Vous n'êtes pas identifié(e).
Archéologie Aéronautique?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80-90-100 ans, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Chers amis,
Voici un texte rédigé par l’aviateur René Lefèvre en 1956 pour la revue professionnelle d’Air France de l’époque : France Aviation. Je vous transmets donc ce texte, un petit bijou sur la grande époque de l’établissement des grandes liaisons aériennes, dites « impériales », par l’un des grands "Monsieur" de l’aviation française. René Lefèvre (1903-1972) est un aviateur français. Il s’engage en 1923 au 34ème Régiment d’Aviation du Bourget. Dès 1927, il réalise de nombreux raids aériens avec Jean Assolant. En juin 1929, deux ans après Lindbergh, il réussit la traversée de l’Atlantique Nord dans le sens ouest-est à bord de l’avion « Oiseau canari » avec Assolant et Lotti, et le premier passager clandestin de l’histoire de l’aviation : l’américain Arthur Schreiber. Il effectue ensuite des liaisons France-Madagascar, notamment sur un petit monomoteur de tourisme. Il crée la Régie Malgache de l’Air. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il rejoint les Forces Françaises Libres et participe à l’organisation de la première escadre d’hydravions. Nommé colonel, il rétablit à la Libération la ligne France-Antilles-Amérique Centrale pour le compte d’Air France. Il est nommé ensuite Inspecteur Général de la compagnie Air France.
Voir aussi les récits sur ce forum des premiers grands raids France-Madagascar refaits sous FSX:
Raid Dagnaux & Dufert – Le Bourget-Madagascar : ici
Le raid France Madagascar de Bernard par JRdE : ici
Bonne lecture!
Philippe
Prologue Ă la ligne Dagnaux
Première liaisons postales France-Madagascar et débuts du réseau malgache.
Par René Lefevre.
Article paru dans la revue mensuelle France Aviation avril 1956
En 1930 aucune liaison régulière n’existait entre la Métropole et Madagascar. Je proposais, à l’automne 1930, à Pierre Desmazières, l’un des pionniers de l’aviation de tourisme en France, de m’accompagner ans un voyage de reconnaissance des grands itinéraires transafricains. L’originalité du voyage consistait dans le fait que, comme nos camarades de l’Aéropostale dans le survol de la côte occidentale de l’Afrique de l’Ouest, chacun de nous deux était à bord de son propre appareil afin de pouvoir se porter immédiatement au secours du pilote en panne, ou du moins de pouvoir signaler sa position.
Partis de Paris à bord de deux Potez 36 à moteur de 95 cv, nous nous engagions le 2 décembre sur la grande piste saharienne et par Colomb-Béchar, Reggan, Gao et Zinder nous atteignions le Lac Tchad le 6 janvier. C’était la première traversée aérienne effectuée sans aide extérieure par des avions de tourisme. Arrivés au bord du Canal de Mozambique, nous chargions nos petits appareils sur un cargo qui nous conduisit le 27 mars de Beira à Tamatave, après avoir fait escale à Mananjary où, pour la première fois, nous foulions le sol malgache. Mon ami Desmazières, dont l’appareil avait été malencontreusement accidenté à Beira la veille de notre embarquement, resta à Tamatave dans l’attente de pièces demandées en France, tandis que dans les derniers jours de mars 1931, j’atterrissais sur le terrain d’Ivato.
Le monomoteur de tourisme Potez-36
Embarquement du Potez-36 Ă Beira.
Lorsque j’arrivai à Tananarive, il n’y avait que quelques jours seulement que les premiers avions militaires de l’escadrille nouvellement créée d’Ivato, des Potez 25, avaient survolé Tananarive pour la première fois en vol de groupe. Et seuls les avions de Dagnaux, Goulette et Reginensi avaient, venant de France, fait de brève apparitions dans le ciel de l’Île Rouge.
