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GéopAéro (et pas GéopApéro) … Qu’est-ce donc ? Dénicher (et traduire pour vous) dans les revues internationales, surtout américaines, des articles qui montrent bien l’importance de l’élément aéronautique dans les grands problèmes de géopolitique actuels, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Bonjour chers amis,
La toute récente visite de Nancy Pelosi à Taiwan, événement qui met les décideurs de la Chine Populaire en ébullition, montre très nettement qu’outre l’Ukraine, d’autres régions du monde font se faire face les régimes autocrates aux démocraties. Qui en doutait ?
J’ai pensé que vous aimeriez peut-être lire la traduction de deux articles parus quasi-simultanément et récemment dans la presse spécialisée américaine sur la manière dont les deux Chines se préparent de part et d’autre du détroit de Formose. Voyons cela...
Cette nouvelle rubrique de GéopAéro fait le pendant en quelque sorte de l’autre rubrique : ArchéoAéro. J’ai bien vu ces dernières années que la matière pour alimenter cette rubrique ne manquait hélas pas. J’avais d’ailleurs posté sur ce site un texte il y a quelque temps sur l’utilisation par les armées de l’air des deux Corées du vénérable et antique quoiqu’infatigable Antonov An-2 : ici.
Bonne lecture !
Philippe
PREMIER ARTICLE
La base aérienne chinoise située juste en face de Taïwan a subi récemment d'importantes améliorations
Les Su-27 Flankers chinois ont désormais rejoint les chasseurs Shenyang J-6 vieillissants, qui ont probablement été convertis en drones, sur la base continentale considérablement améliorée située juste en face de Taïwan.
Par Joseh Trevithick & Tyler Rogoway, 26 juillet 2022
Source : Article original en Anglais
Une image satellite montre que les efforts d'expansion déployés depuis des années sur une base aérienne chinoise située tout près du détroit de Formose, la base de Longtian à un peu moins de 170 km de Taïwan proprement dit, semblent être pratiquement achevés. Un contingent d'avions de chasse Flanker apparaît également sur l'image de la base de Longtian, qui a été considérablement améliorée et qui est également l'aérodrome chinois le plus proche de la capitale taïwanaise, Taipei. Ces avions ont rejoint une flotte existante de chasseurs J-6 complètement dépassés sur la base, qui ont très probablement été convertis en drones que l'Armée populaire de libération pourrait utiliser pour submerger les défenses aériennes taïwanaises lors des premières étapes d'une future invasion.
Un analyste indépendant du renseignement nous a alertés sur les nouveaux développements à Longtian. Sur l'image de la base, que nous avons obtenue de Planet Labs et qui a été prise le 8 juillet dernier, on peut voir un chasseur de type Flanker sur une aire de trafic juste à côté de l'extrémité sud de la piste principale, à côté d'une rangée de quatre abris d'avions. Une autre paire de ces jets est visible sur l'aire de trafic principale, stationnée entre deux rangées de J-6.
Photo Satellite de la base chonoise de Longtian le 8 juillet dernier. © Planet Labs Inc./ Detresfa
Par ailleurs, un certain nombre d'abris d’avion situés dans une zone clôturée ou fortifiée semblent avoir été recouverts de terre. On pense que ces abris pourraient servir à stocker des munitions. Cependant, les installations de stockage de munitions sont plus souvent espacées les unes des autres afin de s'assurer que les attaques ou les accidents dans un abri ne provoquent pas une réaction en chaîne qui pourrait détruire plusieurs structures voisines. En outre, les abris de Longtian semblent être accessibles par la route, ce qui laisse penser qu'ils pourraient être destinés à fournir des emplacements protégés pour préparer avant les missions les drones au déploiement, ou les munitions et autres stocks à charger.
