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Archéologie Aéronautique?
Qu’est-ce donc ? Comme en archéologie, on fouille ... dans les vieux numéros des revues spécialisées d'il y a 80-90-100 ans, pour dénicher des choses intéressantes (j'espère) à raconter ...
Cher(e)s ami(e)s,
Un titre bien alléchant pour tous ceux qui s’intéressent à l’aviation de cette époque. Voilà l’histoire de cet article. La principale revue d’aviation des Etats-Unis de l’époque, FLYING, proposa à ses lecteurs dans son numéro de mars 1944 un long article sur la Luftwaffe, la force aérienne de l’ennemi nazi. Il s’agit d’un texte écrit par une journaliste de Flying sur la base d’un document du Service de l’Intelligence de l’USAAF, l’Army Air Force (qui deviendra l’USAF en 1947). Ce document confidentiel de la fin de 1943 était destiné aux officiers de l’armée de l’air américaine. Il est ici édulcoré, notamment des statistiques exactes que ne devait pas lire le public, et réécrit en partie pour le grand public.
Mars 1944 ... Depuis un an maintenant, l’issue de la guerre ne fait plus de doute dans l’esprit des Alliés, appelés dans ce texte les Nations Unies (déjà !), mais la Luftwaffe reste pour les américains un adversaire redouté. Rappelons que les 6 et 8 mars 1944, Berlin fut la cible de deux missions massives de bombardiers de l’AAF : 600 b-17 le 6 mars et pas moins de 580 le 8. 20 de ces bombardiers furent perdus, soit abattus, soit revenus mais hors d’état de reprendre l’air. Et, ce malgré la présence pour la première fois d’une couverture de chasseurs P-51 Mustang tout le long du parcours. Une soixantaine de chasseurs allemands furent abattus par les avions de l’AAF ces deux jours-là , un chasseur perdu pour deux bombardiers mis hors-de-combat. Cela donne une bonne idée de la combativité toujours intacte des pilotes de la Luftwaffe en ce début d’année 1944.
J’ai pensé que cet article américain rédigé en pleine guerre pourrait vous intéresser dans sa traduction en français tant par son aspect historique que par les informations très rarement vues ailleurs dont il est émaillé.
Bonne lecture !
Philippe
Couverture du magazine mensuel FLYING de mars 1944 contenant, en page 30 et suivantes, l’article sur la Luftwaffe.
Figure 1. Image d’en-tête de l’article. Légende de la photographie : Le Maréchal Goering décore les pilotes de la Légion Condor à leur retour d’Espagne avec des médailles dessinées par Hitler lui-même. La Guerre Civile Espagnole a été utilisée par les Nazis pour mettre au point leurs techniques de combat.
Traduction de l’article de la revue mensuelle FLYING de mars 1944
LA LUFTWAFFE
Par Jo Ellen Adams
La Luftwaffe abrite la crème des combattants allemands. Ils ont été entraînés dès leur enfance pour devenir des pilotes disciplinés, coriaces et vraiment plein de ressources.
La fameuse citation allemande “Sois mon frère ou je te cogne » pourrait bien être une devise faite exprès, semble-t-il, pour les campagnes victorieuses de la Luftwaffe en Pologne, Norvège, Flandres et Crète au début de cette guerre (NdT : Il ne s’agit pas à proprement parler d’un proverbe allemand en tant que tel ! L’auteur américain écrit ici : be my brother or I will bash your head in. C’est, en fait, tiré du magnifique poème de Goethe, le Roi des Aulnes. Un vers dit ceci : Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt! Ce qui veut dire: Et si tu ne veux pas céder, j’utiliserai la violence !).
Depuis ces premières années de la guerre actuelle, les forces aériennes des Nations Unies (NdT : l’expression United Nations est utilisée dans le texte original) ont fait un travail réussi pour que les pilotes allemands pilotent beaucoup moins pour honorer cette devise et beaucoup plus pour sauver leur peau. Mais derrière les belles paroles d’invincibilité de la Luftwaffe, il y a un réel fond de vérité. La douce musique qui accompagne les exploits de la Luftwaffe s’est considérablement affadie ces derniers temps, mais les pilotes de la Luftwaffe restent encore de terribles et coriaces adversaires.