Après un séjour de deux mois, durant lequel je fis des vols de prospection à travers l’Île, je retrouvais Desmazières à Tamatave et, de là , nous rentrions en France par bateau avec nos avions à bord. Ayant repris à Marseille nos Potez, nous atterrissions au Bourget le 3 juillet 1931 après 8 mois d’absence. J’étais revenu enthousiaste de mon voyage et de mon séjour à Madagascar et le désir de repartir ne tarda pas à me prendre.
Le 1er décembre 1931, à 11 h 45, je prenais à nouveau la route de Madagascar sur un minuscule appareil Mauboussin de 40 cv dans l’étroite carlingue duquel j’avais fait installer des réservoirs supplémentaires qui portaient le rayon d’action à 1200 km. Cette fois, je suivais un itinéraire plus direct qui survolait la Tunisie, l’Egypte, le Kénya, le Tanganyika et l’Est africain portugais.
Avion de tourisme Peyret-Mauboussin PM XI F-AJUL avec lequel René Lefevre a rejoint Madagascar du Bourget. Sur la photo, à gauche M. Pierre Mauboussin, constructeur, et à droite M. René Lefevre, pilote et propriétaire de l’avion.
Non, vous ne rêvez pas, Lefèvre a rejoint Madagascar sur ce petit coucou en 11 jours!!!
Parti de Cannes le 4 décembre 1931, j’atterrissais onze jours plus tard à Tananarive après avoir affronté les tornades équatoriales, franchi en 3 h 30 les 450 km du Canal de Mozambique. Sur la demande du Gouverneur général de Madagascar Léon Cayla, j’entrepris dès mon arrivée des liaisons aériennes postales à travers l’Île, en particulier avec les points où il n’existait aucun terrain. Je me posais quelquefois sur la plage, comme à Morondava qu’aucun avion n’avait encore survolé. Entre Tananarive et Morondava, durant la saison des pluies, le voyage ne pouvait s’effectuer que par voie terrestre et demandait pas moins de 18 jours. Parti d’Ivato, j’atterrissais sur la plage de Morondava trois heures plus tard avec 20 kg de courrier et le lendemain même, j’étais de retour à Tananarive avec les réponses. Soit un gain de plus d’un mois !
Lefèvre et son avion PM-XI F-AJUL de Lefevre sur la plage de Nosy-Bé
Le 6 mai 1932, après un séjour de trois mois, je mettais le cap sur la France où j’atterrissais le 1er juin au Bourget, revenu cette fois par le chemin des écoliers via Elisabethville, Brazzaville, Douala, Dakar, le Rio de Oro et l’Espagne.
Quelques mois plus tard, le Gouverneur général, en congé dans la Métropole, me rappela ma promesse de lui apprendre à piloter et c’est au cours de ces leçons que je lui présentai un plan de liaison aéropostale France-Madagascar qui utiliserait, de Paris à Broken Hill, la grande artère impériale britannique Londres-Le Cap. Puis en assurant avec du matériel et du personnel français la branche Broken Hill – Tananarive, et cela, en attendant que la ligne transafricaine du commandant Dagnaux puisse permettre l’établissement d’une ligne entièrement française.
Avant la fin de 1933, le projet présenté à M. Pierre Cot, ministre de l’Air, était accepté. Le ministère fournira les avions, ou plutôt les louera pour le franc symbolique par an au gouvernement de Madagascar.
Chargé de trouver les deux trimoteurs nécessaires, j’avais découvert, au fond de l’un des hangars du Centre d’Essai en Vol de Villacoublay, un vieil SPCA datant de 1929 à trois moteurs Salmson 9Nc de 135 cv chacun.
Le trimoteur postal SPCA 41T utilisé par René Lefèvre.
En janvier 1934, je convoyais enfin cet appareil trimoteur à Alger, puis à Oran. Les qualités de cet avion me furent démontrées quand, lors de ce voyage depuis Villacoublay, un moteur, sans doute fatigué par ses services antérieurs, me lâcha au-dessus de la Méditerranée sans cependant que la tenue de vol soit en rien compromise. Du coup, ce fut une confirmation pour la sécurité des vols des futures traversées du Mozambique que nous allions devoir entreprendre régulièrement pour le service de la ligne.