Les abris en dur pour avions, dont on nous a dit qu'ils ne semblaient pas être encore prêts à être utilisés d'après les signes de travaux en cours et les nouveaux revêtements appliqués sur leurs toits, et les abris de stockage font partie des nombreux nouveaux ajouts importants à Longtian qui ont été construits au cours des deux dernières années environ. Vous pouvez voir toute l'étendue de ces travaux dans l'image annotée ci-dessous.
Photo Satellite de la base chinoise de Longtian le 2 octobre dernier. Traduction des encarts. Encart de gauche : 5 abris bétonnés de stockage en cours de construction, trois d’entre eux semblent être très probablement des soutes à munition. Encart de droite : 4 abris bétonnés pour avion en cours de construction avec des voies d’accès rapides à la piste adaptés aux décollages d’alerte. © Planet Labs Inc./ Detresfa
Une vue générale de Longtian en 2019, quand on la compare aux photos précédentes on constate à quel point l'effort d'expansion a été important. © Google Earth
La présence des chasseurs de type Flanker et des J-6 stationnés à divers endroits indique que les opérations normales ou quasi normales ont repris à Longtian. On ne sait pas si les Flanker sont désormais basés en permanence sur la base, mais les J-6 y sont présents depuis plus de vingt ans, du moins si l'on en croit les autres images satellite disponibles.
Des Shenyang J-6 alignés sur le tarmac de Longtian en 2018. © Google Earth
Une autre image satellite plus ancienne du même endroit de Longtian prise en 2009 avec une belle ligne de J-6. © Google Earth
Le Shenyang J-6, dérivé du MiG-19 soviétique, a été mis en service pour la première fois par l’armée de l’air chinoise (la PLAAF pour People’s Liberation Army Air Force) dans les années 1960 et a été pratiquement retiré du service de première ligne dans les années 1990. L'armée chinoise a ensuite converti un nombre important de ces jets en drones, parfois appelés J-6W.
Un chasseur Shenyang J-6 au salon aéronautique chinois de Zhuhai en 2010. © Alert5
Bien que ces J-6 convertis puissent certainement servir de cibles aériennes et être utilisés à des fins d'entraînement, il est largement admis que l’armée de l’air chinoise maintient des flottes de ces appareils, avec la capacité d'en convertir rapidement d'autres, dans un certain nombre de bases afin de pouvoir les utiliser comme leurres pour confondre et submerger les défenses aériennes ennemies, en particulier celles de l'île de Taïwan. Ce faisant, ils épuiseraient également les précieux stocks de missiles et laisseraient les chasseurs ennemis distraits par ces leurres plusvulnérables aux attaques. Les J-6W pourraient également être chargés d'explosifs et utilisés comme missiles de croisière rudimentaires dans le cadre d'un barrage plus important. Des charges utiles de guerre électronique jetables pourraient compliquer davantage les images radar des défenseurs aériens taïwanais. Bien que réutilisables dans le même sens que les cibles aériennes à grande échelle de la série QF des États-Unis, de tels drones pourraient être lancées dans des missions à sens unique au début d'un conflit. Cette stratégie est particulièrement pertinente pour la guerre entre les deux rives du détroit, qui se caractérise par des distances courtes et un espace de combat très complexe et dense en cibles.
En gardant tout cela à l'esprit, il est intéressant de noter que le commandement du théâtre oriental de l'Armée Populaire de Libération, qui a compétence sur l'essentiel des activités militaires dans les zones du continent immédiatement opposées à Taïwan, a publié en octobre 2021 des photos de l'un de ses J-6W dans une base non spécifiée. Certains efforts déployés par des amateurs bien informés pour géolocaliser l'endroit où les photos ont été prises avaient pointé la base de Longtian, mais cette analyse reste peu concluante.
