment confond deux essais puisque un mois après ce premier vol transcontinental sur un avion à réaction, en janvier 1946, un chasseur Lockheed P-80 Shooting Star fit le même vol transcontinental en 4 heures et 13 minutes à la vitesse moyenne record de 870 km/h.
La société Douglas, sous la pression de l’US Air Force, transforma ensuite tout aussi rapidement son prototype XB-42A en un appareil uniquement à réaction, le modèle XB-43 Jetmaster qui fut construit à partir du XB-42A en introduisant deux réacteurs General Electrics J35 Turbojet à la place des deux moteurs Allison et en pratiquant des ouvertures d’aération des réacteurs sur le côté du fuselage. Le fait d’enlever les grosses hélices à l’arrière du fuselage conduisit le bureau d’étude Douglas à redessiner l’empennage en abandonnant l’aspect cruciforme des XB-42 et du DC8. Du coup, la dérive verticale devint plus volumineuse. Ce bombardier expérimental à réaction, le premier de l’USAF, fit son premier vol le 17 mai 1946.
Le prototype du bombardier à réaction Douglas XB-43 Jetmaster
Que resta-t-il du projet Skybus?
Le coût élevé du développement du DC-8 Skybus allait directement impacter son prix; il était annoncé comme significativement plus élevé que celui de ces deux concurrents qui, eux, travaillaient sur un modèle d’avion plus conventionnel en 1945. Significativement, veut dire qu’il était de 100 000 dollars (dollars de 1945 !!) supérieur au modèle concurrent le plus cher. Cent mille dollars en 1945 représentent 1,4 millions de dollars d’aujourd’hui, c’était un écart énorme pour les clients potentiels. De plus, l’utilisation de moteurs Allison était aussi une grande première pour un avion civil, ces moteurs n’avaient été utilisés que sur des avions militaires jusque-là . Les clients potentiels étaient très frileux face à ces moteurs qu’ils ne connaissaient pas, privilégiant très fortement les Pratt & Whitney et les Wright Engines.
La disposition des moteurs et des hélices aux deux extrémités du fuselage, ainsi que les deux longs arbres de propulsion qui, cerise sur le gâteau, présentaient un coude à l’arrière du fuselage pour remonter vers le moyeu des hélices, situé à quelques 2 mètres au-dessus de l’axe des moteurs, allaient conduire à des coûts très élevés d’entretien qui se répercuteraient inévitablement sur la rentabilité de l’avion. Contrairement à ce qui est écrit dans l’un des articles que je cite, les arbres propulsifs du Skybus étaient assez différents, et plus compliqués, que ceux installés sur le bombardier expérimental XB-42. Il semblerait que les ingénieurs de Douglas n’aient pas réussi à surmonter tous les obstacles rencontrés.
Enfin, les clients craignaient tous que placer les hélices et les moteurs dans le fuselage allait conduire à des phénomènes de vibrations et de dégagement de fumées d’échappement qui pourraient gêner les passagers.
En 1947, quand Douglas abandonna définitivement le projet Skybus, il récupéra la dénomination DC-8 pour l’usage ultérieur que nous connaissons tous : son premier quadriréacteur commercial. Une autre « récupération », beaucoup moins connue et très lucrative celle-là aussi, fut le profil et le dessin très purs de l’aile développé pour le Skybus. On allait la retrouver, à peine modifiée, dans son futur DC-9.
Deux autres trouvailles du Skybus, brevetées toutes les deux, et qui allait avoir un grand succès dans l’aviation civile étaient l’espace convertible très facilement de la cabine entre passager et fret (avec une cloison avant adaptable pour séparer l’espace cargo de l’espace passager) et l’escalier escamotable inséré dans la porte d’accès à la cabine passager.
Tout ce qui reste aujourd’hui de ce programme un peu fou est une plaquette de luxe de quatre pages publiée en 1945 par Douglas pour ses futurs clients potentiels et une maquette du Skybus au musée Donald Douglas à Santa Monica en Californie.
Aménagements possibles de la cabine du DC-8 Skybus
Plan 3-vues du DC-8 Skybus
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Merci, pour tes découvertes
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Merci pour ce super post!!
Jerry
Blog: Keep calm, and aviate!
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Beau travail comme d'habitude !
Il y a eu une version du XB 42 avec réacteurs d'appoint ou pour une version future:
https://www.youtube.com/watch?v=TZDAbmL5Sbk
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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