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Bonjour chers amis,
Une petite info qui, je pense, pourrait vous intéresser. Des hackers ont réussi à obtenir des documents confidentiels iraniens (des Gardiens de la Révolution) qui leur ont permis de connaître (entre autres) quel est le coût d’un drone iranien Shahed-136 vendu aux Russes.
J’ai pensé que la traduction de cet article américain pourrait vous intéresser.
Bonne lecture !
Philippe
QUEL EST LE COUT REEL D'UN DRONE SHAHED-136 ?
Le prix des drones Shahed-136 indiqué dans les documents qui ont fait l'objet d'une fuite dépasse de loin les estimations précédentes, mais est-ce vraiment ce que la Russie les paie ?
Par Howard Altman, The War Zone, 8 février 2024
Drone Shahed-136 russe en vol au-dessus de l'Ukraine. © Мілітарний@mil_in_ua
Un groupe de pirates informatiques, nommé PRANA Networks, affirme avoir réussi à obtenir des fichiers d'une société écran du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Iran qui fournissent des détails précis sur les drones kamikazes Shahed-136 que la Russie utilise pour frapper l'Ukraine depuis 15 mois. La récente fuite de documents a remis en question le montant que la Russie a réellement payé à l'Iran pour les drones, et bien que nous ne puissions pas confirmer l'authenticité des documents ou l'exactitude générale des chiffres qu'ils mentionnent, ils soulèvent une question importante : quel est le coût réel d'un Shahed-136 ?
Des médias comme le New York Times et CNN ont rapporté que les drones coûtaient à la Russie environ 20 000 dollars l'unité. Cependant, les documents obtenus grâce au piratage revendiqué montrent des chiffres très différents.
PRANA Network a piraté les serveurs de Sahara Thunder, le fabricant des drones Shahed, et mis en ligne un grand nombre de documents, à la fois techniques et relatifs à leur fourniture à la Russie. À ce jour, les documents divulgués révèlent que : En 2022, un contrat de 1,75 milliard de dollars a été signé pour 6 000 Shaheds + matériel + logiciel. La Russie a payé en lingots d’or. La Russie a expédié un peu plus de 2 tonnes de lingots ! Le coût d'achat des Shahed à l'Iran est : - d'environ 193 000 dollars par unité pour une commande de 6 000 unités ; - d'environ 290 000 dollars par unité pour une commande de 2 000 unités. Si la production est localisée en Russie, son coût pour le ministère russe de la défense devrait tomber à 165 500 dollars. Le coût de production du Shahed serait de 48 800 dollars. Le prix catalogue annoncé par les dirigeants iraniens était de 375 000 dollars par unité.
(NdT – Ce que le réseau PRANA a piraté le 4 février 2024 ce ne sont pas les serveurs du constructeur iranien des drones Shahed comme indiqué dans ce message twitter, mais ils ont réussi à pirater les serveurs informatiques d’une société écran des Gardiens de la Révolution, la société Sahara Thunder, qui facilite la vente illégale d'armes de l'Iran à la Russie. Ces données, qui représentent près de 10 Gb de fichiers, comprennent des contrats de plusieurs millions de dollars, des reçus de paiements en lingots d'or, des plans pour la fabrication des drones, les coordonnées d'une société intermédiaire aux Émirats arabes unis appelé Generation Trading, d'une autre société appelée Alabuga, des détails de comptes bancaires, des plans d'usine, etc).
Les documents indiquent qu'en 2022, la Russie avait l'intention de produire 6000 drones iraniens sous licence dans ses installations dans un délai de 2 ans et demi, selon le média ukrainien Militinaryi. La publication cite un site web appelé "Iran Cyber News". Les Iraniens avaient initialement demandé à la Russie de payer 375 000 dollars par Shahed, mais ce montant a finalement été négocié à 193 000 dollars par drone pour 6000 unités ou à 290 000 dollars par drone pour 2000 unités, selon la publication. La valeur totale du contrat de production, y compris le transfert de technologies, d'équipements, de 6 000 drones et de logiciels, s'élève à 1,75 milliard de dollars, selon Militinaryi.
Pour aller sur le site de Iran Cyber News sur ce sujet c'est ici.
Toutefois, les documents indiquent qu'il existait un plan pour la localisation complète de la production en Russie avec une fourniture minimale de composants iraniens qui pourrait être exécuté en 2023, le coût prévu de chaque Shahed-136 tombant alors à environ 48 800 dollars. Le prix de "transfert" global était de 165 500 dollars par unité, selon Militinaryi. "Cet écart est probablement dû aux paiements hypothéqués pour la production, aux coûts supplémentaires et aux investissements dans l'entreprise. En d'autres termes, il s'agit du coût total du programme, y compris l'infrastructure et les licences, amorti sur l'ensemble de la production. Plus on construit, moins ce chiffre est élevé, car les coûts fixes sont davantage compensés. Le coût total du programme s'élèverait donc à un peu moins d'un milliard de dollars pour l’acquisition de 6000 drones Shahed-136.