Il convient également de souligner que les abris d'avions en dur et l'aire de trafic associée, désormais adjacents à l'extrémité sud de la piste principale, semblent avoir remplacé une aire d'alerte en plein air, qui s'est transformée en simple voie de circulation. Les avions de chasse J-7, dérivés du modèle soviétique MiG-21, étaient parfois visibles stationnés sur l'ancienne aire de stationnement, ainsi qu'ailleurs à Longtian. Néanmoins, l’armée de l’air chinoise a retiré ses chasseurs J-7 du service de première ligne et il n'est pas certain qu'il en reste à Longtian. Certains de ces appareils auraient également pu être transformés en drones.
Des avions de chasse J-7 stationnés juste à côté de l'extrémité sud de la piste principale de Longtian en 2018. © Google Earth
Curieusement, le 17 juin 2021, le ministère taïwanais de la Défense nationale a annoncé qu'il avait repéré quatre J-7, ainsi que deux J-16, un dérivé de Flanker chinois et un avion de guerre électronique Y-8 volant dans la partie sud-ouest de la zone d'identification de défense aérienne (ZIDA) de l'île. Les autorités taïwanaises ont publié une photo d'archive d'un J-7 dans le cadre de cette annonce et n'ont pas précisé s'il s'agissait de jets pilotés ou non. Rien n'indique, d'une manière ou d'une autre, d'où ces avions opéraient sur le continent. Les trajectoires de vol enregistrées semblent indiquer une base située plus au sud de Longtian, mais nous ne pouvons pas l'affirmer avec certitude.
Depuis septembre 2020, l'armée taïwanaise fait des annonces publiques régulières sur l'activité de l'aviation militaire de l'Armée Populaire de Libération à l'intérieur de la ZIDA, qui est maintenant une affaire presque quotidienne et qui a inclus des démonstrations de force majeures clairement destinées à intimider les autorités de Taipei et leurs partenaires internationaux, comme les États-Unis. À ce jour, les sorties de juin dernier sont les seuls cas signalés de J-7 de quelque type que ce soit prenant part à de tels vols et aucun rapport n'a impliqué des J-6 jusqu’à présent. Des hélicoptères de type Mi-8/Mi-17 de fabrication russe avaient également été observés en 2019 à Longtian avant que ne débute en 2020 les travaux d'agrandissement des installations.
Des hélicoptères de type Mi-8/Mi-17, ainsi que des avions de chasse J-7, à Longtian en 2019. © Google Earth
Au total, il est fort possible que la base aérienne de Longtian, récemment agrandie, soit désormais capable d'accueillir une variété de types d'avions différents, et un plus grand nombre d'entre eux. Ses installations agrandies, qui comprennent une nouvelle aire de trafic ouverte de part et d'autre de la piste principale, pourraient bien accueillir un grand nombre d'avions de passage en soutien à divers types d'opérations, en plus des types d'avions qui y sont basés de façon permanente.
Longtian est l'une des bases de l'Armée de l'air de l'Armée Populaire de Libération les plus proches de Taïwan, et la plus proche de la capitale de l'île, Taipei. Comme on pouvait s'y attendre, tout porte à croire que la saisie ou la destruction d'un certain nombre de cibles de premier plan à Taipei, dont le palais présidentiel, serait une priorité absolue pour les forces chinoises en cas d'invasion.
Avant même d'être achevés, les travaux à Longtian étaient un exemple clair des efforts plus vastes déployés par l'Armée chinoise pour accroître considérablement sa capacité à organiser et à mener des opérations d'aviation militaire le long du détroit de Formose. Au moins deux autres bases militaires de l’armée de l’air chinoise situées à proximité de Taïwan ont connu des réaménagements similaires ces dernières années. En mars 2021, nous avions également fait état d'un énorme héliport militaire entièrement nouveau que les images satellites ont montré être en cours de construction dans la région.
La base de Longtian est clairement très proche de Taipei. © Detresfa, Google Maps
Quoi qu'il en soit, la base de Longtian a clairement été remodelée pour accueillir des opérations de renfort majeures en cas de conflit avec Taïwan. Et cela inclut la mise à niveau de ses propres défenses anti-missiles sol-air.