C’est une planification politique sur une longue durée et appliquée de façon méticuleuse qui a fait de la Luftwaffe ce qu’elle est aujourd’hui.
Dès le début de 1934, le Ministère de l’Education du Reich incluait dans son nouveau programme des cours d’aéronautique optionnels pour tous les garçons de 11 à 18 ans. Des concours furent organisés à travers toute l’Allemagne, où les jeunes garçons venaient avec des modèles d’avion en balsa faits par eux-mêmes. Les plus entreprenants des jeunes garçons, une fois repérés, étaient alors invités à assister gratuitement aux meetings organisés par le Corps Aérien National-Socialiste. Au fur et à mesure que les jeunes allemands avançaient dans leurs études, des cours nouveaux s’ajoutaient qui portaient sur les mathématiques de l’aéronautique et sur la physique de l’aérodynamisme. Vraiment, une bonne préparation pour former en masse de futurs pilotes ! Pas mal n’est-ce-pas ?
Figure 2. L’entraînement des futurs pilotes de la Luftwaffe débute très jeune. La plupart des pilotes allemands d’aujourd’hui ont commencé à étudier l’aéronautique en s’entraînant au pilotage de planeurs comme ces garçons le font dans une école des environs de Berlin.
Mais très vite dans le cursus des élèves, et dès le lycée ces cours d’aviation ne s’adressaient plus à tous. On rendait des cours d’aéronautiques avancés très désirables aux yeux des jeunes lycéens en les parant d’une aura d’élitisme par une sélection sévère à l’entrée. Seuls les meilleurs élèves avaient accès aux cours d’aviation avancés. Il y eut très vite une intense rivalité entre les meilleurs élèves pour avoir l’honneur d’être admis aux cours spéciaux d’aviation. Cet élitisme déboucha sur une très grande camaraderie parmi les garçons retenus, camaraderie et élitisme qui existent encore parmi les pilotes de la Luftwaffe d’aujourd’hui. Les chefs Nazi des Corps Aériens locaux choisissaient ceux qui entraient dans le groupe retenu.
Ensuite, à ses 18 ans, le lycéen qui suivait les cours d’aéronautique avancés passait un examen final. Si le résultat était bon, le jeune homme était alors ipso facto affecté à une unité du Corps d’Aviation Nazi, le marchepied pour entrer dans la Luftwaffe.
Très peu de temps après le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, les cours d’aéronautique d’optionnels devinrent obligatoires pour tous les jeunes allemands. La sélection pour former une élite resta inchangée. Depuis, les meilleurs élèves, la crème de la jeunesse allemande, pratiquent ces cours et sont versés en plus grand nombre dans les cours d’aéronautiques avancés, la filière pour, à la fin et si l’examen final est réussi, être versé dans la Luftwaffe, la crème de la crème.
Cet examen final réussi, le jeune nazi de 18 ans rejoint l’une des nombreuses Flieger Ausbildungs Regiment (Régiment d’Entraînement des Aviateurs) où, de fait, il recevra en premier la formation de n’importe quel soldat allemand. Ce cours préliminaire dure environ trois mois où la jeune recrue apprend les exercices du parcours du combattant, du maniement des armes, et des manœuvres sur le terrain. Rien sur avion !
Les recrues sont très soigneusement étudiées par leurs supérieurs pendant ces trois mois et ils sont alors classés en fonction des aptitudes qu’ils montrent. A l’issue de ces trois mois, la recrue rejoint l’une des A/B Schule pour une durée de huit mois, école qui est dirigée par un oberstleutnant (lieutenant-colonel). C’est là que les recrues vont commencer à apprendre à piloter.