Quoi qu'il en soit, un coût unitaire d'environ 50 000 dollars semble tout à fait réaliste, compte tenu de tout ce que nous savons sur le Shahed-136 et son mode de fabrication, ce prix étant encore réduit, et de manière substantielle, au fil du temps. La Russie a transféré plus de deux millions de grammes d'or à l'Iran dans le cadre de ces transactions, selon la publication. Une fois de plus, nous ne connaissons pas avec certitude les conditions finales de l'accord ni ce qu'il comprenait réellement.
Le PDG d'un fabricant ukrainien de drones nous a déclaré que les chiffres des coûts unitaires publiés par les pirates ne semblaient pas aberrants. "Les coûts unitaires divulgués englobent le transfert de technologie inhérent à chaque système, ce qui est raisonnable, en particulier compte tenu de la complexité de ces systèmes", a déclaré Francisco Serra-Martins, PDG de Terminal Autonomy. "Il convient toutefois de noter que la Fédération de Russie a choisi de payer ce transfert directement avec de l'or, plutôt que par d'autres moyens, tels que des échanges technologiques réciproques avec le gouvernement iranien ce qui est une pratique habituelle dans des accords de ce genre." (NdT – Terminal Autonomy est le fabricant ukrainien basé à Kiev des drones kamikazes utilisés par l’armée ukrainienne).
Francisco Serra-Martins, PDG de la société ukrainienne Terminal Autonomy.
Le prix de 20 000 dollars précédemment cité n'était pas réaliste, a-t-il ajouté. "En ce qui concerne les estimations initiales des coûts, il est évident que le chiffre précédemment avancé de 20 000 dollars par Shahed était très éloigné de la réalité", nous a-t-il dit. "Il est rare que des moteurs de 50 ch, un élément clé du système, soient achetés pour moins de 10 000 dollars, à moins qu'ils ne soient achetés par des canaux illicites. Forte de son expérience, notamment dans le cadre de notre projet analogue à Shahed chez Terminal Autonomy, le programme AQ 400 Scythe, notre équipe s'est délibérément écartée des systèmes utilisés par l’ennemi et que nous avons capturés, afin d'atténuer les coûts substantiels associés à leur conception complexe, en particulier en ce qui concerne leurs cellules composites".
L'AQ 400, avec son corps cylindrique et ses ailes en biplan, est d'une conception très différente de celle du Shahed-136 avec ses ailes en delta. Il est entièrement optimisé pour un faible coût et une production de masse, tout en conservant des capacités d'attaque à long rayon d'action. "L'avantage est que l'on obtient une portance supplémentaire avec une envergure d'aile réduite", a déclaré M. Serra-Martins à propos de la conception en biplan du dernier drone produit par sa société. Fabriqué à partir de feuilles de contreplaqué provenant de meubles détruits, son coût de base est de 15 000 dollars et il peut transporter 32 kg d'explosifs.
L’AQ-400 Scythe utilise un moteur beaucoup plus petit de 12 CV. "Nous utilisons d'autres moteurs, mais nous fabriquons aussi les nôtres", explique M. Serra-Martins. "Ils coûtent 150 dollars, contre 1 500 dollars pour un moteur DLE ou 3 000 dollars pour un moteur Skypower. Ils coûtent plus cher à produire, mais sont moins chers à l'unité, et sont intraçables, sans numéros de série". "Les Russes", a-t-il ajouté, "peuvent le faire, mais comme leur système est plus complexe, un moteur de 50 CV est absolument nécessaire et ces moteurs sont beaucoup plus cher qu'un moteur de 12 CV. L'aérodynamisme du Shahed est étonnamment mauvais. Leur autre drone, le Lancet, est tout aussi terrible. La masse du moteur est deux fois plus importante que celle de notre petit drone kamikaze AQ 100 et la charge utile est deux fois moindre".
Un drone ukrainien AQ 100 Bayonet de Terminal Autonomy et sa munition emportée. © Dylan Malyasov@MalyasovDylan
L'analyse de Serra-Martins sur le coût du drone Shahed-136 correspond à celle faite par le média ukrainien Defence Express en avril 2023. Ce média avait noté que les moteurs iraniens MD-550 utilisés pour propulser les Shahed-136 étaient en fait une contrefaçon d'un moteur d'avion Limbach Flugmotoren L-550 fabriqué en Allemagne.