Les wargames militaires américains de haut niveau, ainsi que ceux menés par des groupes de réflexion en coopération avec des responsables américains, indiquent désormais continuellement que la puissance aérienne, et l’utilisation de flottes de drones en particulier, sera absolument essentielle dans tout scénario futur d’attaque et donc de défense de Taïwan. La possibilité d'utiliser des essaims de drones, opérant en réseau et dotés d'une grande autonomie, pourrait très bien être un facteur décisif pour les forces américaines dans un tel conflit. Longtian, et sa flotte de J-6W convertis, souligne les efforts considérables déployés par l'Armée Populaire de Libération pour intégrer divers niveaux d'aéronefs sans pilote dans ses propres opérations, notamment en vue de futurs combats au-dessus et autour du détroit de Formose.
La présence de Flankers à Longtian, au-delà de leurs missions habituelles, pourrait contribuer à soutenir les futures équipes composées de drones du côté chinois, ce qui illustre également un aspect essentiel de la manière dont la Chine entend combattre à l'avenir. Si les anciens drones de combat reconvertis sont tout à fait pertinents dans le contexte d'une invasion de Taïwan, la Chine fait des progrès considérables en matière de technologie sans pilote et a développé et continue de développer une multitude d’appareils spécialement conçus pour servir de leurres, voire même capables d'interagir et de "grouper" les uns avec les autres en grands groupes contrôlés. Ces capacités nouvelles de combat aérien constitueront de plus en plus une alternative aux chasseurs excédentaires convertis. La Chine aura besoin de tous les moyens qu'elle pourra mettre dans les airs au cours des premières phases d'un conflit. Il est donc peu probable, du moins dans un avenir prévisible, que ces avions sans pilote, assez rudimentaires pour l’instant, soient remplacés par des drones leurres ou d'autres systèmes plus spécialisés.
Une base comme Longtian pourrait finir par déployer certaines de ces capacités multiples aux côtés des vieux chasseurs excédentaires convertis. Des avions de combat tactiques sans pilote beaucoup plus avancés et furtifs pourraient aussi un jour s'installer sur des bases situées à des endroits stratégiques. Indépendamment de ce qui peut arriver pour l'instant, les améliorations apportées à la base de Longtian et les appareils qu’on y voit sont suffisamment révélateurs de son objectif.
Le très médiatisé UCAV furtif "Sharp Sword" de la Chine n'est qu'un des nombreux programmes de drones tactiques furtifs développés par l’Armée Populaire de Libération. © AP
Les responsables américains, ainsi que leurs homologues taïwanais, n'ont cessé de répéter ces dernières années que l'APL s'efforce avec constance pour être, d’ci à 2027, dans une position où elle se sentira suffisamment confiante dans sa capacité à mener à bien une intervention militaire contre Taïwan. Bien sûr, il n'existe aucune preuve concrète, à l'heure actuelle, que l'armée chinoise travaille sur un calendrier ferme pour exécuter une telle opération dans les cinq prochaines années.
Quoi qu'il en soit, tout ceci intervient à un moment où les tensions entre la Chine et divers autres pays, notamment les États-Unis, s'intensifient au sujet de Taïwan et au sujet d'autres questions géopolitiques et économiques. De plus, les responsables chinois utilisent une rhétorique de plus en plus enflammée dans leurs déclarations.
"Si les États-Unis insistent pour suivre leur propre voie, la Chine prendra des mesures énergiques pour y répondre résolument et les contrer, et nous ferons ce que nous disons", a récemment déclaré le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, M. Wang Wenbin, à propos de la possibilité que la présidente de la Chambre des Représentants, Nancy Pelosi, représentante du parti démocrate en Californie, visitent Taïwan. Selon d'autres informations, la Maison Blanche et les responsables militaires américains font maintenant pression sur Mme Pelosi pour qu'elle annule ce voyage, car ils craignent que l'avion militaire américain dans lequel elle devrait voyager ne soit d'une manière ou d'une autre « embêté », voire pire, par des avions de guerre chinois.