Dans un cours, dénommé de façon assez obscure "Az", les élèves-pilotes volent environ 60 heures sur des monomoteurs monoplans d’école, Klemm 26 et des Klemm35, équipés tous deux d’un moteur de 90 CV seulement. Puis, ils passent sur des biplans Heinkel Kadet et des Focke-Wulf Stieglitze, équipés le premier d’un moteur de120 CV et le second d’un moteur de 130 CV.
Le cours suivant, le "B1", inclut 20 heures de vol sur divers types d’avions d’école ; depuis le Gotha Go-145, le Messerschmitt Me-108, un chasseur type de 1935. D’autres avions sur lesquels le jeune élève apprend à piloter sont le Junker Ju-87 Stuka et le Heinkel-123. Cette période d’instruction inclut aussi 12 atterrissages de nuit.
Figure 3. Les élèves-pilote allemands peuvent apprendre le vol sur le Focke-Wulf Stieglitz. Dans la première partie du cours B1, l’élève-pilote vole 20 heures sur le Gotha Go-145.
Figure 4. L’apprentissage du pilotage d’un chasseur inclut 20 atterrissages et décollages sur un monoplan Arado Ar-96B. Après avoir effectué cela, l’élève-pilote passe au Messerschmitt Me-108.
Le cours suivant, le "B2", comprend 50 heures de vol sur le monomoteur Junkers Ju-34 et sur le bimoteur Focke-Wulf Fw-58 Weihe. Sur ce dernier, les élèves-pilotes pratiquent environ 10 heures de vol aux instruments. Ce bimoteur Focke-Wulf, pas facile à piloter, était très apprécié des instructeurs car il pardonnait peu les fautes de pilotage ce qui permettait de bien repérer les meilleurs pilotes.
Figure 5. Le Focke-Wulf Weihe est le bimoteur favori des instructeurs.
Tout le long de ces cours, des examens viennent sanctionner chaque élève-pilote. Ceux qui sont recalés rejoignent alors les unités de Flak, le personnel d’aérodrome ou bien le personnel administratif de la Luftwaffe. Ceux qui terminent l’A/B Schule reçoivent alors leur brevet de pilote, le fameux Luftwaffen Flugzeug Fuhrerschlen. A ce moment, ils vont rejoindre l’une des deux écoles de spécialisation, celle des pilotes de chasse ou celle des pilotes de bombardiers.
L’enseignement à l’Ecole des pilotes de bombardiers comprenait soixante-dix heures de vol et durait, en temps normal, environ trois mois. Mais depuis quelque temps, tous ces cours pratiques souffrent des pénuries d’essence auxquelles l’Allemagne Nazi est soumise. Les formations des nouveaux pilotes sont donc plus lentes ou alors ils sont envoyés dans les unités de combat avec beaucoup moins d’heures de vol. Le commandement des Forces Aériennes Allemandes est assez réticent à diminuer trop les heures d’apprentissage car cette mesure impacte fortement la qualité des nouveaux pilotes. Des cours intermédiaires ont donc été introduits, qui n’existaient pas au début de la guerre. Ceci juste pour occuper les élèves-pilotes dans une salle de classe entre deux vols et leur éviter de s’encroûter. Ce contrôle du flux de personnel indique combien la pénurie d’approvisionnement en carburant actuelle que causent nos bombardiers, est efficace pour couper du service actif toute une génération de jeunes élèves-pilotes. Ceci contribue à affaiblir la valeur combative de la Luftwaffe dans des proportions importantes.
Figure 6. Des Junkers Ju-52 sur un terrain en Allemagne.
L’élève-pilote de l’école des bombardiers débute d’abord avec le Junkers Ju-52, le fameux trimoteur en tôles ondulées. Puis, il passe sur Heinkel He-111 et Junkers Ju-88. S’il se destine aux vols de reconnaissance alors il passe sur Dornier Do-17. L’instruction en vol repose notamment sur l’apprentissage du vol sans visibilité. L’élève-pilote apprend également à effectuer à la perfection une manœuvre particulière qui consiste à décoller puis monter à 500 m d’altitude rapidement suivi d’un virage plat à 180°, sans utiliser l’autopilote à aucun moment.
