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Bonjour chers amis,
Vendredi dernier, le nouveau bombardier stratégique américain de poche, le Northrop Grumann B-21 Raider, a effectué son premier vol à l’aéroport de Palmdale en Californie.
Je vous ai traduit le compte-rendu de cet évènement. J’ai pensé que cela pourrait vous intéresser. La majorité des illustrations sont les originales.
Bonne lecture !
Philippe
COMPTE-RENDU DU PREMIER VOL DU NOUVEAU BOMBARDIER DE L’USAF, LE B-21 RAIDER
Le premier B-21 Raider,baptisé "Cerberus", a évolué dans le ciel et a été observé sous de nombreux angles pour la toute première fois, notre analyse.
Par Tyler Rogoway, The War Zone, 10 novembre 2023
Premier vol du bombardier B-21 de Northrop Grumman à Palmdale, Californie, le 10 novembre dernier. © The War Zone
Le premier vol du nouveau bombardier B-21 - une étape importante pour Northrop Grumman et l'USAF - nous donne une perspective totalement nouvelle sur la machine volante la plus avancée au monde. Voici quelques éléments clés de ce qui est en fait la première présentation complète en publique du Raider.
Vidéo X(exTwitter) – Premier vol du B-21 – Durée 17 sec
Tout d'abord, le nom. Oui, il s'agit bien du B-21 Raider, mais le premier exemplaire de ce type d'appareil porte un nom de baptême bien spécial qui est inscrit sur la porte de son train d'atterrissage : "Cerberus", Cerbère le chien polycéphale des enfers.
Cerbère est le chien d'Hadès qui garde les portes du monde souterrain pour empêcher les morts de s'en échapper. Le premier B-21 porte donc un nom très sombre et inquiétant, si l’on s’en tient à l mythologie. Il convient cependant très bien à ce qui est sans doute l'une des machines volantes les plus destructrices jamais créées.
Beaucoup s'interrogent sur le long câble et l'antenne que le prototype du B-21 traînait derrière lui au moment du décollage. Sa présence n'est pas surprenante, car il s'agit d'un dispositif normal pour les premiers essais en vol. Il s'agit d'un "cône de traînée" de données aériennes utilisé pour prendre des mesures statiques "propres" qui ne sont pas perturbées par l'avion. Ce capteur vient s'ajouter à la sonde de mesure de l'air pour les essais en vol de longue durée, installée sur le côté inférieur avant gauche de l'avion. Ces instruments sont essentiels pour recueillir des données précises lors des premiers essais en vol du B-21, en plus de la myriade de capteurs standard installés autour de l'avion et des équipements d'essai spécialisés situés à l'intérieur de l’avion.
Le cône de trainée et ses instruments pend derrière le prototype du B-21 pour ses premiers essais en vol. © Andrew Kanei
Passons maintenant aux grandes conclusions concernant la structure et les caractéristiques de l'avion telles qu’on a pu pour la première fois es observer sur l’avion en vol. La principale d'entre elles est la forme très plane du B-21. Elle correspond exactement à ce que nous pensions qu'elle serait et à ce qu'une première version du B-2, qui volait plus haut, était censée être. Le programme Northrop Grumman du B-21 Raider est directement issu en ligne droite du programme Advanced Technology Bomber de Northrop pour l’avion "Senior Ice" qui est devenu plus tard le bombardier B-2 Spirit actuel.
Alors que des photos du B-21 au sol, statique ou en train de rouler, circulent depuis des semaines, nous pouvons maintenant affirmer avec certitude que les étranges "cornes" du B-21 de part et d'autre du fût central de l’aile volante sont bien des portes d'entrée d'air auxiliaires pour les réacteurs. On a pu penser qu'il s'agissait de supports pour des capteurs de données aériennes supplémentaires, ou même de réflecteurs radar, mais ce n'est pas le cas.
Silhouette du B-21, le nouveau bombardier américain. Les entrées d’air des réacteurs son situées sur le dessus de l’aile volante. © Andrew Kanei
Le prototype du Northrop Grumann B-21 roule pour son premier vol vers la piste à l’aéroport régional de Palmdale (KPMD) en Californie, où se situe l’unité militaire aérospatiale US des essais en vol, l’Air Force Plant 42. © Mike Henry
Les entrées d'air du B-21 font partie des caractéristiques les plus exotiques (du moins pour celles qui sont connues) du programme, dont on sait qu'elles ont constitué un défi majeur à relever au cours du développement. Les entrées d'air peu visibles font partie des attributs les plus critiques d'un avion furtif. La réalisation de la séparation de l'air de la couche limite turbulente et l'acheminement d'une quantité suffisante d'air dans les conduits dans la forme en serpentins cache les faces hautement réfléchissantes des aubes des réacteurs ont constitué des obstacles majeurs. En outre, ce qui n'est peut-être pas un problème en croisière peut devenir un énorme problème à des puissance élevés et à des angles d'attaque accrus, comme c'est le cas lors des opérations de bombardement sur la cible.