Il a été révélé qu’au début du mois de juillet, un avion MC-130 des opérations spéciales de l'armée de l'air américaine avait eu une interaction "dangereuse" et "non professionnelle" avec un avion de chasse chinois non spécifié alors qu'il survolait la mer de Chine méridionale, un endroit du globe très contesté. Les gouvernements australien et canadien ont ensuite révélé des incidents similaires impliquant leurs avions de patrouille maritime et des avions de guerre chinois particulièrement agressifs.
En outre, la semaine dernière, le destroyer de la classe Arleigh Burke de la marine américaine, l'USS Benfold, qui traversait le détroit de Formose dans le cadre d'une patrouille de liberté de navigation (En anglais, Freedom of Navigation Patrol ou FONOP), a reçu une réprimande exceptionnellement vive des autorités chinoises. Le Benfold est le troisième navire de guerre américain à traverser le détroit en l'espace d'une semaine.
Quelle que soit l'évolution de la situation géopolitique actuelle, la base aérienne de Longtian, qui a été considérablement améliorée, semble désormais prête à soutenir toute opération future à l'intérieur et autour du détroit de Formose, tout comme d'autres bases aériennes chinoises elles aussi en plein travaux d’expansion dans la région.
FIN du PREMIER ARTICLE
SECOND ARTICLE
Des photos extrêmement rares de l'intérieur des grottes souterraines des avions de chasse de Taïwan
Le réseau élaboré de tunnels reliés à une importante base aérienne a été construit pour protéger les précieux avions de chasse de Taiwan en cas d’attaque chinoise.
Par Emma Herflisch, 26 juillet 2022
Source : Article original en Anglais
L'armée de l'air taiwanaise, également connue sous le nom d'armée de l'air de la République de Chine (ROCAF), a publié des photos inhabituelles d'opérations de chargement d'armes effectuées dans le complexe souterrain hautement fortifié de la base aérienne de Chiashan. Ces photos offrent un aperçu très rare du réseau de tunnels souterrains qui abrite certains des avions de combat les plus performants de la ROCAF, notamment le F-16V Viper récemment modernisé, que l'on peut voir sur les images ^trearmé de missiles antinavires Harpoon.*
La ROCAF a publié un ensemble de photos de l'exercice de chargement d'armes, en précisant que cette pratique est liée au deuxième jour de l'exercice militaire annuel Han Kuang. Une traduction de ce message explique que le personnel vu sur ces photos, qui font partie de la 5ème escadre tactique de la ROCAF, a démontré sa capacité à remplir les munitions d'un avion et à le préparer au décollage dans un laps de temps très bref. Bien que le post officiel de la ROCAF ne nomme pas l'avion spécifique utilisé pendant l'exercice, un F-16 Viper est clairement visible.
Photos de l'exercice de chargement d'armes de l’armée de l’air taiwanaise où l'on peut clairement voir l’installation d’un " AGM-84L ", le missile air-mer antinavire Harpoon, chargé sur un F-16 Viper. © Republic of China Air Force ROCAF
Sur ces photos, la puissance de feu embarquée à bord du chasseur est un missile antinavire AGM-84L Harpoon, ce qui correspond aux exercices de tir réel prévus le deuxième jour de l'exercice Han Kuang mené par l’Armée de la République de Chine. Taïwan est un utilisateur majeur du Harpoon. Sur les photos, on voit que des missiles AIM-120C Advanced Medium-Range Air-To-Air Missiles (AMRAAM) sont également montés sur les saumons d’aile du F-16, ainsi que des AIM-9L/M Sidewinders sous les ailes. Les bandes marron et jaunes signifient également que les munitions sont réelles, les bandes bleues indiquent des munitions inertes.