Les élèves-pilotes de bombardier reçoivent un cours spécial de pilotage sans visibilité qui dure six semaines. Ce cours utilise à certains moments un simulateur, c’est le seul cas où un simulateur est utilisé pour former des pilotes de la Luftwaffe.
Ceux qui passent par ce cours peuvent recevoir à son issue trois types de certificat. Le premier type de certificat est destiné aux instructeurs, pas aux élèves. Le second type de certificat est destiné à récompenser ceux qui peuvent voler par tous les temps. Tous les autres élèves-pilotes reçoivent alors le certificat du troisième type qui est un certificat simple indiquant que le titulaire a bien reçu des cours de vol sans visibilité.
L’école des chasseurs, la Jagdfliegerschule, est, assez curieusement, moins prestigieuse que celle des bombardiers, on la considère comme « l’école-compagnon » de l’école des bombardiers, du moins tant qu’on s’intéresse au prestige. Chez nous, c’est plutôt l’inverse.
Le cours de pilotage dans l’école des chasseurs débute par une série de décollage-atterrissage effectués sur des Stieglitz ou des Bucker Jungmann. Puis, très vite, l’élève-pilote passe sur Arado Ar-96 pour une série de 20 cycles décollage-atterrissage. Les cinq premiers vols sur Ar-96 sont en double-pilotage avec l’instructeur. Puis l’élève-pilote est lâché en solo pour les quinze autres vols. Enfin, après cette formation, l’élève-pilote passe sur Messerschmitt 108 pour une nouvelle série de 20 vols.
A l’issue des tous ces vols, l’élève-pilote entame alors dans son instruction au combat aérien et au vol en formation. A l’issue de cette formation, on attend que l’élève-pilote soit capable de voler en formation à une distance maximale de 75 mètres de l’avion de son instructeur. Puis vient, enfin, le passage sur Messerschmitt Me-109D ou E tout en apprenant en même temps la pratique des virages en formation à 90° ou à 180°.
Les pertes humaines dans ces écoles de pilotage Nazi sont très élevées. En 1940, la moyenne des pertes humaines dans chaque classe de 60 élèves-pilotes était de 27 tués, près de la moitié ! En 1940, de un à deux élèves par promotion quittaient l’école de chasse à cause d’une crise de nerf.
Depuis les pertes ont été quelque peu diminuées, le Commandement a ordonné d’être moins stricts sur les distances entre avions dans les vols en formation, là où la majorité des accidents avait lieu. Cependant, et malgré cela, les pertes dans la formation des pilotes de la Luftwaffe dépassent, et de très loin, celles observées dans les écoles de pilotage des Nations Unies.
Une fois que l’élève-pilote a survécu à sa formation, il rejoint un Erganzungs Jagdgruppe, ou Escadrille d’Entraînement Complémentaire. Il continue à y suivre une instruction intensive aux vols de combat et en formation. Peu de temps après, il reçoit son affectation à une unité de combat.
Figure 7. Schéma récapitulant les étapes de la formation des pilotes de la Luftwaffe. Commençant par le haut, dans un régiment de formation des pilotes, l’élève-pilote passe ensuite toutes les différentes étapes jusqu’à , à la fin, il soit affecté à une unité combattante.
Si, maintenant, l’élève-pilote se destine à être un officier dans la Luftwaffe, alors il suivra un chemin un peu différent. Il doit d’abord signer un engagement de 25 ans dans la Luftwaffe. Rien de moins ! Ensuite il suit le même chemin d’écoles successives que les autres élèves-pilotes. Avant la guerre, les Nazi qui recherchaient à promouvoir l’esprit de camaraderie entre combattants quel que soit leur grade, renvoyait plusieurs fois les élèves-officiers des Luft Kriek Schule (l’Ecole des cadets) dans les écoles pour élèves-pilotes. Mais, assez vite après le début de la guerre, cette pratique fut abandonnée. Il fallait former les officiers plus rapidement du fait des pertes.
