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Bonjour Cher(e)s ami(e)s,
Je vous ai traduit de l’anglais un long texte écrit par un pilote de l’un des avions de chasse américains les plus emblématique, il y a quarante ans comme aujourd’hui, le McDonnell Douglas F-15. C’est le récit du colonel Cesar Rico Rodriguez, Rico étant son patronyme gagné à l’USAF. Il a fait toute sa carrière sur ce chasseur et a participé à deux opérations de guerre. Ce sont ses missions de combat qu’il nous décrit ici.
Il y a quelques temps, je vous avais également posté le récit d’un pilote d’Intruder : ici. Ce texte sur le F-15C est dans la même veine.
J’ai pensé que cette histoire pourrait vous intéresser.
Les illustrations sont celles de l’article d’origine.
Comme les posts sur ce forum ont une limite de taille, j'ai dĂ» couper ce texte en deux parties...
Bonne lecture !
Philippe
Un pilote de l’USAF raconte le F15 Eagle
Par Jamie Hunter, The War Zone, 18 août 2020
Cesar "Rico" Rodriguez nous raconte de façon très vivante comment il a abattu trois chasseurs ennemis, deux au-dessus de l’Iraq en 1991 pendant l’opération Tempête du désert et un au-dessus de la Serbie en 1999 pendant l’opération Force alliée.
Le colonel César "Rico" Rodriguez est un pilote de F-15C Eagle de l'armée de l'air américaine à la retraite, il a des histoires incroyables à raconter. Au cours de ses 26 ans de carrière, il a effectué des missions de combat des rôles lors de deux grandes guerres aériennes. Cela fait presque 30 ans que "Rico", qui utilise toujours son indicatif d'appel de l’époque, s'est assis pour la première fois dans le cockpit d’un McDonnell Douglas F-15 Eagle. Tout jeune pilote, il se préparait, par une nuit étouffante, alors à rejoindre la base aérienne de Tabuk en Arabie Saoudite. L'opération "Tempête du désert" a été le premier chapitre de son incroyable histoire. "Rico" et ses collègues pilotes d'Eagle y gagné la réputation d’être une bande quasi-invincible de massacreurs d'avions ennemis. Sur les 32 victoires aériennes alors engrangés par les F15 américains, deux ont été les siennes.
Il était alors affecté à la 58ème Escadrille d'Appui Tactique (EAT). Sous les ailes de son F-15, il y avait quatre missiles air-air à guidage radar AIM-7M Sparrow et quatre AIM-9M Sidewinders de plus courte portée. Huit ans plus tard, il allait piloter un autre F-15 entièrement armé pour le combat, cette fois avec de nouvelles armes et des systèmes améliorés, dans le ciel du Kosovo pendant l'opération Force Alliée. C'est là qu'il a obtenu sa troisième victoire en combat aérien.
Aujourd'hui, il raconte ces aventures dans le cockpit de l'Eagle pour aider les nouvelles recrues à comprendre l'importance de la formation et de la recherche de l'excellence. C'est ce qui l'a préparé lorsqu'il est parti au combat dans des délais très courts. Rodriguez et ses collègues pilotes d'Eagle savaient instinctivement quoi faire, un fait qu'il tient à nous expliquer.
Rejoindre le cockpit d'un Eagle
Depuis son bureau de Tucson, en Arizona, "Rico" nous raconte qu'il a toujours rêvé de piloter des F-15 Eagle, mais qu'il a tout de même eu l'honneur de toucher un tout autre avion, il a appris à piloter l'avion d’appui Fairchidl A-10 Thunderbolt II. "J'ai eu l'occasion de réaliser des missions très complexes et exigeantes en tant que pilote d'A-10 pendant deux ans. Et sur cet intervalle de deux années, j’ai pu effectuer près de 900 heures de vol sur le "Hog" - ce qui est assez fantastique".
Après ces deux ans, il a rejoint la base aérienne d'Holloman au Nouveau-Mexique en tant qu'instructeur pour la formation des nouveaux pilotes sur T-38 Talon. Il pensait en permanence au prix de l’équipement du cockpit d’un F-15. "J'ai commencé à effectuer des vols sur le siège arrière du T-38 avec d'anciens pilotes de F-15 et nous effectuions des missions de combat simulées contre les F-15 de l'escadrille basée à Holloman. Cela m'a vraiment aidé à me faire une idée en trois dimensions de la situation d’une mission air-air en utilisant mes yeux et mes oreilles. Cela m'a énormément aidé lorsque j'ai finalement été sélectionné pour aller à la base aérienne de Tyndall en Floride pour commencer un cours de transition pour passer (enfin !) sur les F-15".
"Le F-15C est un système d'armes très complexe. J'ai pu utiliser tout ce que j’avais déjà appris sur d’autres appareils, mais je me formais maintenant à être pilote de chasse sur F-15. Quand vous commencez à découvrir les subtilités des commandes HOTAS (Hands-On Throttle And Stick) et les exigences physiques du pilotage d'un avion de chasse sans limiteur de G, en plus du suivi visuel du radar de bord ainsi que l’écoute attentive du récepteur d'alerte radar, alors vous pouvez commencer à comprendre ce que veut réellement dire être un pilote de chasse qui utilise au maximum les performances de l'Eagle".
Un pilote de F-15C s'éloigne de l’avion ravitailleur lors d'une mission au Moyen-Orient.© Larry Reid, U.S. Air Force
Une fois sa formation sur Eagle terminée, "Rico" a rejoint la 58ème Escadrille de Formation de Chasse, les "Gorilles", à la base aérienne d'Eglin, en Floride. On était en 1989. Il a immédiatement commencé sa formation de qualification aux missions de combat. C'est le parcours obligé par lequel les pilotes débutants doivent passer au sein d'une unité opérationnelle du statut de simple ailier, au commandement d’une patrouille de deux avions, puis à celui d’une patrouille de quatre avions pour enfin terminer comme commandant de la mission.