Mais, pour accomplir la tâche envisagée, il me fallait l’aide d’un pilote expérimenté qui accepterait avec moi les risques d’un travail de défrichage de la ligne. Je songeais à Jean Assolant, mon compagnon de croisière sur l’Oiseau Canari, mon ami de toujours. Le jeune héros de la traversée de l’Atlantique aimait Paris. La beauté de l’obscure besogne, de l’effort anonyme quotidien, ne s’imposaient pas à lui de prime abord. Je réussis pourtant à le convaincre de m’accompagner. Et ce fut une victoire. Non seulement Assolant fut conquis, mais encore lorsque, en 1937, notre besogne définitivement achevée, l’occasion lui fut offerte de prendre la direction du secteur sud de la ligne impériale France – Madagascar, il la refusa pour reprendre mes fonctions de Chef de Service de l’Aéronautique de Madagascar au sein de la Régie Malgache. Il put ainsi continuer de développer le réseau des lignes intérieures de la Grande Île jusqu’au moment où il tomba glorieusement en combattant pour la défense de Madagascar.
Nous décollâmes de Marseille le 15 juin 1934 avec nos deux mécaniciens Léon Vyé et Roland Chollet. Nous nous posions après neuf heures de vol à Tunis. Après ce voyage vers Madagascar, qui dura 29 jours, nous atteignions Tananarive le 14 juillet, le jour de la fête nationale. Et quinze jours plus tard, le 29 juillet 1934, accompagné de mon fidèle mécanicien Chollet, j’assurais le premier courrier de Tananarive à Broken Hill. Les 30 kg de poste que nous transportions y furent repris par l’avion des Imperial Airways qui atteignait Le Bourget le 7 août suivants, neuf jours après leur départ de Tananarive. Le courrier avait gagné ainsi plus de trois semaines sur l’horaire normal par mer. Et, chaque semaine qui suivit, vit partir très régulièrement le courrier à bord de nos trimoteurs SPCA.
Les deux trimoteurs SPCA de la Régie malgache sur le tarmac de l’aéroport de Tananarive-Ivato en 1934.
Le quatuor fondateur de la RĂ©gie AĂ©rienne Malgache.
Mais la dure saison des pluies fit son apparition. La crue du Zambèze avait rendu impraticable le terrain portugais de Tété où, d’ailleurs, j’avais déjà failli capoter en décembre. Arrêter l’exploitation aurait marqué la fin de la ligne et nous savions bien que nous nous devions de poursuivre nos efforts pour obtenir des autorités portugaises la création de pistes empierrées qui nous permettraient seules de recevoir un matériel plus moderne que le ministère de l’Air avait décidé de mettre à notre disposition.
Le 31ème courrier, celui du 26 février 1935, avait été mouvementé. Par beau temps, j’avais décollé d’Andraliavelo accompagné de Vyé comme radio-mécanicien pour effectuer la traversée du Canal du Mozambique. Passé l’île de Juan de Nova, les conditions météo s’étaient dégradées subitement et le poste radio de Majunga, qui suivait l’appareil, n’était plus reçu par Vyé. Les masses nuageuses qui se dressaient devant l’avion, un instant plus tôt éparses, s’étaient soudées. Je descendis à 200 mètres, passant sous le système nuageux. Mais je me heurtais alors à un rideau de pluie très dense. Sur le revêtement métallique des ailes, le crépitement de la pluie allait crescendo dominant le bruit des moteurs.
Depuis le dernier contact radio de Vyé, une heure s’était écoulée et le poste Majunga, qui devait appeler chaque demi-heure, n’avait pu être reçu. J’hésite, vais-je faire demi-tour ? Je juge que nous ne sommes plus qu’à une centaine de km tout au plus de la côte africaine. Notre provision d’essence ne nous suffira pas à rejoindre Madagascar. Donc, je continuais le vol. Une heure plus tard, comme je l’avais prévu, la côte apparait mais, avec les nombreux changements de cap dans la tornade, nous ne savons plus où nous nous trouvons. Sommes-nous au sud ou au nord du Mozambique ? J’opine pour le sud et, longeant le rivage au ras des arbres, je remonte vers le nord-est. Au bout de dix minutes de vol, pensant m’être trompé, je fais demi-tour. La pluie est si dense que je vole très bas et les ailes du trimoteur frôlent parfois les cimes, presqu’invisibles, des longs filaos recourbés par le vent.