Dans l’école des cadets, l’élève-officier reçoit le grade de lieutenant après 18 mois de cours intensifs et à l’issue, réussie, d’un examen écrit assez rigide portant sur plusieurs matières : tactiques de combat, le commandement des hommes, l’administration de la Luftwaffe, et les connaissances générales.
Figure 8. Un examen en plein air et en combinaison de combat dans la Luftwaffe.
L’Allemagne Hitlérienne avait une vaste réserve de pilotes parmi les écoles de vol à voile des Hitlerjugend (Les Jeunesses Hitlériennes) qu’on trouvait alors dans chaque aérodrome allemand. Au début de la guerre, en 1939, tous les pilotes brevetés de planeurs qui étaient passés par les écoles de vol à voile des Jeunesses Hitlériennes mais qui n’avaient pas continué furent alors rappeler et placer d’office dans les A/B Schule mais dans la branche spéciale du Corps des Pilotes de Planeurs.
Plusieurs degrés de brevet de pilote de planeur étaient alors attribués aux élèves-pilotes à l’issue de leur formation. Le brevet le plus convoité, le brevet L, n’était remporté que par ceux qui avaient réussi huit vols de nuit, des vols sans visibilité et huit vols avec l’habitacle du planeur entièrement rempli de sacs de sable. Ils avaient dû également effectuer avec succès plusieurs vols sur planeur sur de longues distances à travers l’Allemagne.
Une telle sélection n’était pas étonnante. Toutes les escadrilles de Junkers Ju-87 Stuka utilisent des planeurs Gotha Go-242 pour l’approvisionnement de l’escadrille en munitions, en pièces de rechange et en bombes. Les planeurs Go-242 sont équipés pour servir d’atelier mobile de réparation et aussi pour le transport ambulancier en cas de besoin. Ceci permet aux Stukas d’avoir en permanence tout e qu’il faut sous la main quand ils se déplacent de base en base, notamment sur le front russe. Des camions mettraient beaucoup plus de temps pour aller d’une base à l’autre. Les camions sont en outre des cibles faciles pour les partisans.
Figure 9. Le planeur Ă tout faire Gotha Go-242 quelque part sur le front russe.
Les mécaniciens de la Luftwaffe sont sélectionnés parmi tous les ouvriers de l’Allemagne. Ils sont formés aux frais de l’Etat et seuls les meilleurs d’entre eux sont retenus pour servir dans les unités de la Luftwaffe.
La Luftwaffe aujourdhui
Qu’en est-il du pilote de la Luftwaffe ? Que sait-on du genre d’homme qu’il est ? A quoi ressemble-t-il ? Quel est son salaire ? Quel est son moral après les campagnes désastreuses de la Luftwaffe au-dessus de l’Angleterre et du front russe ? Comment réagit-il face aux formations de centaines de Forteresses Volantes de l’US Army Air Force, formations compactes hérissées de milliers de mitrailleuses ? Sait-on quoi que ce soit à ces sujets ?
Son uniforme est bleu-gris avec un blouson ouvert sur le dessus dont la taille rappelle celle des blousons de nos aviateurs. Il porte une chemise blanche avec une cravate noire, qui doit réglementairement être parfaitement nouée, et un pantalon également bleu-gris.
L’insigne des Forces Aériennes, porté par tout soldat de la Luftwaffe quel que soit son rang, est un aigle stylisé, ailes déployées, qui agrippe entre ses serres une svatiska. L’insigne est porté au-dessus de la poche supérieure de droite du blouson, au niveau du cœur. L’insigne des pilotes de reconnaissance est identique sauf que la svatiska est entouré d’une couronne et que l’homme porte cet insigne à gauche.