Mais ce qui est le plus remarquable dans ces photos, c'est l'endroit où elles ont été prises. Construit à flanc de montagne près de la base aérienne de Chiashan à Hualien, un réseau de tunnels mène à des hangars souterrains fortifiés qui servent de sanctuaire à une partie de la flotte d'avions de chasse de la ROCAF. En raison de la nature secrète de la structure, l'armée taïwanaise a étroitement contrôlé l'accès à l'installation ainsi que les personnes autorisées à prendre ces photos, les premières du genre.
Personnel au sol de la ROCAF chargeant un missile antinavire Harpoon sur un F-16 dans le hangar souterrain de Chiashan lors de l’exercice interarmes Han Kuang de juillet 2022. © ROCAF
La raison pour laquelle l'armée taïwanaise a décidé que ces photos pouvaient être diffusées en toute sécurité sur le Web n'est pas immédiatement claire, mais il est difficile de ne pas voir que cela constitue un message sur les mesures dont dispose la ROCAF pour résister à une première vague d'attaques chinoises en cas de conflit avec la Chine continentale. Il est également important de noter qu'il n'y a pas eu d'identification officielle par l'armée taïwanaise de l'emplacement où ces photos lont été prises. Cependant, Roy Choo, journaliste spécialisé dans la défense et auteur de Modern Taiwanese Air Power, s'est exprimé sur Twitter, affirmant que les photos ont été prises dans les hangars souterrains de Chiashan.
Dans son livre, Roy Choo écrit que Chiashan est l'un des deux "sanctuaires" de ce type construits sur la côte Est de Taiwan, l'autre étant l'installation plus petite de Shizishan à la base aérienne de Chihhang à Taitung. Conçues à l'origine au début des années 1980, les deux bases ont été développées dans le cadre du projet Jian'an III, qui se traduit par "Construire en sécurité 3", après qu'une équipe d'ingénieurs de sept personnes ait apparemment voyagé à travers l'Europe à partir de 1981 pour étudier la nouvelle méthode autrichienne de creusement de tunnels, utilisée plus tard pour commencer à creuser les installations souterraines taiwanaises.
Roy Choo a expliqué que la construction de Chiashan a officiellement commencé en 1984, qu'elle a duré huit ans et que son coût total s'est élevé à environ 1 milliard de dollars. Étant donné que Chiashan a été construit en creusant une montagne de granit à Hualien, l'entourant ainsi du reste de la chaîne de montagnes centrale de Taïwan, les responsables impliqués dans le processus de développement étaient convaincus que son emplacement permettrait au système de hangars souterrains de résister aux attaques aériennes émanant du continent chinois.
La base aérienne taiwanaise de Chiashan. © Google Earth
Les entrées Nord des installations souterraines de la base aérienne de Chiashan. © Google Earth
Les entrées Sud des installations souterraines de la base aérienne de Chiashan. © Google Earth
"Les personnes qui ont visité la base ont parlé de portes anti-explosion massives en acier aux entrées, capables de résister au choc d'un impact direct", écrit Choo. "Selon eux, la base comprend un complexe nord et un complexe sud, chacun composé de cinq tunnels horizontaux et de cinq tunnels verticaux entrelacés les uns aux autres de manière croisée. L’ensemble souterrain atteint une hauteur d'environ trois étages."
M. Choo a également expliqué que des médias ont affirmé au fil des ans que la base souterraine pouvait accueillir jusqu'à 200 chasseurs, un certain nombre de générateurs électriques, des installations médicales et de commandement, et plusieurs mois de nourriture et de carburant.
Il convient également de mentionner que la base de l'armée de l'air de Chiashan a été construite intentionnellement sur le côté de l'île faisant face au Pacifique afin de la protéger des attaques provenant du continent. Toutefois, ces dernières années, l'Armée Populaire de Libération a considérablement accru ses capacités de frappe même sur ce côté de l’île, ce qui a clairement suscité de nouvelles inquiétudes quant à la vulnérabilité des installations, même les plus solides.