"Petit à petit, j'ai commencé à me sentir plus à l'aise dans le chasseur", nous dit-il. Lorsque "Rico" est arrivé à la 58ème, le commandant de l’escadrille était le lieutenant-colonel Francis Geisler, qui avait réuni autour de lui une équipe impressionnante d'officiers des systèmes d’armes (les F-15E sont des chasseurs multirôles biplaces avec un pilote et un officier des systèmes d'armes). "Notre escadrille était très forts, tant en termes d'heures effectuées qu’en capacités de combat. Elle comprenait les capitaines John "JB" Kelk, Rick "Kluso" Tollini et Robert "Cheese" Graeter. L'état d'esprit alors était que nous étions de vrais tueurs – mais la réalité ne fut pas du gâteau".
Durant l'été 1990, Rodriguez dirigea un détachement de la 58ème à Gulfport, Mississippi, en soutien de quelques F-4E Phantom II de la Garde Nationale du Missouri. Cette escadrille allait bientôt être dotée de F-15 Eagle. "Nous avions huit F-15 sur place et une équipe de maintenance complète. Cette mission a duré une semaine. Le dernier jour, nous avons effectué une mission d’entraînement de type huit contre seize – ces années-là , c’est comme ça que le commandement voyait la troisième guerre mondiale ! Nous avons tout fait pour leur montrer ce que le F-15 pouvait faire – nous n’avions aucune limite !
"Quand nous avons atterri, nous avions prévu une sacrée fête, mais les chefs d'équipage sont tous venus à mon avion et m'ont alors dit qu’il n’y aurait pas de fête, ils avaient reçu un message d'Eglin disant que nous devions faire nos valises et retourner à la 56ème le soir même. Notre équipe de maintenance a réinstallé les réservoirs sous nos F-15 et nous sommes partis pour Eglin, décollant au coucher du soleil."
"Nous avons tous effectué des vols directs, et en descendant vers la piste, j'ai regardé à droite et j'ai pu voir une énorme activité sur tout le tarmac - je ne l'avais jamais vue aussi pleine d’activité de ma vie. Des F-15 en pagaille, tous sortis et parqués, aile contre aile, étaient armés de Sparrow et de Sidewinders bien visibles sous leurs ailes.
"Une fois arrivés au bâtiment de l'escadrille, on nous a dit qu'on avait reçu un ordre de déploiement. Le commandant nous a alors dit : Les gars, nous n'avons pas encore de date précise, mais pour l’instant rentrez chez vous et prenez tous du repos."
Une paire de F-15C de la 33ème Escadrille d'Appui Tactique vole avec un F-5E de la Royal Saudi Air Force pendant l'Opération Bouclier du Désert. © Chris Putnam, U.S. Air Force
Le 2 août 1990, Saddam Hussein envahissait le Koweït. Le président américain George H. W. Bush ordonnait l'envoi de forces terrestres, maritimes et aériennes au Moyen-Orient pour stabiliser la région et persuader Saddam Hussein de retirer sa force d'invasion. Pour "Rico" et les hommes de la 58ème, ce fut une période de tension. "Nous sommes assis dans une salle où nous avons étudié avec minutie toutes les possibilités de missions sur l’espace aérien irakien. Il fallait tenir compte de leur importante défense anti-aérienne. Nous avons alors ajusté nos tactiques en fonction des informations sur la menace que nous avions." C’est le lieutenant-colonel William "Tonic" Thiel qui prit alors le commandement des "Gorilles".
En route vers l’Arabie Saoudite
Le commandant Thiel avait été informé peu après l'invasion du Koweït par l'Irak que son escadrille allait être déployée en Arabie Saoudite où il devrait immédiatement envoyer 769 de ses hommes avec 24 F-15C Eagles.
Le capitaine Rodriguez continue son récit :
"Ils nous ont informés que deux escadrilles de F-15 Eagle seraient déployés, nous et des F-15 de Langley en Virginie. Lorsque nous avons planifié ce déploiement, un gros ouragan se formait au-dessus de l'océan Atlantique, ce qui signifiait que la route du nord autour du Groenland et du Royaume-Uni était coupée pour nous. Alors le haut-commandement a placé des norias d’avions ravitailleurs déployés en permanence sur toute une ligne le long de l’équateur, juste pour nous afin que nous puissions aller jusqu'en Arabie Saoudite. Un vrai pont aérien de tankers ! En plusieurs points de ce "pont", si nous ne réussissions pas à nous ravitailler, la seule option envisageable était de s’éjecter et de se poser sur l’océan près d’un des navires de secours que l’US Navy avait prédisposé sous ce pont aérien."
"Une grande partie de la traversée de l'Atlantique s'est faite par un fichu mauvais temps. Une fois l'Atlantique traversé, nous avons fait à nouveau le plein au-dessus du détroit de Gibraltar, je regardais fixement le soleil se lever au-dessus de la Méditterranée. Notre dernier ravitaillement a eu lieu au-dessus de l'Égypte et de là , nous avons filé droit vers l'Arabie Saoudite. C'était fin août, et il faisait très chaud quand nous avons atterri à la base aérienne de Tabuk. Entre le moment où j'avais pris place dans le cockpit de mon avion à Eglin aux Etats-Unis et celui où j’en suis sorti à Tabuk, il s'était écoulé 22 heures - c'était une de ces journées qui ne finissent jamais, il fallait littéralement empoigner les pilotes pour les extraire de leur cockpit."
"Nous avons mis nos avions en alerte permanente, 48 heures seulement après notre arrivée. Puis, de suite, nous avons mis en place un système de patrouilles de combat par roulement. Au départ, il ne s'agissait pas patrouiller le ciel irakien 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ; nous partions en mission de combat uniquement quand "quelque chose" de grande valeur (NdT – L’auteur écrit ici : high-value asset) avait été repéré dans les airs. Il nous a fallu un peu de temps pour mettre en place des opérations 24 heures sur 24 dans la zone de contrôle qui nous avait été assignée (NdT – l’appellation US est Area of Responsability ou AOR). A ce moment, les irakiens lançaient plein de MiG-25 Foxbats, ils ont été notre principale préoccupation dans la phase initiale "Bouclier du désert" qui précéda l'opération "Tempête du désert". Les pilotes des MiG-25 irakiens étaient excellents. À tel point que si nous n’avions pas exécuté les tactiques que nous venions de mettre au point, nous n’aurions jamais pu en encadrer un seul dans nos collimateur. Nous aurions dû faire demi-tour à l’approche de la frontière avec l’Irak !"