Des couleurs différentes, portées sur les épaulettes et au col du blouson, distinguent les différentes sections de la Luftwaffe. Le dessin des badges et des épaulettes permet de distinguer les différents rangs. Ces mêmes couleurs sont également portées sur la casquette et sur le col du manteau :
- Le jaune indique les pilotes,
- le rose les ingénieurs et mécaniciens,
- le noir le génie,
- le bleu foncé le service de santé,
- le rouge la Flak,
- le brun les transmissions,
- le bleu clair les soldats de la réserve,
- le carmin les officiers supérieurs,
- le vert la police,
- et le blanc pour l’élite de la Luftwaffe, l’état-major du Reichsmarschall Goering.
Les généraux portent une bande blanche galonnée le long de leur pantalon.
Figure 10. Les divers insignes des officiers de la Luftwaffe. En plus de ces insignes, les uniformes du personnel de la Luftwaffe indiquent par des couleurs différentes les branches différentes auxquelles le personnel est affecté.
Une estimation correcte des salaires versés aux officiers supérieurs est délicate car les primes exceptionnelles sont très nombreuses et dépendent du rang, des capacités de l’officier telles que constatées au feu, de la durée de leur engagement, de leur lien avec des personnalités Nazi de haut rang. L’un dans l’autre, on peut dire que les salaires reçus s’élèvent avec le rang et qu’ils sont, pour les officiers supérieurs assez proches de ceux touchés par les officiers supérieurs de l’USAAF. Bien que dans ce dernier cas, les primes ne soient pas nombreuses.
Pour les officiers et les sous-officiers, c’est plus simple de répondre. Si un simple soldat de l’USAAF touche 50 dollars par mois (NdT 50 dollars de 1944 représentent le même pouvoir d’achat que 726 dollars aujourd’hui), le salaire allemand est plus bas, de l’ordre de l’équivalent de 20 dollars par mois. Si un lieutenant de la Luftwaffe touche l’équivalent de 90 dollars par mois, un lieutenant de l’USAAF reçoit 291 dollars par mois. Enfin, un hauptman de la Luftwaffe est payé l’équivalent de 150 dollars par mois alors que son équivalent américain, un capitaine de l’USAAF, touche 432 dollars mensuel (NdT : soit une solde incroyable de 6274 dollars d’aujourd’hui !).
Figure 11. Décorations en usage dans la Luftwaffe. Salaires comparés entre le personnel de la Luftwaffe et celui de l’USAAF.
Les pilotes d’active de la Luftwaffe appartiennent à une organisation militaire très rationnelle et très hiérarchisée. Les grandes décisions stratégiques sont prises par l’Obercommando der Wermacht – Hitler lui-même en d’autres termes – puis les décisions d’Hitler sont passées à une coterie d’individus très proches de lui qui vont exprimer la volonté du Führer dans les faits. Cette coterie, pour la Luftwaffe, se limite au seul Goering. Donc Goering lui-même annonce la mauvaise nouvelle à l’un de ses généraux en charge d’une Luftflotte, la décision stratégique de Hitler est alors transcrite en termes opérationnels.
L’opérationnel est divisé en deux groupes. La moitié « volante » est appelée un Fliegerkorps, constitué habituellement de 81 avions divisés en trois escadrilles de 27 avions chacune. Chaque escadrille est toujours constituée du même genre d’avions, mais les trois escadrilles peuvent ne pas être constituées du même genre d’avions. Certains fliegerkorps comprennent trois escadrilles de chasseur, soient 81 chasseurs. D’autres comprennent 27 chasseurs, 27 bombardiers, et 27 transports. Etc. Tout est flexible et change selon la stratégie décidée en haut lieu. Pour que la moitié « volante » vole, on lui adjoint une moitié administrative et de ravitaillement, la luftgau. Une luftgau regroupe trois commandement de terrains d’aviation avec, pour chaque commandement, trois terrains d’aviation différents. Ainsi donc, l’unité combattante de base de la Luftwaffe est constituée de 81 avions, un fliegerkorps, basés sur neuf aérodromes, une luftgau.
Ceci est vrai sur le papier. Dans la chaleur du combat, l’organisation opérationnelle peut changer. L’unité de base devient alors tout simplement un staffel sur un aérodrome. Un staffel regroupe neuf avions. Chaque escadrille regroupe donc trois staffels. Les staffels sont les vraies unités combattantes de la Luftwaffe.