La Chine possède une puissance de frappe redoutable depuis la terre, la mer et l'air, qui pourrait être mise à contribution en cas de conflit, et les efforts déployés par Taïwan pour étendre ses systèmes de défense ponctuels basés à terre ont encore renforcé les inquiétudes à ce sujet. Des armes comme le canon à tir rapide Phalanx, ainsi que d'autres, pourraient protéger la base aérienne de Chiashan, ainsi que les bases aériennes de Jiashan et de Taitung, qui font face au Pacifique, contre diverses attaques chinoises, notamment des missiles de croisière d'attaque terrestre ou des essaims de drones. En réalité, même la puissance aérienne tactique chinoise traditionnelle peut désormais frapper la côte orientale de Taiwan avec l'aide du ravitaillement en vol. Les porte-avions chinois constituent également un gros problème pour Taïwan à cet égard.
Bien que les photos récemment publiées ne donnent qu’un aperçu très restreint des tunnels souterrains de la base aérienne de Chiashan et non de sa contrepartie plus petite de Shizishan, les deux installations joueraient un rôle important dans un conflit potentiel avec la Chine. Dans son livre, Choo explique que la ROCAF a l'intention d'évacuer la majeure partie de sa flotte vers les deux bases souterraines si les tensions du détroit de Formose venaient à éclater. En fait, les exercices destinés à établir les procédures requises par une invasion hostile sont un aspect typique des wargames annuels de Han Kuang.
Le fait que les photos rendues publiques par la ROCAF montrent un missile Harpoon est particulièrement significative, car la ROCAF a déjà utilisé des F-16 armés de Harpoon dans le passé pour effectuer des missions de patrouille aérienne. Le Liberty Times de Taïwan a admis que ces missions ont été lancées en réponse à des exercices chinois visant à simuler la capture des îles Dongsha administrées par Taïwan. Lors d'un conflit avec la Chine, Taïwan ferait tout son possible pour résister à de tels assauts amphibies, ce qui pourrait inclure le déploiement de F-16 armés de Harpoon depuis leurs hangars souterrains situés sur la côte. Selon Choo, des sanctuaires d'avions militaires encore plus fortifiés seraient en cours de construction. C'est logique, car les installations actuelles sont désormais plus vulnérables qu'auparavant en raison de l'évolution rapide de l'arsenal de l’Armée Populaire de Libération, avec des missiles de croisière et surtout des missiles balistiques avancés dotés d'importantes capacités de pénétration des structures bétonnées.
"Trente-six abris de protection conçus pour supporter l'impact direct d'une bombe d’une tonne, sont en cours de construction sur la base aérienne depuis 2020 et jusqu’en 2027, pour un coût de 157 millions de dollars US", écrit Choo. "Il est prévu que de nouveaux abris d'avions béttonnés soient également construits sur la base aérienne de Chihhang, qui a été identifiée pour recevoir les nouveaux F-16C/D de la ROCAF à partir de 2023."
Si un conflit avec la Chine devait se produire, la possibilité de loger des moyens aériens pivots dans des tunnels souterrains protecteurs pourrait certainement augmenter la capacité de survie de la ROCAF. Il va sans dire que l'armée taïwanaise dans son ensemble ne semblent pas hésiter à mettre en avant ses efforts pour se préparer au pire.
FIN du SECOND ARTICLE
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Bonjour
Très intéressant. Merci pour la recherche et la traduction Philippe.
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Merci Philou !
Super travail comme d'habitude.
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Doublon
Dernière modification par bricedesmaures (03-08-2022 17:16:33)
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
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Merci Philou, de ce travail trés intéressant, et d'actualité.
Je me demande quand même si bombarder les accès aux grottes, sans même essayer de les détruire, ne serait pas déjà un gros problème.
Nul doute que les deux cotés le savent, et que ces accès sont à la fois nombreux et larges, mais quand même...
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