Eléments de furtivité du B-21. En rouge, la soute à armements. En jaune, les différents volets. En aspect métallique, les réacteurs. Et en marron, le serpentin des entrées et des sorties d’air des réacteurs. © Northrop Grumann
Les prises d'air dentelées du B-2 sont bien plus visibles que celles du B-21, notamment la plaque de séparation entre le fuselage et l'ouverture de la prise d'air, qui sépare l'air turbulent de la couche limite de l'air stable entrant dans la prise d'air. © Christopher Bush, USAF
Par rapport au B-21, les prises d'air du B-2 sont beaucoup plus apparentes que celles du B-21, avec des séparateurs dentelés le long de leurs bords inférieurs. Elles alimentent néanmoins des conduits également en forme de serpentin, les réacteurs étant profondément enfouis dans la partie inférieure des ailes du B-2. Pour obtenir suffisamment d'air au décollage et à l'atterrissage, des portes d'entrée auxiliaires en forme de papillon (ou d'écope) s'ouvrent sur la partie médiane des prises d'air supérieures.
Un B-2 en train de rouler avec ses entrées d'air auxiliaires ouvertes. © Sgt Kenny Holston, USAF
Une autre photo montrant les entrées d'air auxiliaires du B-2 en cours d'utilisation lors de l’atterrissage. © Josshua Strang, USAF
Le B-21 réalise la même chose grâce à des portes auxiliaires de forme triangulaire et relativement grandes, semblables à des planches à ce qu’il semble, qui s'ouvrent verticalement vers l'arrière à partir des ouvertures d'admission, comme le font les entrées d’air auxiliaires du B-2. Les moteurs du Raider, dont la quantité (2 ou 4 ?) et le modèle (Pratt et Whitney ?) sont encore inconnus, peuvent être ainsi directement alimentés en air supplémentaire. Cela donne à l'avion une allure unique , lorsqu'il roule au sol ou qu’il décolle ou atterrit, il porte alors des sortes de cornes, un air de petit diable.
Le profil du B-21 est également plus frappant que ce que nous avions imaginé, avec ses hublots inclinés qui lui donnent un air déterminé et "en colère". Sa taille plus petite que celle de son prédécesseur, le B-2, est également apparente sous cet angle. Son bord d'attaque, massif au niveau du poste de pilotage, en forme de bec de canard est très visible, un attribut important qui limite la visibilité de la partie supérieure du fuselage à partir d'angles de vue plus bas, entre autres avantages. Étant donné que le B-21 volera probablement plus haut que la plupart des autres aéronefs et que les défenses terrestres constituent peut-être la menace la plus importante à laquelle il doit se soustraire, il s'agit d'une caractéristique essentielle. Il s'agit également d'un attribut qui a une longue histoire avec la conception d'aéronefs à faible visibilité, puisqu'il était particulièrement important sur le démonstrateur "Tacit Blue" de Northrop, l’appareil de mise au point de la technologie furtive au début des années 1980, en quelque sorte le grand-père du B-21 Raider.
L’avion expérimental Northrop "Tacit Blue" en essais de vol au-dessus de la Zone 51 au début des années 1980. © USAF
Nous voyons également les zones noires entre les nacelles des moteurs du B-21 et la partie centrale du fuselage, vers l'arrière de l'avion. On ne sait pas exactement pourquoi cette zone du dessus des ailes est de cette couleur, mais cela pourrait être dû au fait que les moteurs sont montés à proximité.
Dans l'ensemble, le profil du B-21 est remarquablement élancé et les bosses de l'entrée d'air et des moteurs sont beaucoup moins proéminentes que celles du B-2 lorsqu'on les regarde de côté.