Lorsque le commandement allemand imaginait quelle parade il pourrait opposer aux formations de bombardiers lourds de l’USAAF en route pour détruire la machine de guerre allemande, c’est en staffels qu’il pensait. Ce sont les staffels qui forment la ligne de front de la défense allemande. Quelquefois, un staffel peut être réduit à seulement quatre appareils survivants, cachés quelque part sur un terrain secret non-aménagé au cœur du Reich. D’autres fois, au contraire, un groupe de renfort arrive et le staffel est alors formé de dix avions. Des pilotes de Forteresses Volantes ont même récemment annoncé au retour de missions de bombardements au-dessus de l’Allemagne qu’ils avaient vu des formations de 15 et même 20 chasseurs les attaquer en formation en ligne. Cela veut dire que la Luftwaffe a récemment constitué des staffels de 15 avions, bien loin des neuf réglementaires. C’est la réponse apportée par les allemands au gigantesque effort de guerre des bombardiers lourds de la RAF et de l’USAAF qui attaquent maintenant par centaines l’Allemagne chaque semaine, voire plusieurs fois par semaine. Depuis que notre offensive aérienne a atteint un tel degré de gigantisme, les Nazi ont mis l’accent sur le pré-positionnement de plus en plus de chasseurs le long des couloirs empruntés régulièrement par nos bombardiers. Leurs propres bombardiers étant relégués à des missions subalternes, des petits raids de nuisance au-dessus de l’Angleterre et des actions de soutien au sol sur le front russe.
Que le staffel regroupe 5 ou 9 ou même 15 avions est accessoire, car il reste l’unité de base de la vaste chaîne de commandement de la Luftwaffe. Une telle organisation est à la fois très flexible et très hiérarchisée. Cependant, n'oublions pas qu’en ce moment, les staffels de chasseurs sont utilisés à la limite nerveuse et de fatigue des pilotes. Contrairement à nos pilotes, les pilotes allemands ne connaissent pas le roulement avec l’arrière. Il n’y a aucun « arrière » dans l’Allemagne Nazie.
La plus grande erreur qui circule sur le compte du pilote de la Luftwaffe, sauf bien sûr parmi ceux d’entre nous qui les ont combattu dans les airs, c’est que ce pilote serait une sorte de robot Nazi qui obéit sans se poser de questions, ne peut pas improviser et, surtout, agit avec une rigueur lente toute germanique, un peu comme les serveurs bavarois. C’est totalement faux. Rien n’est plus loin de la vérité. Non seulement le pilote allemand est coriace, mais en plus il peut être extrêmement dangereux et vif.
Une des explications est la sélection des jeunes pilotes. Rappelons simplement que Goering veut la crème de la jeunesse nazie pour sa Luftwaffe. Les pilotes de la Luftwaffe sont donc tous les meilleurs jeunes hommes de l’Allemagne, intelligents, sportifs et fanatisés. Une autre explication est la manière dont les jeunes pilotes de la Luftwaffe sont formés à obéir aux ordres et leurs positions, très à part, dans l’organisation militaire nazie. Bien que tenus dans la main de fer du commandement de la Luftwaffe, les pilotes sont des privilégiés dans la hiérarchie militaire allemande. Ils ont des permissions spéciales, que n’ont pas les soldats de la Wermacht ou de la Kriegsmarine, ils ont des rations nettement améliorées et les bars des bases aériennes allemandes sont réputés. Surtout, le pilote allemand apprend à être le seul maître à bord de son avion quand un cas d’urgence se présente et qu’il doit rompre la formation. Enfin une troisième explication tient dans les hommes exceptionnels, tel Ernst Udet, qui créèrent au début des années 1930 la Luftwaffe actuelle. Ces pilotes, Goering y compris, étaient tous des survivants de la guerre aérienne précédente qui avaient encore à l’esprit l’atmosphère de liberté et de camaraderie très particulière qui était celle des escadrilles allemandes pendant la première guerre mondiale. Ces hommes-là réussirent à maintenir et recréer cet état d’esprit quand les nazis entreprirent de reformer la Luftwaffe. Les nazis leur donnèrent carte blanche (NdT : en français dans le texte) et leur permirent d’improviser comme ils le souhaitaient. Cet état d’esprit combattant et un peu libertaire des pilotes de la Luftwaffe, bien que fortement assombri par les revers subis contre la RAF et l’USAAF, est encore très vivace.
