#1 [↑][↓] 01-03-2012 19:45:55

philouplaine
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[RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

From Oliver W Dredger, retired Delta Airl. Cpt.

Le 2 février 1970, le Major Jim Lowe participait à une mission d’entraînement tactique sur un F-106 "Delta Dart" en tant qu’instructeur du Lieutenant Gary Foust qui volait avec lui sur un autre F-106, le fameux 58-0787 qui va être la vedette de cette histoire. Les deux F-106 appartenait au 71ème FIS (Fighter Interceptor Squadron) alors basé à Maelstrom-AFB dans le Montana.

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Alors que les deux avions évoluaient à 35 000 pieds dans des figures de combat rapproché que le lieutenant Foust était en train d’apprendre, son F-106 partit en vrille tout à coup. Le major Lowe tournant autour de l’avion de son élève, donnait différents conseils tout en regardant, angoissé, les efforts désespérés de Foust pour tenter de se sortir de la vrille. Aucune des procédures communiquées par radio ne réussit à stopper la vrille, le sol se rapprochait dangereusement. Le dernier conseil de pilotage que Jim Lowe donna à son lieutenant fut de déployer le parachute de freinage du F-106 pour tenter de bloquer le mouvement de vrille … sans aucun effet hélas. Comme le lieutenant Foust était un tout jeune pilote, peu expérimenté, et que l’avion approchait des 12 000 pieds, le major Lowe ordonna au jeune lieutenant la seule chose qui restait à faire : bouge ton cul et vite ! En d’autres termes : éjection immédiate ! Aussitôt ordonné, aussitôt fait. S’occupant de suivre le pilote éjecté pour voir où il allait atterrir, Lowe regarda une dernière fois le F-106 58-0787 et eut une seule pensée : "il est fichu" ! Sauf que …

Sauf que la force de l’éjection du pilote et de son siège avait contrebalancé parfaitement le moment de la vrille (aussi étonnant que cela puisse être). Le F-106 matricule 58-0787, dès lors sans pilote, fit ce que, de l’avis général, aucun pilote ne pouvait réussir sur cet avion, il se récupéra tout seul d’une vrille dite irrécupérable. Incroyable mais vrai ! Pendant que le pilote était encore à bord à essayer les conseils du Major Lowe, il avait sorti les volets et diminué les gaz jusqu’à la puissance pour un atterrissage … puis il avait pris la poudre d’escampette en laissant l’avion dans cette configuration. Apparemment, une bonne configuration puisque, le F-106 une fois sorti de la vrille se mit à voler calmement son petit bonhomme de chemin en une descente lente au-dessus des montagnes de Bear Paw … du moins c’est ce qu’on déduisit après qu’un fermier de Big Sandy (Montana) et le shérif local aient appelé la base aérienne pour signaler qu’un de "leur" avion reposait tranquillement sur le ventre dans le champ du fermier, avec son réacteur toujours en marche mais aucun pilote de visible !

L’équipe d’enquête en déduisit que le F-106 livré à lui-même et dans une configuration d’approche avait dû tout doucement descendre jusqu’à ce que l’effet de sol le redresse et le ralentisse suffisamment pour qu’il se pose sur le ventre … en un magnifique kiss landing en plein champ ! Un atterrissage presque parfait que ce F-106 avait décidé de réaliser sans pilote … sans doute lassé d’être plus ou moins brutalement plaqué sur une piste en dur si souvent ? Un cœur de tendresse sous des tonnes d’acier !

Plus Ă©tonnant, quand le shĂ©rif s’était approchĂ© la première fois du F-106 58-0787, le rĂ©acteur fonctionnait toujours Ă  très bas rĂ©gime et l’avion reposait sur son ventre dans un champ enneigĂ©. Sous l’effet du poids, la neige sous l’avion se transformait en glace. Du coup, le F-106 avançait tout doucement poussĂ© par son rĂ©acteur ... du patinage artistique d’un genre un peu particulier (un cĹ“ur de tendresse on vous dit !). Le shĂ©rif dĂ©clara plus tard, qu’il se dĂ©plaçait Ă  la vitesse d’un escargot. Mais comme l’avion de 11 tonnes avançait toujours et qu’il y avait des bâtiments de ferme aux alentours immĂ©diats, le shĂ©rif demanda Ă  l’USAF ce qu’il convenait de faire. On l’informa que l’équipe envoyĂ©e par la base aĂ©rienne mettrait sans doute pas mal de temps avant d’arriver car la base n’était pas Ă  cĂ´tĂ©. Comme c’était un homme d’action (un shĂ©rif dans le Wyoming, forcĂ©ment !), il se fit expliquer comment arrĂŞter le rĂ©acteur, il monta Ă  bord du F-106 en mouvement (heureusement très lent), sans aucun problème puisque la verrière avait disparu lors de l’éjection, et il manĹ“uvra les boutons et manettes nĂ©cessaires pour arrĂŞter le rĂ©acteur Pratt & Whitney J75-P-17  … qui toussota un peu et se tĂ»t. L’avion reposait alors très tranquillement en plein champs, quasiment intact (voir les photos plus loin).