"Cette tactique de chasse spéciale, que nous appelions le "broyeur" (NdT –grinder en anglais), consistait à placer un F-15 unique, dit "chaud", avec son radar de combat engagé sur la cible et un groupe de F-15, dits "froids", qui, eux, s’éloignaient de la cible. Les F-15 cold devaient reculer assez loin, avec suffisamment de distance, pour que, lorsque la cible faisait mine de vouloir engager les F-15 qui fuyaient et les suivre en passant la frontière, les F-15 cold larguent aussitôt leur réservoirs d’appoint et montent en chandelle à toute vitesse jusqu’à tangenter les 60 000 pieds. Puis, aussitôt, les F-15 cold devaient piquer vers la cible à toute allure pour atteindre un nombre de Mach suffisamment élevé pour ne plus la lâcher et qu’on puisse lui tirer dessus nos missiles AIM-7. Le F-15 hot servait de premier appât. Le plus long à mettre au point dans cette nouvelle tactique a été de faire bien comprendre aux équipages de nos "yeux", les Boeing AWACS E-3 Sentry, ce que nous attendions précisément d’eux."
Un pilote de F-15C de la 58ème escadrille d'appui tactique, les "Gorilles", inspecte un de ses Sidewinder avant son départ de la base aérienne Eglin pour rejoindre l'opération Bouclier du désert. © Taylor, U.S. Air Force
"Voler en formation serrée à deux et à quatre avions en permanence pendant toutes les phases du combat a été l'une des véritables leçons de l’opération Tempête du désert. Nous avons appris à bien apparier nos pilotes. L’idée selon laquelle nous avion suffisamment de gars disponibles dans l’USAF était alors un mythe, nous en manquions terriblement à l’époque. Mais en nous jumelant au combat, nous avons acquis une vraie flexibilité que nous n’avions pas auparavant. Quand les missions de guerre ont commencé, tous nos pilotes, ou presque, avaient acquis l’expérience du vol de combat à deux ailiers restant en permanence ensemble dans toutes les phases du combat. Si bien que, s’il le fallait, on pouvait envisager sérieusement la même chose à trois, si nécessaire."
"Pendant la guerre contre l’Irak, nous n'avons rompu nos paires de F-15 qu'une seule fois en tout et pour tout. La tactique à quatre F-15, un "hot" et trois "cold", nous permettait de mener à bien n'importe quelle mission, offensive ou défensive. Quand les quatre pilotes d’un groupe de "broyeurs" étaient au sol, l’un d’eux était le chef, il supervisait tout, un autre allait au Service des Opérations, prêt à rejoindre avec toutes les informations utiles le groupe pour partir aussitôt, et les deux autres restaient en contact permanent avec la cellule de planification des missions."
Un F-15C équipé d’AIM-7 Sparrow et d’AIM-9M Sidewinders en vol à basse altitude au-dessus du désert. © U.S. Air Force
Les Eagle dans la tempĂŞte
"Le 17 janvier 1991 à minuit, nos F-15 à Tabuk et ceux de Langley basés à Dhahran, ont uni leurs forces lors de la première nuit de l'opération Desert Storm avec une attaque surprise au-dessus de Bagdad. Notre mission était de dégager le ciel au-dessus de la capitale de tout avion irakien et d'ouvrir ainsi une "voie" pour la force de frappe."
"La première vague cette nuit-là a vu notre capitaine "JB" Kelk, des "Gorilles", réussir la première "victoire" aérienne de cette guerre, en descendant un MiG-29 Fulcrum avec un de ses AIM-7 Sparrow. La même nuit, le capitaine Rhory "Hoser" Draeger et le capitaine des US Marines Charles "Sly" Magill alors en change avec l’USAF, ont abattu une paire de MiG-29 près de Bagdad. Puis, cette même nuit, le capitaine Robert "Cheese" Graeter réussit à abattre deux Mirage F1 irakiens."
Des F-15C de la 1ère escadrille tactique déployés à Dhahran, en Arabie Saoudite. © U.S. Air Force
"Le lendemain de notre arrivée à Tabuk, après quelques heures de sommeil, je partais en vol pour une mission défensive. Ce genre de missions allait se répéter pour moi. J'ai effectué la toute dernière mission aérienne de l’opération Bouclier du désert avant que nous ne nous passions à Tempête du désert. Le 19 janvier, j'étais à nouveau en missions défensive (NdT –defensive counter air ou DCA) dans le secteur ouest de notre zone de contrôle aux commandes de mon F-15C, le 85-0114, protégeant des "biens de grande valeur" qui menaient une mission d’attaque au sol dans ce que nous appelions dans notre jargon militaire : une mission HVACAP (NdT – HVACAP pour High-Value Asset Combat Air Patrol), une mission d’appui tactique typique. Puis moi et mon ailier, le capitaine Craig "Mole" Underhill, nous fûmes transférés aux missions combinées d’attaque et d’appui tactique. Lors de ce vol, mon ailier et moi nous étions en train de nous ravitailler en vol, notre fréquence sur celle de Rick Tollini, notre chef de combat ce jour-là ."
"Alors que nous volions en direction du territoire ennemi, toujours accrochés aux basques de notre KC-135, Tollini et son groupe de quatre F-15 engagent tout à coup plusieurs adversaires et en descendent deux. Mais pour ce combat, ils avaient dû larguer leur réservoir d’appoint et ils se sont donc retrouvés à manquer de carburant. Obligés de retourner à la base, ils ne pouvaient donc plus rejoindre la zone-cible assignée en début de mission. Rick nous a demandé, à "Mole et moi, de prendre de l’altitude et de commencer à construire une image radar devant le dispositif d'attaque en prenant le rôle de la paire d’attaquant principale, fonction qu’ils ne pouvaient plus assumer puisqu’ils rentraient à la base."