Vingt minutes s’écoulent et la lagune de Mozambique n’apparait toujours pas. De crainte de manquer d’essence, je décide de me poser sur le premier coin de plage atterrissable. Justement, je vois trois africains marchant au bord de l’eau, courbés sous les rafales de pluie, la tête protégée par un sac. C’est Vyé qui les a aperçus et me les montre. Je vire et fais demi-tour. La trace de leur pas sur le sable est peu profonde, le sol doit être assez dur. Les moteurs réduits à fond, je garde la main sur les manettes des gaz, prêt à redécoller de suite si les roues s’enfonçaient au toucher. J’amène le grand trimoteur à la limite de la perte de vitesse. Victoire, les roues touchent mais n’enfoncent pas d’un centimètre. Les trois africains, apeurés, se sont couchés à plat ventre le long de la falaise qui longe la plage. Comme un élève perdu en cours de brevet, je demande ma route ... Et ils me confirment que nous sommes bien au sud du Mozambique et pas au nord.
Il nous faut repartir d’urgence. Le moteur central redémarre facilement, puis le gauche, mais le moteur droit regimbe. La mer, traitreusement, monte. Il faut faire vite. A la quatrième tentative, le moteur démarre enfin. La roue gauche au ras des vagues qui viennent se briser sur la plage, le bout de l’aile droite à un mètre à peine de la falaise, je mets les gaz. En 150 mètres, le trimoteur décolle. La pluie a cessé, mais le vent, au sud heureusement, est favorable et une demi-heure plus tard, le 31ème courrier Madagascar-France se posait sur la lagune qui servait de terrain à Mozambique ... dans 10 cm d’eau ! Le lendemain, le voyage se poursuivait normalement sur tété puis Broken Hill. La ligne était sauvée.
Le trimoteur Bloch MB-120 qui fut introduit sur le service France-Madagascar Ă partir de 1936.
Le 14 novembre 1938, à 13 h 15, un trimoteur Bloch MB-120 de la Régie Air Afrique se posait sur le terrain d’Elisabethville au Congo Belge en provenance d’Alger. Sur le terrain, cet avion était attendu par un autre Bloch MB-120, celui-là de la Régie Malgache, j’en étais le pilote avec mon fidèle Chollet comme radio-mécanicien. On procédait à l’échange des sacs postaux, 116 kg de courrier en provenance de la Métropole embraquaient à bord de notre trimoteur et 24 kg en provenance de Madagascar passaient à bord de l’autre trimoteur qui repartait aussitôt pour le nord. Le lendemain nous repartions vers la Grande Ile. La ligne impériale France-Madagascar était inaugurée.
FIN
ouaf ouaf ! bon toutou !!
Hors ligne
GĂ©nial
Merci
Patou
AMD Ryzen 9 7900X (4.7 GHz / 5.6 GHz)/ASUS ROG STRIX X670E-E GAMING WIFI / RX 7900 XTX GAMING OC 24G / SSD 980 PRO M.2 PCIe NVMe 500 Go / SSD 980 PRO M.2 PCIe NVMe 2 To / Samsung SSD 870 QVO 2 To / Corsair iCUE 7000X / Seasonic PRIME PX-1300 - Bluestork Grapheme / Acer Nitro XV345CURVbmiphuzx / Acer Nitro XV253QPbmiiprzx -JBL Quantum Duo - MSI MEG CORELIQUID S360
Hors ligne
Il existe un numéro d' Icare consacré à Dagnaux: numéro 132
https://www.priceminister.com/offer/buy/60326948/Collectif-Icare-N-132-Jean-Dagnaux-Et-La-Naissance-Des-Lignes-Africaines-Revue.html
L'expérience, c'est le nom que chacun donne à ses erreurs. Oscar Wilde
Hors ligne