Le ventre du B-21 est peut-être la partie la plus intrigante de l'avion que nous avons vue lors du premier vol d'aujourd'hui. Nous voyons maintenant clairement sa baie d'armement primaire (nous reviendrons sur la partie primaire dans un instant). Elle est beaucoup plus petite que celle du B-2, mais nous savions que ce serait le cas, l'avion ayant probablement moins de la moitié de la capacité d'emport d'armes du B-2 (environ dix tonnes contre environ 20 pour le B-2). Au lieu de pouvoir transporter deux bombes GBU-57A/B Massive Ordnance Penetrators (MOP), un seul sera probablement contenu dans un B-21 (NdT – la bombe GBU-57A/B est issu du projet Massive Ordnance Penetrator de l’USAF qui visait à développer une bombe massive anti-bunker guidée avec précision. Livrée à partir de 2011, elle est presque six fois plus lourde que les munitions anti-bunker de la génération précédente. Cette bombe mesure 6 m de long sur un diamètre de près de 1 m et pèse 12 tonnes). Il est possible que la soute soit même trop petite pour un seul GBU-57 et qu'une nouvelle arme à pénétration profonde plus petite prenne sa place, mais cela semble peu probable à l'heure actuelle.
Vue du dessous du B-21 avec ses très nombreuses trappes, le train, de nombreux petits orifices à la fonction inconnue, et la flèche colorée en rouge de la sonde de mesures portée pour les essais en vol. © Andrew Kanei
Gros plan sur le système des portes de la soute d’armement du B-21. © Andrew Kanei
La baie sera probablement plus "intelligente" et plus facilement reconfigurable pour différentes dispositions d'armes que celle de son prédécesseur, en tirant parti notamment des systèmes d'architecture ouverte de l'avion pour faciliter l'intégration de nouvelles armes, de leurres et de même de drones lancés par voie aérienne.
Une question majeure reste en suspens : le B-21 dispose-t-il également de baies d'armes secondaires plus petites ? C'est une question que j'ai déjà posée et qui pourrait (ou du moins devrait) correspondre à une possibilité qui tirerait parti des rôles élargis de l'avion et des nouvelles armes dont il va disposer. Il s'agit notamment de missiles air-air avancés pour l'autodéfense et du futur missile hypersonique SiAW pour se frayer un chemin dans des espaces aériens hautement protégés (NdT – SiAW est l’abréviation de Stand-in Attack Weapon, un programme lancé par le Pentagone en janvier 2020 devant aboutir à un nouveau missile air-sol censé permettre à l’avion de combat de 5ème génération F-35A Lightning II ainsi qu’au futur bombardier B-21 Raider de contrer les capacités d’interdiction et de déni d’accès adverses lors de la pénétration de l’espace aérien ennemi. Le 25 septembre dernier, Northrop Grumann a remporté le concours et a obtenu un contrat de 705 millions de dollars du Pentagone pour le développement du missile SiAW. Le calendrier sera serré puisque Northrop Grumman n’a que trente-six mois pour continuer la mise au point du missile SiAW et mener les essais en vue d’un "prototypage rapide", l’objectif de l’USAF étant de prononcer une capacité opérationnelle initiale d’ici la fin de 2026 !).
L'utilisation d'un grand lanceur rotatif primaire pour ces armes, lanceur rotatif qui occuperait un espace particulièrement large de la soute primaire, semble quelque peu problématique sur le petit bombardier qu’est le B-21, c'est pourquoi des baies auxiliaires plus petites et moins profondes pour les accueillir seraient intéressantes. Il semble que ce soit le cas, avec des trappes définies à côté de la baie d'armement principale, mais il n'est pas clair si elles sont là pour l'accès à la maintenance, y compris l'accès aux réacteurs, ou si elles sont destinées au stockage d’armes annexes comme le missile SiAW. Le B-2 Spirit possède également des panneaux similaires, il est donc difficile de se prononcer, mais ces panneaux intérieurs situés à côté de la baie principale sont tout de même intrigants.
L'éventualité de baies d'armement supplémentaires flanquant la baie principale est renforcée par le fait que l'équipement du B-21, bien qu'utilisant un seul chariot élévateur au lieu de deux comme sur le B-2, semble se ranger de la même manière, en s'articulant vers l'avant sous une seule grande porte qui se referme vers l'intérieur.
Enfin, nous avons l'arrière du B-21. Les échappements d'un avion furtif sont essentiels à ses capacités de faible détectabilité, tant dans le spectre des radiofréquences (RF) que dans celui des infrarouges (IR). Dans le cas présent, ils ressemblent beaucoup aux échappements du B-2, bien qu'ils soient encore plus cachés, avec des réacteurs (2 ou 4 ?) très profondément enfouis, et plus petits que ceux du B-2. Les échappements du B-21 ne présentent pas non plus de chevrons sur le bord de fuite de leurs diffuseurs de chaleur. Une fois de plus, la question se pose de savoir si le B-21 est un avion bimoteur ou quadrimoteur. Nous ne le savons pas, mais s'il utilise quatre moteurs, ceux-ci devraient être relativement petits d'après ce que nous pouvons déduire de la taille des échappements. Le B-2, qui est un quadriréacteur, peut voler avec seulement deux réacteurs. Le B-21 devrait donc pouvoir voler avec un seul réacteur, s'il s'agit bien d'un avion biréacteur.