"Pendant que nous construisions l’image radar de la zone-cible, des contacts radar inconnus apparurent extrêmement loin au nord et à l'ouest : puis, un second contact au nord-est et à l'est cette fois. Ce dernier était le plus proche de nous et il venait de la région de Bagdad. Alors que nous avancions sur notre cap, nous avons envoyé les contacts "ouest" à notre AWACS pour qu'il les surveille, nous nous chargions nous-mêmes du contact "est". Alors que nous commencions à nous engager sur le groupe "est", ce groupe a changé son cap pour venir droit sur nous et a pénétré dans ce que nous appelons dans notre jargon militaire : une Res Cell (une cellule de résolution), ce qui signifie que nous ne pouvions plus les pister avec notre radar à longue portée."
"Finalement, nous avons pu voir qu'il s'agissait d'une formation de deux avions, volant en échelon, au nord-nord-ouest. À mesure que nous nous approchions, ils passaient de la formation en échelon à une formation d’attaque. Puis, à vue de nez, ils ont semblé exécuter la tactique habituelle d’attaque des irakiens, dont tous nos comptes rendus d'exercice Red Flag nous avaient parlé. Sur notre écran radar de bord, il y avait des zones aveugles à l’époque et, comme de juste, ces gars-là ont foncé vers nous dans un de ces angles aveugles si bien que nous avons perdu le verrouillage de nos systèmes d’armement sur eux pendant un moment. Quand on les a rechoppé, les contacts radar traînaient, comme si les deux avions ennemis rompaient l’engagement. C’est alors que nous les avons reverrouillés. Nous les avions maintenant à l'intérieur de la zone d'engagement de nos Sparrow, mais si nous tirions il fallait les suivre un bon moment pour soutenir le guidage du missile. Les deux MiG ont alors effectué une manœuvre de faisceau, partant dans une direction perpendiculaire à notre cap d’attaque et l'ont maintenue pendant ce qui semblait bien être une quinzaine de secondes. Puis ils ont à nouveau viré en s’éloignant de nous. Leur contact radar "traînait" à nouveau. Ils n'étaient pas en postcombustion, et nous venions à toute allure en piquant sur eux d’une plus haute altitude, donc nous devions facilement les descendre. Mais, au même moment, les attaquants au sol que nous protégions a appelé le centre "Millertime" pour lui indiquer que leur mission était terminée, du coup la nôtre aussi."
Un F-15C lors d'une patrouille aérienne de combat pendant l’opération Desert Storm.© U.S. Air Force
"Alors que j'allais appeler "Mole", mon équipier, et que j'allais abandonner, nous avons reçu un appel radio de l'AWACS qui disait "Citgo, contacts pop-up 330 pour 8." C'était le relèvement et la portée ainsi que m’indicatif de mon jet, les contacts que notre AWACS suivait depuis quelques temps, le groupe "ouest", étaient alors à mes neuf heures mais toujours hors de portée de mon radar d’attaque. Alors, "Mole" et moi avons pris le cap 330 - je ne me souviens pas d'avoir touché la commande de largage de mes réservoirs de carburant, mais je l'ai fait."
"J’ai viré si brusquement que de la condensation s’est formée autour des ailes de mon F-15, c’est "Mole" qui l’a vu ainsi que mes réservoirs de carburant largués. Comme j’avais garder le silence radio, il a tout d’abord pensé que j'avais été touché. J'ai viré au 330 avec mon système de canons enclenché et, une seconde après, j'ai obtenu un verrouillage d’une cible à seulement huit petits miles. Très vite, j'ai commencé à faire une "matrice" d'identification de la menace pour savoir ce que c'était. Mais en même temps, je me suis souvenu de notre règle impérative d’engagement qui exigeait que pour toute cible acquise à moins de 10 nautiques, il fallait avant toute attaque une identification en visuel. Ces règles avaient été ainsi rédigées parce que nos radars d’attaque pouvaient "voir" le F-117 Nighthawk dans certains cas. Cette règle a été réécrite le lendemain."
"J'ai commencé à réfléchir de manière défensive, en parlant à mon ailier "Mole" pour qu'il fasse sa propre "matrice" d’acquisition. Il était lui à plus de 10 miles de ma cible et pouvait donc donner son équipement à plein effet. De plus, il était en contact avec l’équipage d’un RC-135 Rivet Joint, un vrai bijou de guerre électronique, ce qui l'a grandement aidé. Je suis sorti des 30.000 pieds ou j’évoluais et mis mon F-15C en vol inversé puis j’ai piqué vers le sol, tout en lançant une grappe de leurres au cas où. Mon principal objectif était de passer sous le champ de vision radar de mon adversaire et de me cacher dans le fatras du sol."
"Lorsque j'ai franchi les 5 000 pieds, j'ai commencé à craindre de toucher le sol, alors je me suis mis en vol horizontal vers 1 000 pieds. Je pouvais cependant voir sur mon radar de détection RWR –NdT – RDR pour Radar Warning Receiver) que mon adversaire était toujours bien verrouillé sur moi. J’étais toujours la cible, un frisson désagréable est passé dans mon dos. J'ai découvert plus tard qu'entre l’action de guerre électronique du RC-135 et mes actions de pilotage, le radar d’acquisition de mon assaillant était correctement brouillé et, qu'en conséquence, il ne pouvait utiliser aucune de ses armes contre moi. Quand mon équipier "Mole" termina son acquisition, il tira. J’avais joué le rôle du F-15 "hot", celui qui accapare l’attention de l’adversaire. "Mole" jouait le rôle du F-15 "cold", celui qui tire."
