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ArchéoAéro - Archéologie Aéronautique ?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80-90-100 ans, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Bonjour chers amis,
Dans la discussion d’un de mes posts sur le retour du concept des hydravions à effet de sol (ceux de la startup américaine REGENT ou de la startup française Aqualines) que je vous ai présenté il y a peu, l’ami Brice avait posté une jolie photo d’un des hovercrafts qui, naguère dans ma jeunesse, reliaient notre côte à la perfide Albion.
Maintenant, je suis allé piocher et traduire pour vous dans un site américain souvent très bien documenté (The War Zone) une publication assez récente sur ce sujet ... oui, oui, le sujet des avions à coussin d’air : des hover(air)crafts en quelque sorte. Une approche qu’avait initiée dans la seconde moitié des années 1960 la société Bell Aeronautics.
C’est étonnant, mais l’USAF et la force aérienne d’autodéfense du Japon ont collaboré, au début des années 1970, à la conception d’un hydravion triréacteur de patrouille maritime qui était équipé d’une jupe gonflée ... Projet qui n’a jamais dépassé le stade des plans et des maquettes.
J’ai pensé que ce sujet pourrait vous intéresser ... et c’est une bonne info complémentaire des illustrations commentées de l’ami bricedesmaures. J’ai pensé intituler ce post : "qui l’eut cru !" Tant j’ai été surpris de lire ce texte.
Les illustrations sont celles des articles; j'en ai ajouté une ou deux. J’espère que ces textes vous intéresseront autant qu’ils m’ont intéressé !
Bonne lecture,
Philippe
Une collaboration américano-japonaise pour développer un hydravion sur coussin d'air
ParThomas Newdick, The War Zone, 17 juin 2021
Les sociétés Grumman et Shin Meiwa ont travaillé ensemble au début des années 1970 pour concevoir un appareil combinant les aspects d'un bateau volant à réaction et d'un véhicule à coussin d'air.
Maquette de l’hydravion triréacteur et sur coussin d’air Grumman & Shin Meiwa ASR-544-4. © Collection John Aldaz
Un hydravion de patrouille maritime à réaction de 70 tonnes, qui serait aussi capable d'opérer à partir de pistes parsemées de cratères de bombes, de pistes d'atterrissage non préparées, de broussailles, d’une plage de sable ou de galets, d’étendues d'eau ou même de glace ?
La proposition des sociétés Grumman et Shin Meiwa pour répondre à cet appel d’offre fut le modèle ASR-544-4 qui, s’il avait été construit, aurait pu fournir au Japon, ainsi qu'à d'autres opérateurs, un chasseur de sous-marins remarquablement polyvalent et performant. Malheureusement, ce projet de la guerre froide n'a jamais dépassé le stade de la planche à dessin, mais il s'agissait d'un concept radical qui mérite d'être examiné de plus près.
La société japonaise Shin Meiwa, fondée en 1949, était l’ex constructeur d’hydravions Kawanishi. En 1992, la société est devenue la société ShinMaywa.
Le programme conjoint américano-japonais reposait sur le potentiel d'un nouveau concept développé par Bell Aerosystems, le système d'atterrissage sur coussin d'air, ou ACLS (NdT – pour Air Cushion Landing System), qui avait été testé pour la première fois à la fin de 1969 sur le lac Erie avec un avion amphibie léger Lake LA-4 Bucanner modifié pour recevoir le coussin d’air (de type aéroglisseur).
Premier essai du coussin d’air développé par Bell Aerosystems sur le Lac Erie avec un hydravion modifié Lake LA-4 Bucaneer. © Aviation Week
À la fin des années 1960 et au début des années 1970, un certain nombre d'expériences ont été menées pour équiper des avions de coussin d’air, qui promettait de rendre possibles les opérations à partir de presque toutes les surfaces, y compris des surfaces fraîchement bombardées. De cette manière, un avion équipé de coussin d’air, un avion aéroglisseur) pouvait être véritablement amphibie sans avoir besoin d'un train d'atterrissage à roues, de skis, de flotteurs ou même d'une coque de type bateau.
Le coussin d’air destiné aux avions utilisait un sac gonflable sous l'avion qui le transformait effectivement en un véhicule à coussin d'air une fois au sol (ou sur l'eau). Ce sac était gonflé à l'aide d'air comprimé, libéré par des milliers de buses à l'intérieur de la jupe en caoutchouc, créant une couche d'air sur laquelle l'avion flottait littéralement. Des "coussins" intégrés étaient déployés pour ralentir l'avion à l'atterrissage, faisant office de freins. Lorsque l'avion était stationné ou flottait sur l'eau, les buses d’air comprimé étaient fermées.