Si l'on considère qu'un moteur L-550 coûte entre 12 000 et 17 000 dollars sur le marché mondial, la copie iranienne ne peut pas être beaucoup moins chère, au moins en raison du régime de sanctions qui pèse sur toutes les opérations d'achat", indique le même média. "Cela rend douteuses les suggestions antérieures selon lesquelles un Shahed-136 coûterait environ 20 000 dollars ou moins par unité, car il serait déraisonnable que le moteur représente à lui seul une part aussi importante du prix indiqué.
Une société chinoise propose actuellement des moteurs MD-550, copies low-cost du L-550 allemand, à 13 580 dollars l'unité pour des commandes en grand nombre (NdT – Aujourd’hui, sur le site AliExpress, le moteur MD-550 chinois est proposé à 21 000 $). Bien que les fuselages du Shahed-136 soient fabriqués à partir de matériaux composites accessibles, la Russie a dû recourir à des composants européens en contournant les sanctions actuelles, comme l'a rapporté The Guardian en septembre dernier. Selon un document que le quotidien britannique s'était procuré, 52 composants électriques fabriqués par des entreprises occidentales ont été trouvés dans les drones Shahed-131 et pas moins de 57 dans les Shahed-136, récupérés par les ukrainiens après avoir été abattus.
Le moteur à essence MD-550 fabriqué par la société iranienne MADO utilisé sur les anciennes versions des drones Shahed-13 russes. © Ukrainian Military Media Center
La recherche de composants étrangers pourrait faire grimper le coût des drones, selon M. Serra-Martins, "d'autant plus qu'ils doivent être achetés par l'intermédiaire de sociétés écrans, souvent à plusieurs niveaux". La Russie s'efforce toutefois de réduire le montant qu'elle consacre à chaque Shahed-136. Comme nous l'avons signalé en septembre, Moscou a commencé à utiliser une nouvelle génération de Shaheds. On a découvert qu'ils avaient de nouvelles ogives, de nouveaux moteurs, de nouvelles batteries, de nouveaux servomoteurs et de nouveaux fuselages, a déclaré à l'époque le capitaine Andriy Rudyk, représentant du Centre ukrainien de recherche sur les armes et les équipements militaires et trophées, lors d'un point de presse.
Hormis l'ajout de billes de tungstène dans l'ogive, la plupart des autres modifications n'ont pas altéré les caractéristiques générales des drones, mais semblent avoir été conçues pour réduire le coût de fabrication afin d'augmenter le volume de production, a déclaré le capitaine Rudyk.
Selon l'Ukraine, la Russie utilise des drones Shahed-136 dotés d'une nouvelle ogive, d'un nouveau moteur, d'une nouvelle antenne, de nouvelles servocommandes et d'autres composants. Ici la présentation par le capitaine Andriy Rudyk des variantes du drone Shahed-136 récupérées par l’Ukraine. © Ukrainian Military Media Center
Les fichiers récemment divulgués ont été obtenus par un groupe se faisant appeler PRANA Network, qui affirme les avoir obtenus par une intrusion hostile dans les serveurs de messagerie d'une société écran des Gardiens de al Révolution appelée Sahara Thunder. Les documents divulgués le 4 février dernier ne sont qu'une petite partie d'une tranche plus importante de 10 gigaoctets contenant des plans techniques, des contrats, des projets de création d'une usine de fabrication de drones dans la zone économique spéciale Alabuga en Russie, ainsi que d'autres données que le réseau PRANA affirme avoir dérobées. Les documents ne mentionnent pas directement le type de produit sui serait fabriqués en Russie. Au lieu de cela, les drones qui seraient fabriqués sous contrat par la Russie ne sont mentionnés dans ces documents que sous le nom de code : "Dolphin 632 engine boat" (NdT – Oui vous avez bien lu : engine boat : moteur de bateau).
Certains des documents divulgués par le réseau PRANA.
(NdT – La zone économique spéciale russe Alabuga est située près de la capitale de la république du Tatarstan, Elabouga, à 900 km à l’est de Moscou. Alabuga est également le nom d’un nouveau missile russe, l’Alabuga. Ce missile présenté en septembre dernier par Vladimir Poutine, est une arme électromagnétique qui est supposé désactiver tous les appareils électromagnétiques ennemis dans un rayon de 3,5 km. Ce missile est équipé d’un générateur haute fréquence de grande puissance, il serait prévu pour équiper les derniers drones russes. Elle pourrait aussi détruire les installations électriques à bord des ogives de missiles ennemis les rendant inopérants et les appareils de communication des avions, bloquer le chargement automatique des canons au sol et des véhicules blindés).