Un MiG-29 Fulcrum des forces aériennes irakiennes. On pense que l'Irak a acheté 36 MiG-29 en deux lots en 1987/88. Ils étaient exploités par la 6ème escadrille "Al Habbaniyah" et la 39ème "Al Asad". Seuls12 MiG-29 irakiens ont survécu à Desert Storm en 1991. Ils sont restés en service actif jusqu'en 2003. © T. Laurent
"J'ai regardé par-dessus mon épaule gauche, et j'ai vu son missile Sparow se détacher de l’aile et se diriger droit sur mes six heures. Sa flamme de postcombustion s’est éteinte, et je me suis efforcé de découvrir la cible. La traînée de fumée de son missile était un peu comme l’aiguille d’un compas. J'ai suivi de l’œil l’axe de la fumée dégagée et là j'ai vu le MiG-29, à environ trois miles de mon aile droite. Le missile tiré par "Mole" l'a frappé de plein fouet et a transformé l'avion en une gigantesque boule de lumière sous le soleil de midi. J'ai décidé d’appeler "Splash One", notre AWACS, et au moment même où je m’apprêtais à le faire, Splash One nous dit : "contact avec un deuxième groupe au nord, à 10 nautiques".
"Nous avions alors plusieurs options. Les indications de l’AWACS étaient notoirement connues pour être fiables à 3 nautiques près. Cette seconde cible pouvait donc être entre 7 et 13 nautiques nous. Si nous virions cap au sud, on oubliait le contact. "Mole" et moi, nous avons choisi l’autre option. Mon équipier évoluait dans les 20 000 pieds et j'étais très bas, vers les 1 000 pieds. Cette situation compliquait sérieusement le travail de notre adversaire, il devait choisir entre une cible haute ou une cible basse. Il s'est avéré qu'il n'a verrouillé aucun d'entre nous ce qui m’a permis de passer en chandelle et postcombustion avec ce contact radar juste droit devant moi tout en haut, pour confirmer visuellement s'il était hostile."
"Pendant que je grimpais à toute allure, des fois la cible ressemblait à un F-15, des fois même à un F/A-18, et ce n'est qu'en passant à environ 15 mètres de son aile gauche que j'ai pu confirmer que c'était un MiG-29 brun et vert avec le drapeau irakien sur les ailerons. J'ai commencé à virer vers lui et un combat tournoyant a commencé. A la première passe, je l’ai eu droit devant moi un très bref instant, trop bref pour faire quoi que ce soit à une si courte distance. La fois suivante, il était sur ma gauche puis, petit à petit, j’ai gagné sur, mais je n'avais pas de fenêtre de tir dégagée."
"Notre combat avait commencé à 8 000 pieds et nous descendions rapidement en spirale. Le temps que je contrôle mon angle d’acquisition à l'extérieur du cercle, puis je revenais à l'intérieur pour avoir un bon tir. Le Mig-29 n’était plus qu’à environ 400 pieds du sol et j'étais moi-même à seulement 600-700 pieds au-dessus du désert. J'ai alors brutalement viré vers l'intérieur du cercle pour engager mon ASE ((NdT – ASE pour Aeronautic Steering Engagement). C'est l’acquisition de cible pour le missile AIM-7. Dans le HUD (Head-Up Display) sur votre visière, un point ASE est projeté et si vous mettez ce point à l'intérieur du champ ASE visible sur votre HUD, alors vous avez un tir valide. J'étais encore à environ 1 400 pieds d’altitude derrière le MiG, mais je ne pensais même pas à utiliser mes AIM-7. J’étais accaparé par ces manœuvres à très basse altitude. Il s'est soudainement mis sur le dos à seulement 300 pieds et a commencé un Split-S, je n’en croyais pas mes yeux, et bien sûr, ça s’est mal terminé pour lui. Il a touché le sol du désert et a fini dans une grosse boule de feu."
Ce MiG-29 irakien a été détruit au sol lors de l'opération Tempête du désert.© Jose Otero, U.S. Air Force
"J’ai rejoint "Mole" et nous sommes retournés vers notre avion ravitailleur. Je ne le savais pas mais quand mon corps atteint un certain niveau d'adrénaline, comme dans un tel combat à la vie à la mort, il se met après coup à trembler fortement. Voilà comment ça s’est manifesté. Nous volions tous les deux vers le KC-135 en attente, j'ai commencé à me détendre, à me sortir de l’accaparation du combat. Tout à coup, j’ai ressenti d'importantes vibrations. Au début, j'ai pensé que c'était un problème avec mon avion. J'ai lâché le manche et j'ai attrapé ce qu’on appelle dans notre jargon : les "porte-serviettes" (ce sont les poignées placées sur la verrière dans le cockpit). Mon F-15 volait tranquillement bien droit, mais mon corps faisait des convulsions pendant ce qui m’a paru être une éternité. Mais cela n’a duré que probablement une ou deux minutes seulement. J’ai gardé cet incident physiologique pour moi, je n’en ai même pas parlé avec le toubib au sol."
"En rentrant à la base, j'ai dit à "Mole" que je pensais que c'était le bon moment pour faire une approche basse, pousser la postcombustion et faire chacun un joli tonneau au-dessus de la base. Il s'est avéré à notre descente de l’avion, que notre commandant d'escadrille n’avait pas du tout apprécié ce show de voltige. Lors du débriefing, mon chef de groupe est resté assez longtemps à essayer de comprendre comment j’avais bien pu obtenir une victoire sur un MiG-29 sans tirer un seul de mes missiles."
"Nous avons fait un débriefing en binôme, "Mole" et moi, avec l'équipe du renseignement militaire et avec ceux de la cellule de planification de la mission. Notre rapport est directement parti au pour le rapport qui est allé au CENTCOM, le commandement central américain. Le lendemain, on repartait tous les deux en mission. Tous les pilotes qui avaient obtenu une victoire aérienne et les autres, repartaient le lendemain même ne mission. On avait peu voire même pas du tout de temps libre entre nous. Nous ne regagnions la base que pour dormir. Il n’y eut donc aucune fête d’organisée pour ma victoire ces jours-là . Nous communiquions entre nous par des autocollants laissés sur un panneau. C'est comme ça que les félicitations étaient communiquées : via une note collée sur notre équipement de vol dans notre armoire".