Maquette de bureau du Grumman - Shin Meiwa ASR-544-4 aux couleurs de la marine américaine. © Collection John Aldaz
Pour tester la possibilité d'applications militaires, l'armée de l'air américaine et le ministère canadien de l'Industrie et du Commerce ont fait équipe avec Bell Aerosystems, qui avait conçu le système, pour adapter avec un coussin d’air un biturbopropulseur de transport à décollage et atterrissage courts de Havilland Canada DHC-5. Deux turbopropulseurs supplémentaires ont été installés pour fournir l'air comprimé nécessaire au gonflage de l'ACLS.
Connu sous le nom de XC-8A et surnommé le "Puffalo", le DHC-5 Buffalo à coussin d'air modifié a décollé pour la première fois en utilisant le système ACLS en mars 1975. Il n'est pas certain, cependant, qu’il n’ait jamais atterri avec un système entièrement gonflé. Dans l'ensemble, il semble que la principale préoccupation du projet ait été la durée de vie de l'airbag en caoutchouc de l'avion, qui s'est avéré sujet à une usure aggravée lors des atterrissages sur des surfaces plus dures.
Le DHC-5 modifié XC-8A “Puffalo” en train de se déplacer sur terre sur son cousin d’air. (B) Bell Aerospace
Pendant ce temps, les sociétés Grumman et Shin Meiwa considéraient le coussin d’air comme un moyen d'améliorer considérablement la polyvalence de leur projet d'avion de patrouille maritime. Dans la proposition ASR-544-4 de 1973, l'avion projeté aurait probablement été utilisé principalement depuis la mer, mais il était censé être capable de s'attaquer à d'autres surfaces également, y compris des pistes améliorées et non améliorées.
Avec son élégante aile haute en flèche de près de 32 mètres d’envergure et son empennage en T, l'ASR-544-4 rappelait pas mal le prototype d’hydravion quadriréacteur développé par le constructeur Martin, le P6M Seamaster des années 1950.
Amerrissage d’un prototype du P6M Seamaster dont le premier vol a eu lieu le 14 juillet 1955. © Glenn Martin
L'installation des réacteurs sur l’hydravion ASR-544-4 était tout à fait inhabituelle, avec une paire de turboréacteurs montées au-dessus et à l’arrière des ailes, un peu comme sur le biréacteur allemand VFW Fokker 614, et un troisième réacteur enfoui dans la queue, un peu à mi-chemin entre le Lockheed Tristar et le Douglas DC-10. Les échappements des deux réacteurs au-dessus des ailes pouvaient être déviés de 15 degrés vers le bas pour améliorer les performances de décollage.
Le fuselage de 30 mètres de l’ASR-544-4 pouvait accueillir un équipage de 10 personnes, ainsi qu’une aire de repos, des couchettes, une cuisine et des toilettes. L'équipement devait comprendre un radar spécialisé dans le nez du fuselage, un détecteur d'anomalies magnétiques dans les flotteurs de bout d'aile pour repérer les sous-marins immergés, ainsi que tout un lot de bouées sonar. Deux baies d'armement séparées dans la partie inférieure du fuselage auraient pu accueillir jusqu'à huit torpilles, tandis que quatre nacelles sous les ailes étaient également prévues pour recevoir des missiles antinavires.
Enfin, le coussin gonflable sous le fuselage aurait eu une longueur de 13 ½ mètres et une largeur de 7 ½ mètres, avec une épaisseur, une fois gonflé, de près de 2 mètres. Lorsqu’il n’était pas utilisé, cette robe gonflable aurait été rétractée dans le fuselage. L'air comprimé nécessaire pour gonfler le coussin provenait de deux compresseurs situés à l'arrière du fuselage, ces mêmes compresseurs fournissant également de l'air de prélèvement pour le système de contrôle de la couche limite, qui envoyait des gaz sur les surfaces supérieures de l'aile pour améliorer les performances de décollage et d'atterrissage. Le décollage en eau calme avec un vent de face devait être réalisé en 21 secondes, l'avion s'élevant dans les airs après une distance parcourue d’environ 500 mètres.
Une vue de dessous de l'ASR-544-4 montre l’aspect du coussin d’air gonflé ainsi que les deux baies d'armement du fuselage, l’une à l'avant et la seconde à l'arrière. © John Aldaz Collection
En termes de performances, l'ASR-544-4 aurait eu un rayon d'action de 2600 km et une charge maximale de plus de 5 ½ tonnes. La vitesse de pointe prévue était un impressionnant Mach 0,9, ce qui lui aurait permis d’atteindre sa position de combat bien plus rapidement que ses homologues à hélice.