Presque deux heures après, une équipe de maintenance de la base aérienne vint chercher le F-106 pour le démonter sur place et rapatrier les différentes parties par train jusqu’à la base. Après avoir été ré-assemblé et des réparations mineures, le 58-0787 reprit du service actif en rejoignant, cette fois, le 49ème FIS dans lequel il continua son service opérationnel jusqu’à son dernier vol pour le musée de l’air de l’USAF à Wright-Patterson (Ohio) en août 1986 où, depuis, il trône comme une mascotte à l’entrée du musée.

Voici quelques photos prises sur place:

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Et un cockpit sans siège (du fait de l'éjection)

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Et en guise de conclusion de cette histoire pas banale:

Dans l’année qui suivit ce crash raté, quand un pilote de la 49ème escadrille rencontrait par hasard des gars de la 71ème, il demandait systématiquement et sans aucune pitié comment une "urgence" en vol pouvait se terminer par un kiss landing que l’avion se retrouvait à devoir faire tout seul. Mais (juste retour de bâton ?) depuis qu’il est exposé au musée de l’air de l’USAF, le 58-0787 y est présenté aux couleurs de la … 49ème !!! Bien content que des millions de visiteurs admirent l’aigle vert de la 49ème ainsi immortalisé, ils préfèreraient que les panneaux du musée indiquent plus expressément que le pilote aux commandes de cet avion quand l’accident avait eu lieu n’était pas de la 49ème …

Bons vols
Philippe

Dernière modification par philouplaine (01-03-2012 22:35:06)


ouaf ouaf ! bon toutou !!

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#2 [↑][↓] 01-03-2012 20:16:00

upilote
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

blink

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#3 [↑][↓] 01-03-2012 20:51:44

fell
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Histoire Ă©tonnante.

Fin des années 80 un F1 de la base de Reims a eu également une petite mésaventure du style. Le pilote s'est éjecté à l'atterrissage mais l'avion a redécollé ... pour se crasher sur la base après une petite pirouette.

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#4 [↑][↓] 01-03-2012 21:14:28

romdu69
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Histoire étonnante et très beau récit. Merci à toi pour cette publication. eusa_clap

Dernière modification par romdu69 (01-03-2012 21:14:54)

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#5 [↑][↓] 01-03-2012 23:32:58

SeaFurry
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Un récit qui en vaut la peine !

Merci beaucoup pour la publication smile


Grégoire.

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#6 [↑][↓] 02-03-2012 00:50:47

amentiba
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Très bonne histoire comme tu sais les raconter. Merci Philippe smile


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#7 [↑][↓] 02-03-2012 23:06:40

Anto
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Hullo,

Merci Philippe pour cet étonnant récit !

J'ai en souvenir une histoire semblable arrivé à un Mirage IIICJ pendant la Guerre des Six-Jours. L'avion était en approche lorsque le réacteur s'est éteint. Le pilote s'est éjecté sans encombre tandis que l'avion... a continué son plané et s'est "posé" sur le ventre quelques km avant la piste, sans trop de casse, dans un espace désert. Après des réparations l'avion a pu revoler.

Si quelqu'un a des précisions sur cette autre histoire elles sont les bienvenues.

Dernière modification par Anto (02-03-2012 23:09:45)

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#8 [↑][↓] 02-03-2012 23:14:30

filipo
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Merci Philippe pour ce récit,

assez incroyable dans son dénouement.

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#9 [↑][↓] 02-03-2012 23:16:45

SeaFurry
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Une histoire similaire avec photo Ă  l'appui.
Je suis tombé dessus par hasard aujourd'hui.

Bon ok, il est un peu plus cassé que le F-106 mais bon, ca va encore.

http://www.airliners.net/photo/UK---Air … 1645306/L/


Grégoire.

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#10 [↑][↓] 03-03-2012 09:48:49

Bee Gee
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Un parlant de F106 et Mirage III, Dassault s'était inspiré du F102 qui fut le prédécesseur du F106, le F102 à l'échele 2/3 ça a donné le Mirage III, le F102 lui même issu des travaux d'Alexander Lippisch aérodynamicien allemand..
... le monde est petit .. le Rafale, delta lui aussi, est donc directement issu d'une invention allemande !

Dernière modification par Bee Gee (03-03-2012 11:39:17)


"On n'est pas des ... quand mĂŞme !" Serge Papagalli,

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#11 [↑][↓] 03-03-2012 10:43:12

fell
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Après la 2ème guerre mondiale les ingénieurs allemand étaient en avance dans pas mal de domaine, si bien que tout le monde a voulu les récupérer.
Il n'y a pas que pour les cellules avions comme le disait Bee Gee. Les moteurs aussi sont d'origine allemande.
En particulier les moteurs ATAR.
ATAR veut dire : Atelier technique et aéronautique de Rickenbach.

extrait wikipédia : "ATAR est une unité de la SNECMA établie en 1945 à l'usine Dornier de Lindau-Rickenbach"

http://fr.wikipedia.org/wiki/Atelier_te … Rickenbach

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#12 [↑][↓] 19-03-2012 22:47:12

jvais2000
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Re : [RĂ©el] Le "chasseur" qui ne voulait pas mourir ...

Merci pour la petite histoire philouplaine! Vraiment sympa

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