Le capitaine Rodriguez, l’auteur de ce texte, s'attache au F-15C 85-0114 à Tabuk avec sa victoire sur son premier MiG-29, celui qui s’est crashé tout seul, déjà peint sur le fuselage sous son nom. © Fernando Serna, U.S. Air Force
Ma deuxième victoire
Au cours des jours suivants, le groupe des quatre avions où évoluait "Rico" effectua un mélange de missions planifiées et de missions d'alerte. "En général, nous volions deux ou trois fois par jour. Si vous étiez en alerte, vous essayiez de dormir un peu. En général, le flux courant était de quatre à six heures de sommeil par jour de travail. Le 26 janvier, je pilotais à nouveau le "114" et ce jour-là , seuls les F-15C et les AWACS étaient en état d'alerte – la météo était terrible. Ce jour-là , c'était la première fois que je changeais d'ailier. Notre formation était dirigée par le capitaine Rhory Draeger, avec le capitaine Tony "Kimo" Schiavi, moi-même en numéro trois et mon ailier n’était plus "Mole" mais le capitaine Bruce "Roto" Till."
"Nous volions au nord de Bagdad lorsque nous avons reçu un appel radio de notre AWACS indiquant qu'il avait repéré de l'activité dans la zone de la base aérienne H2, très loin à l'ouest de notre position. Rhory nous a demandé de reprendre la formation habituelle qu’on appelait, entre nous, le "Mur des Aigles". Nous étions très haut et je pensais que nous ne verrions jamais rien sur lequel nous pourrions tirer, la météo en-dessous de nous était totalement bouchée. Mais notre radar de bord AN/APG-63 n'avait aucun problème, lui, pour "voir" à travers les nuages, et nous pouvions aussi tirer des AIM-7 à travers les nuages."
"À environ 25 miles de l'endroit où nous avions calculé que la rencontre pourrait avoir lieu avec les contacts ennemis, un énorme trou est apparu dans les nuages et nous avons pu voir le sol. Nous avons tous plongé à travers et à environ 10 000 pieds, nous avons accroché les chasseurs irakiens que l’AWACS avait repéré. Ils volaient en formation en V à très basse altitude et à environ 400 nœuds. Dès que nous sommes sortis de la couche nuageuse, un petit point est apparu sur mon HUD qui, petit à petit, a pris la silhouette d’un MiG-23 Flogger."
"Nous nous sommes répartis le groupe cible selon la procédure d’attaque standard des F-15, ce qui signifie que notre chef de groupe prend le chef ennemi, le numéro deux prend le contact nord et j'ai pris le gars du sud, tandis que notre pilote numéro quatre surveille els alentours. Nous étions en train de travailler à notre "matrice" d'identification lorsque nous avons reçu l'information de l'AWACS qu'un gars des opérations spéciales britanniques dans le désert avait confirmé visuellement que trois MiG-23 se déplaçaient sur la ligne de vol à H2. Il avait transmis l'information à l'équipage du E-3 avec l'authentification appropriée. Nous avions donc une confirmation humaine, ainsi que notre propre identification électronique, les trois gars devant étaient bien trois MiG-23 irakiens. Nous avons également découvert plus tard, par l'intermédiaire du responsable des opérations spéciales, que l'un des pilotes de ces MiG-23 était un cousin de Saddam Hussein. "
"Une fois les cibles confirmées, Rhory a tiré et j'ai vu le missile se détacher de l’aile et filer rapidement vers le sol du désert. Puis le missile a redressé vers les 50 pieds seulement, l’altitude suivie par les MiG irakiens, puis il a filé tout droit. "Kimo" a tiré son Sparrow et j'ai tiré sur le mien. Le premier missile a semblé dépasser le MiG de tête, mais il est vite devenu évident qu'il s'était suffisamment approché pour faire des dégâts, car le jet a commencé à tourner et à traîner de la fumée, avant de prendre feu. Rhory a dégagé cap au le nord tout en armant un de ses Sidewinder prêt à le frapper à nouveau, mais le MiG a soudainement explosé."
Un AIM-7 Sparrow vient d’être lancé d’un F-15. © Michael Ammons, U.S. Air Force
"Pendant ce temps, les deux ailiers irakiens ont viré plein sud et, ce faisant, ont couru droit vers les missiles qu’on venait de tirer. Presque simultanément, les deux missiles ont atteint leurs cibles respectives et les deux MiG se sont écrasés de part et d'autre de l'autoroute en deux énormes boules de feu. Je pense que ces trois MiG-23 ne savaient pas que nous étions là jusqu'à ce que leur leader soit touché. Ils se rendaient à Bagdad afin de se ravitailler en carburant avant de poursuivre leur route vers l'Iran, où de nombreux avions de chasse irakiens s'étaient enfuis."
"Cette interception continue d'être enseigné dans l’Ecole de l’Air de l’USAF comme une action d’interception "classique". Nous avons utilisé un minimum de communication, nos quatre F-15 évoluaient dans une coordination radar quasi-parfaite, que ce soit pour l’identification ou le tir. Les Mig n’ont eu que très peu de chance ce jour-là . Les gens qui ont entendu les enregistrements des enregistreurs de nos cockpits demandent toujours comment Rhory et moi sommes restés si calmes alors que nous étions prêts à tirer des missiles ? Je leur dis qu'il y a un certain calme parce que nous étions tous les deux déjà passés par là - pour Rhory et moi, c'était notre deuxième combat".
Le capitaine Rodriguez dit qu'à mesure où la guerre progressait, les prouesses du F-15C ont amené de plus en plus de pilotes à prétendre revendiquer davantage de victoires aériennes. C'est ce qu'il a appelé la "MiGite". Au total, la 58ème a remporté 16 victoires aériennes dans le cadre de l'opération Tempête du désert, plus que toutes les autres escadrilles. Avec 32 victoires au total, le F-15C a alors prouvé sa capacité à cibler chirurgicalement les avions ennemis, presqu’en toute impunité.