Le B-21 semble avoir une extension proéminente de la "bosse" de son fuselage au niveau du bord de fuite et n'a pas la "queue de castor" à géométrie variable de son prédécesseur. Cela est logique si l'on considère sa similitude avec la conception initiale du B-2 qui ne répondait pas aux exigences de pénétration à basse altitude qui ont donné naissance au bord de fuite dentelé de l'avion et à la queue de castor qui permet d'atténuer l’effet des rafales de vent à basse altitude.
Vue de l’arrière du prototype du B-21 s’apprêtant à décoller. © Mike Henry
Le prototype du B-21 décolle de Palmdale pour son premier vol. © Mike Henry
Quant à la couleur finale de l’avion, elle n'a pas changé. Elle reste gris clair, ce qui indique que l'avion est destiné à des opérations de jour et de nuit. Cela peut toujours changer, mais c'est logique et c'est quelque chose que nous pensions déjà depuis quelque temps.
En ce qui concerne sa taille, nous avons estimé que l’envergure du B-21 était entre 40 et 47 mètres, contre 52 ½ pour le B-2. Il sera probablement aussi moins long que le B-2, ce qui donne au B-21 une taille proche de celle de deux F-15 juxtaposés. La vidéo ci-dessous du B-21 suivi de son poursuivant, le F-16, montre à quel point il semble petit pour un bombardier stratégique :
Pour finir, nous avons pu donc enfin voir toutes les ouvertures présentes autour de la structure de l'avion. Il n'y a pas grand-chose de nouveau par rapport à notre analyse lors de la première présentation statique du B-21 le 2 décembre dernier. Ce qui manque, ce sont les grands réseaux de radars doubles que l'on trouve sur le B-2. Il est très possible que le B-21 ne s'appuie pas sur de tels réseaux, grâce aux progrès des radars à antenne active (technologie AESA) et à la possibilité éventuelle d'utiliser des systèmes plus récents comme les structures d'antennes porteuses conformes (CLAS) (NdT – La technologie de antennes CLAS offre la possibilité d'intégrer des capacités de communication et de détection dans des cellules porteuses de l’avion, le long du fuselage ou des surfaces des ailes. Ces antennes en structure de microrubans extrêmement fins peuvent donc être facilement intégrées dans les structures typiques de la cellule de l’avion). Des antennes radar AESA plus petites pourraient être aussi placées autour de l'avion pour la détection à 360 degrés, les communications et la guerre électronique sont également très probables.
Le capteur intégré reconfigurable multifonction à balayage électronique (EMRIS) vu ici au centre de la chambre d’essai des signatures radar de Northrop Grumann. Ce système d’antennes de dernière génération est un excellent exemple de réseau multimodal à large bande qui peut offrir des avantages majeurs dans de nombreux types d'installations différentes, qui représentent bien plus que la somme de ses fonctions. Placés autour du B-21, ces systèmes d’antennes pourraient fournir des capacités de détection, de communication en réseau et de guerre électronique inégalées. © Northrop Grumman
Il convient également de noter que le B-21 a été construit autour d'une communication entre une famille de systèmes et de capacités gérées par d'autres avions et transmises au B-21 via des réseaux sécurisés. Cela pourrait très bien inclure (et c'est probablement le cas) un radar furtif comme le RQ-180. Bien entendu, il s'agit ici d'un prototype, mais très représentatif de ce que seront les B-21 de série. Certains systèmes et certaines pièces d'avionique pourraient être (et seront probablement) ajoutés ultérieurement à des cellules de B-21 déjà en cours de construction.
Le B-21 a également été conçu dans l'optique d'un développement dit "en spirale", de sorte que de nouvelles capacités pourront être insérées au fur et à mesure qu'elles apparaîtront ou qu'elles seront jugées nécessaires aux missions du B-21, avec beaucoup plus de facilité que sur le B-2. Et, comme nous le soulignons toujours, l'extérieur ne raconte qu'une partie de l'histoire, c'est à l'intérieur que la vraie magie opère. Voilà donc notre première analyse de ce que nous avons vu en ce jour historique de l'aviation, ainsi que de l'énorme réussite de l'USAF et du travail opiniâtre des employés de Northrop Grumman.
FIN
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Merci pour cette traduction très intéressante sur ce nouveau modèle de bombardier.
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