Outre le coût déclaré des drones, les fichiers piratés divulgués par le réseau PRANA montreraient également montrer le processus de production qui sera mis en œuvre par la Russie pour fabriquer, à Alabuga les drones iraniens. Ce sera en les assemblant à la main à partir de moules et de résine.
Documents divulgués par le réseau PRANA montrant des indications de fabrication d’un drone Shahed-136 à partir de résine et de moules. La documentation est absolument fascinante. Le processus de stratification des composites pour fabriquer la cellule semble extrêmement peu sophistiqué. L'ensemble du processus peut être exécuté manuellement, avec peu ou pas d'automatisation, réduisant considérablement les coûts de fabrication.
Bien que la provenance des documents piratés ne soit pas vraiment claire, certaines des informations qu'ils contiennent correspondent à des rapports antérieurs qui indiquaient le nombre de drones que la Russie a cherché à construire, l'emplacement de l'usine de fabrication et le calendrier de production. En août, comme nous l'avions déjà indiqué, le Washington Post révélait de nouveaux détails sur le plan russe de fabrication nationale de drones iraniens Shahed-136. Le quotidien indiquait alors que les drones seraient construits dans une usine située à environ 800 km à l'est de Moscou, dans la république du Tatarstan. L’article indiquait aussi que l’objectif du gouvernement russe était de "construire 6 000 drones sur place d'ici à l'été 2025".
La Russie avait également l'intention d'améliorer fortement les techniques de production et les caractéristiques du Shahed par rapport aux fabrications iraniennes, mais d'après les images trouvées dans les documents divulgués, il n'est pas certain que la Russie ait atteint cet objectif, même si les nouveaux Shadeds mentionnés plus haut montrent des changements significatifs à cet égard.
Quoi qu'il en soit, la menace persistante que représentent pour l'Ukraine les drones Shahed lancés par la Russie est indéniable, comme l'a souligné récemment le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
"La défense aérienne de l'Ukraine est essentielle en ce moment, en particulier en ces mois d'hiver", a déclaré M. Kirby aux journalistes mardi matin. "Nous avons assisté à un assaut continu de drones russes - dont beaucoup sont en fait fournis par l'Iran - et de missiles de croisière et balistiques visant en particulier deux choses en Ukraine : d'une part les unités militaires, mais aussi spécifiquement et directement la base industrielle de défense de l'Ukraine pour tenter d'éliminer la capacité de l'Ukraine à produire un grand nombre des munitions dont elle a besoin pour se défendre". Les drones, comme nous l'avons souvent signalé, ont également été utilisés pour bombarder des villes ukrainiennes, des infrastructures électriques et des installations portuaires.
Cette semaine, la Russie a lancé de nouvelles vagues de drones Shahed sur l'Ukraine dans le cadre de sa campagne de frappes, dans l'impasse actuellement.
Pour la Russie, le coût du lancement de drones Shahed-136 de fabrication iranienne sur l'Ukraine est considéré comme une bonne affaire. Même à 50 000 dollars ou plus l'unité, ces drones sont bien moins chers que la plupart des munitions de défense aérienne utilisées pour les contrer. Un seul missile AIM-120 Advanced Medium-Range Air-to-Air Missile (AMRAAM) tiré par l'une des batteries antiaérienne sol-air NASAMS (NASAMS pour National Advanced Surface-to-Air Missile Systems) ukrainiennes, qui ont abattu de nombreux Shaheds, coûte environ entre 500 000 et 1 million de dollars, en fonction de la variante. Un intercepteur Patriot coûte plusieurs millions de dollars. Des équipes d'Ukrainiens équipés de puissants projecteurs et de camions-canons traquent ces drones chaque nuit pour tenter de les faire tomber du ciel et économiser ainsi leurs autres précieux moyens antiaériens.
Les Shaheds sont également beaucoup moins coûteux que leurs homologues de type missiles de croisière, tout en étant capables d’atteindre des cibles à des distances similaires, bien qu'avec une puissance destructrice moindre. Ils rendent également la défense aérienne beaucoup plus compliquée, en plus d'accaparer de précieux moyens antiaériens. À l'heure actuelle, nous ne connaissons pas le coût exact des drones Shahed-136, mais comme la Russie a investi massivement dans leur production, le prix unitaire baissera et les drones deviendront de plus en plus performants. L'Iran y veille également. Et donc, quel que soit le coût de ces drones pour la Russie, ils coûteront beaucoup plus cher à l'Ukraine.
FIN
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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