Plan 3-vues du modèle ASR-544-4. © Grumman
Plan en coupe et vue détaillée de la motorisation. © Grumman
Il n'est pas clair si l'ASR-544-4 répondait à un besoin spécifique, mais il était prévu que la conception soit prête à entrer en service en 1980, ce qui aurait fourni à la Force maritime d'autodéfense japonaise (JMSDF) un successeur plus performant que les quadripropulseurs Shin Meiwa PS-1 et US-1, des amphibies anti-sous-marins et de recherche et de sauvetage, respectivement, qui étaient entrés en service au début des années 1970. Il est intéressant de noter que si l'US-1 était un véritable amphibie, avec une coque de bateau, des flotteurs et un train d'atterrissage à roues, le PS-1 était un bateau volant qui ne pouvait qu’amerrir. Ces appareils étaient également dotés d'un moteur distinct pour alimenter le système de contrôle de la couche limite des ailes et, ainsi, améliorer les performances, à l'instar de ce qui était prévu pour l'ASR-544-4.
Video YouTube sur l’hydravion ShinMaiwa US-1A - Durée 8 min
Avec une longue histoire de fabrication et de service d'amphibies et d'hydravions, il est probable que le Japon s'intéressait de près à des appareils plus avancés de cette classe dans les années 1970. Si l'ASR-544-4 avait été choisi pour la production, il aurait peut-être pu remplacer les Neptune basés à terre, ainsi que les anciens hydravions. Au lieu de cela, les Neptune ont finalement été remplacés à partir du début des années 1980 par des P-3C Orion, un patrouilleur à quatre turbopropulseurs plus conventionnel.
Entre-temps, l’aéronavale d’auto-défense japonaise a continué à exploiter des avions de patrouille terrestres à voilure fixe et des amphibies, le plus récent de cette dernière catégorie étant l'impressionnant ShinMaywa US-2 à quatre turbopropulseurs, dont une poignée est en service. Quant au P-3 Orion, après avoir été modernisée, la flotte survivante est maintenant lentement remplacée par des patrouilleurs maritimes Kawasaki P-1 quadriréacteurs.
Le quadriréacteur de patrouille maritime de l’aéronavale japonaise Kawasaki P-1. © Japanese Ministry of Defense
Cependant, il est difficile d'imaginer que la marine américaine, qui avait déjà tourné le dos aux amphibies de patrouille à la fin des années 1960, aurait trouvé un rôle pour l'ASR-544-4, même s'il aurait offert un avantage de performance convaincant, au moins en termes de vitesse et d'indépendance par rapport à l’état de la piste, contrairement au P-3 Orion.
Si les performances promises et les attributs opérationnels uniques de l'ASR-544-4 sont indéniables, son acquisition et son exploitation auraient probablement été coûteuses. De plus, avec cinq moteurs à turbine de deux types différents, la maintenance aurait pu être un défi.
Aujourd'hui, la Russie est le seul opérateur militaire d'un amphibie à réaction de quelque type que ce soit, le Beriev Be-200 Altaïr, dont le premier exemplaire a été livré à la marine russe l'année dernière. Destiné principalement à la recherche et au sauvetage, cet appareil est largement similaire en taille et en configuration à l'ASR-544-4, mais utilise bien sûr une coque plus conventionnelle en forme de bateau et un train d'atterrissage à roues, plutôt qu'un train d'atterrissage à coussin d'air.
Le premier amphibie Be-200ES livre à l’aéronavale russe. © Beriev Aircraft Company
Un prototype soviétique des années 1980, basé sur le bimoteur Antonov An-14, pour tester l’utilisation d’un coussin d’air. © Agence Tass
Maintenir l'ASR-544-4 en état de marche aurait été encore plus compliqué en raison de son absence de train d'atterrissage, ce qui aurait probablement rendu indispensable l'utilisation d'une sorte de quai d'échouage chaque fois que l'appareil se trouvait sur la terre ferme pendant des périodes prolongées, avec son coussin non gonflé. Même le processus d'entrée et de sortie de l'équipage aurait été quelque peu délicat, sans parler du ravitaillement et du réarmement de l'appareil.
En fin de compte, l'utilisation du coussin d’air n'a pas trouvé d'applications suffisamment attrayantes pour être testé et produit, bien qu'il ait continué à être revisité aux États-Unis et ailleurs dans les années 1990. Aujourd'hui, le concept est réapparu dans le monde des futurs dirigeables pour leur permettre d’évoluer à partir de différentes surfaces.
Il est intéressant de noter que le système d'atterrissage sur coussin d'air pourrait également apporter une solution au défi permanent que représente la création d'une version amphibie de l’avion de combat multi-mission Lockheed MC-130J Commando II, une idée que l'armée américaine étudie à nouveau de très près depuis peu.
Un Lockheed C-130 Hercules de type aéroglisseur. © Lockheed
Dans le passé, l’armée américaine avait mené des études sur des C-130 dotés d’un train d'atterrissage sur coussin d'air et il est tout à fait possible que le même concept puisse à nouveau trouver sa place. En attendant, la conception de l'ASR-544-4 témoigne d'une approche audacieuse pour repenser le problème de la création d'un avion véritablement amphibie.
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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