Le colonel Rick N. Parsons commandait la 33ème escadrille de chasse pendant l’opération Tempête du Désert. © Don S. Montgomery, U.S. Air Force
Ma troisième victoire
En 1999, l'OTAN a lancé l'opération Allied Force en réponse à la campagne de "nettoyage ethnique" des Albanais du Kosovo menée par le président serbe Slobodan Milosevic. Bien que le secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, n'ait pas autorisé de frappes aériennes contre la Serbie avant le 30 janvier, l'USAF travaillait déjà depuis quelque temps à plusieurs campagnes aériennes potentielles.
Force alliée était une opération conçue pour forcer le retrait de Milosevic du Kosovo. Avec l'utilisation de troupes au sol rejetées par l'OTAN, il ne restait plus que l’option d’une campagne aérienne pour détruire les systèmes de défense aérienne serbes et pour attaquer des cibles militaires serbes.
Les premières attaques de Allied Force ont commencé dans la nuit du 24 mars 1999, lorsque des avions de 13 pays membres de l’OTAN, dont des B-52 et des B-2 de l'USAF, ont lancé la phase initiale des attaques dans le cadre de ce que l'armée américaine a appelé l'opération Noble Anvil. Le capitaine "Rico" Rodriguez y participait.
Un F-15C de la 493ème escadrille de chasse se ravitaille de nuit pendant l'opération Allied Force. © U.S. Air Force
"En 1999, j'étais désormais lieutenant-colonel et chef de la sécurité de la 48ème escadrille de chasse, et je pilotais des F-15C avec la 493ème escadrille de chasse, les "Grim Reapers". Nous avons été les seuls F-15C à soutenir l'opération Allied Force. Nous n'avions ni les avions ni les effectifs nécessaires pour soutenir réellement tous les missions envisagés pour les forces alliées, donc il fallait littéralement faire décoller tout le monde."
"Le commandant de l'escadrille m'a déployé en tant que chef de la sécurité, commandant de mission et chef d’un groupe d’attaque de quatre F-15. Nous avons transféré nos F-15 de leur base d'origine à la RAF Lakenheath, au Royaume-Uni, à la base aérienne de Cervia, en Italie. Nous avons également alors déployé des avions en Turquie. Au total, nous disposions d’un effectif de 22 F-15C Eagle."
"Dans les dernières phases de l'opération Tempête du désert, la 58ème avait été la première unité à recevoir le nouveau missile air-air à moyenne portée AIM-120. Il était en cours d'élaboration et nous nous étions entraînés à certaines tactiques avec ce missile. Par rapport aux F-15C que nous avions pilotés en 1991 lors de l'opération Tempête du désert, le F-15C en 1999 avait pas mal évolué. Nous avions travaillé avec l'industrie et demandé quelques mises à niveau. Maintenant, nous avions tous ces superbes missiles AIM-120, plus quelques changements au niveau du cockpit parce que nous avions découvert que nous effectuions des missions de vraiment longue durée. Cela a conduit à améliorer le système HOTAS pour éviter d'avoir trop à mouvoir notre tête ou à se déplacer trop dans le cockpit, mais nous n'avions toujours pas de data-link de données ni de lunettes de vision nocturne."
"Une fois installés en Italie, nous avons effectué dans un premier temps des missions de défense aérienne, mais nous sommes assez vite passé à des opérations de combat à part entière. Nous avions généralement trois zones d'opérations principales. Une au nord, le long de la frontière hongroise. Une au centre, par le travers de la capitale Belgrade, et une au sud, où toutes les atrocités avaient lieu et où la plupart des avions d’attaque d’Allied Force se rendaient. Nous avons donc été chargés de maintenir des voies de vol ouvertes pour eux."
Un F-15C de la 493ème escadrille de chasse aux côtés d'un MiG-29 de l'armée de l'air slovaque. © Brad Fallin, U.S. Air Force
"L'activité aérienne serbe était sporadique, mais le peu effectué montrait bien que nous avions affaire à une menace bien plus dangereuse que celle que nous avions affronté en Irak, en particulier à cause des systèmes de défense aérienne intégrés que les serbes employaient. Vous pourriez voler dans une zone que le renseignement vous avait donnée comme sûre et sans IADS (NdT - IADS pour Integrated Air Defense System). Puis, tout à coup, l’écran radar de votre RWR s’illuminait littéralement comme un arbre de Noël. Votre avion venait d’être accroché par une multitude de radars au sol et chacun pointait vers vous un dangereux missile sol-air SAM !"
"Lors de la première nuit, j'étais dans le F-15C 86-0169, que nous avions appelé "The Love Machine". Alors que nous nous dirigions vers nos F-15 parqués en alerte à Cervia, notre officier de renseignement est sorti précipitamment de sa bicoque pour nous fournir un ordre de bataille électronique mis à jour à l’instant. Il comprenait des détails sur deux MiG-29 serbes qui avaient été vus à Belgrade, mais qui n'y étaient plus."
"D'un point de vue tactique, cela n'a pas changé le plan notre mission, nous avions appris à combattre des cibles très maniables, équipées d'un radar tous azimuts et de missiles guidés par infrarouge. Mais nous allions voler avec la plus grande prudence, car tous nos officiers du renseignement pensaient que les MiG-29 serbes les plus modernes étaient tous affectés à la défense de Belgrade".
"Nous avons décollé de Cervia, piqué vers le sud, puis viré à gauche et traversé la Mer Adriatique. Le chef de groupe et son ailier, le numéro deux, se trouvaient à l'ouest, avec moi et mon ailier à l'est. Notre plan était de nous rendre à un point près du Monténégro et de mettre en place et tenir à partir de ce point, dit de convergence, un couloir d'est en ouest pour que les attaquants puissent commencer à entrer librement dans l’espace aérien serbe. La ville de Pristina, où la base aérienne serbe de Slatina disposait d'un entrepôt souterrain pour les avions, se trouvait en ligne droite par rapport à notre couloir."
"Je faisais des allers-et-retours du sud au nord et je pouvais voir entre les sommets des montagnes un bip radar occasionnel pour un contact qui se déplaçait vers le nord, mais je ne pouvais jamais le verrouiller. L'avion semblait se cacher dans les montagnes tout en essayant d'acquérir une certaine connaissance de la situation en échangeant par radio avec son opérateur d'interception resté au sol. L’adversaire se dirigeait vers le flanc du dispositif d'attaque que nous protégions. Puis, une fois qu'il a monté au-dessus de la ligne de crête à environ 11 000 pieds, il est devenu pour nous une cible claire."
"Je l'ai verrouillé alors qu’il était encore à 80 km de ma position. J'ai essayé d'entrer en contact avec mon contrôleur AWACS, mais il était un peu perplexe et pas tout à fait aussi préparé qu'il aurait dû l'être. Il posait plus de questions qu'il n'apportait de réponses. Notre contact est alors arrivé à un point où il n'était plus dans notre intérêt de laisser ce type s'en sortir sans rien faire. J'avais fait tout ce qu'un F-15 pouvait faire pour identifier positivement une cible, et j'étais sûr à 99,9% que c'était un MiG-29 qui venait de Slatina. Mais les règles d'engagement actuelles spécifiaient que l'AWACS ait un hit dans sa "matrice" d'identification. Quand il est devenu évident qu'il ne pourrait pas me faire parvenir son feu vert (ou rouge) à temps, j'ai tiré."
"Mon AIM-120 devait parcourir plus de 35 miles, au moment même où je tirai, mon ailier s’est fait accroché par toutes les batteries SAM dans la zone, du coup on a dégagé vers l'ouest. Le missile que j’avais lancé semblait bien filer sur sa cible et je n'ai pas senti le besoin de tirer une deuxième fois. Alors que le compte à rebours se déroulait sur mon HUD, à cinq secondes de l'impact, j'ai porté mon regard sur les indications des verrouillages ennemis sur mon avion. Et là j’ai commencé à m'éloigner de la zone encore plus, certaines des indications que j'avais sur mon HUD et dans mon cockpit indiquaient un verrouillage total et j'étais sûr qu'ils étaient sur le point de me tirer quelques missiles."
"Le compte-à -rebours de mon HUD arrivait à zéro et, exactement au même moment, une boule de feu très brillante est apparue dans le ciel dans mes deux heures et à environ 15 miles de ma position. C'était une nuit noire et c'était comme s'ils avaient soudainement allumé toutes les lumières d'une rangée de stades à la fois, l'explosion se reflétant sur les montagnes enneigées. C’était ma troisième victoire aérienne."
"Le "plouf" du MiG-29 s'était produit environ sept minutes après que nous soyons entré dans la zone de vulnérabilité (NdT - VUL en jargon USAF) où nous sommes restés environ 50 minutes. Ensuite, au cours de la même mission, nous avons rejoint un B-2 pour l’escroter lors d’un vol d’une vingtaine de minutes dans la même zone de vulnérabilité. Une fois tous les attaquants sortis de la zone, nous avons été les derniers à la quitter."
Le lieutenant-colonel Rodriguez escorte un B-2 lors d'une attaque sur les positions serbes. © Matthew Plew, U.S. Air Force
Un héritage durable
La 493ème escadrille de chasse a enregistré quatre autres victoires au cours de l’opération Allied Force. Le capitaine Mike Shower a revendiqué un MiG-29 qu’il a abattu alors qu’il décollait de la base aérienne serbe de Batajnica le premier soir de l'opération alliée. Puis, le capitaine Jeff Hwang a revendiqué une double victoire sur deux MiG-29 le 26 mars.
Le lieutenant-colonel Rodriguez a été promu colonel titulaire et a rejoint la base aérienne de Mountain Home, dans l'Idaho, pour devenir le commandant adjoint du groupe d'opérations. Il a pris sa retraite de l'USAF en 2003 après 26 ans de service et après avoir accumulé quelque 1 700 heures de vol sur F-15. Il travaille maintenant chez Raytheon en tant que vice-président de la division des missiles.
Le F-15C 85-0114, qui est maintenant affecté à la 44ème escadrille de chasse, porte toujours aujourd’hui fièrement les deux marques des victoires aériennes de "Rico" Rodriguez remportées il y a près de trente ans. © Giovanni Sims, U.S. Air Force
Son palmarès de combat fait de lui l'un des trois seuls "tueurs de MiG" post-guerre du vietnam, et le seul d'entre eux à les avoir revendiqués dans deux campagnes distinctes. Pour lui : "Être pilote de chasse reste la profession la plus dangereuse au monde. Quand vous êtes dans cette zone dite de vulnérabilité, jeune capitaine avec seulement 300 heures de vol à votre actif, vous avez vraiment l'impression de faire partie de cet avion. En voyant le "114" toujours en opération, actuellement déployé au Moyen-Orient depuis sa base aérienne de Kadena, au Japon, il ressemble au même oiseau à l'extérieur que celui que j’ai eu la joie de piloter, mais, à l'intérieur, il est très différent. Les F-15C volent aujourd'hui avec un nouveau radar AESA (Active Electronically Scanned Array), un Data-Link, et la nouvelle nacelle SATP (Sniper Advanced Targeting Pod) pour leur permettre une identification visuelle de cibles à longue distance. À l'époque et jusqu'à aujourd'hui, le F-15C est ce que j'appelle une "machine de choc" qui peut s'approprier le ciel pourvu que le pilote ait reçu un entraînement approprié et que la maintenance soit toujours comme elle l’a été".
© USAF
FIN
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Merci pour la traduction de ce récit passionnant. Que je ' regrette ' de ne pas être né yankee et avoir eu la chance d'intégrer l'airforce ou la navy. Ca restera la petite partie de mon rêve inachevé.
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Merci pour la traduction de ce récit passionnant. Que je ' regrette ' de ne pas être né yankee et avoir eu la chance d'intégrer l'airforce ou la navy. Ca restera la petite partie de mon rêve inachevé.
Pas necessaire d'etre né Yank pour ce faire!
Jack Full 737 DSTD FDS
P3D V4 / SimAvionics I7-7700k /Win10 (sim PC) i7-4790 Quad-Core/8 Thread /Win7 (Avionics PC)
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