Il s’ensuit que les pilotes de bombardier, de planeur et de chasse de la Luftwaffe sont fortement jalousés par tous les autres nazis en uniforme. Du même coup, les pilotes de la Luftwaffe vivent à part en suivant leurs propres règles. Néanmoins, ceci n’a pas empêché que des changements très rapides soient apportés quand la situation l’exigeait. Ainsi, après l’échec allemand dans la Bataille d’Angleterre, le top de la sélection des pilotes allemands glissa un peu du pilotage des bombardiers vers la chasse. Toute la formation et les cours mirent petit à petit de plus en plus l’accent sur la chasse et le combat aérien.
Lorsqu’il fut question de conquérir la Crète, le Haut Commandement se rendit compte très vite que la Crète pouvait être prise en utilisant des planeurs. Les cours et la formation à cette époque portèrent alors tout à coup beaucoup plus sur le pilotage des planeurs et, en l’espace de quelques semaines des escadrilles de planeurs furent créées avec un fort contingent de jeunes pilotes bien formés.
Lors des grandes opérations de bombardement de notre 8ème Force Aérienne, les pilotes de chasse allemands mouraient comme des mouches sous le feu des mitrailleuses de nos Forteresses Volantes. Un point aveugle, qui nous avait échappé, fut alors découvert par un pilote allemand dans la zone couverte par les mitrailleuses du B-17. En l’espace de quelques jours, toute la chasse allemande connaissait ce point aveugle et une manœuvre d’attaque spéciale fut aussitôt mise au point et adoptée par toutes les escadrilles, ce qui nous causa de grandes pertes.
C’est quotidiennement qu’on doit faire face à des nouveautés issues de l’esprit de ressource et d’improvisation des pilotes allemands. Au début de la guerre, les commandants d’escadrille allemands étaient toujours présents dans les formations en vol, et prenaient une part particulière au combat. La tactique allemande était alors que les pilotes alliés seraient étourdis, pour ainsi dire, par une meute de jeunes pilotes allemands moins aguerris qui les harcèleraient dans toutes les directions. Quand le pilote allié était bien « cuit » à ce petit jeu, le commandant d’escadrille intervenait pour donner le coup de grâce. Là aussi, il semble que les choses aient changé depuis les défaites aériennes allemandes des dernières années. Nous avons ainsi appris, tout récemment, que lors du grand raid de nos bombardiers sur Regensburg (NdT : il s’agit du grand raid sur Schweinfurt-Regensburg, la mission n°84, de la 8ème Air Force du 17 août 1943. 376 bombardiers B-17 y participèrent mais, sans aucune protection aérienne de chasseurs au-dessus du territoire allemand, ils furent attaqués par environ 400 chasseurs allemands. Les pertes furent de 155 B-17 abattus ou endommagés au-delà de toute réparation possible, soit 41% des effectifs engagés et 600 hommes manquants. 27 des chasseurs allemands furent abattus par les mitrailleurs des B-17. Pendant deux mois, l’USAAF ne put lancer aucun raid aérien tant les pertes furent importantes), le commandant allemand de la chasse était présent à bord d’un Messerschmitt Bf-110 qui se tenait en permanence à distance respectueuse de nos bombardiers. Il commandait et coordonnait en temps réel par radio les attaques de tous les chasseurs sur nos bombardiers. Il ne tira lui-même aucune salve durant cette attaque tragique.
C’est aussi la Luftwaffe, dans son effort permanent pour endiguer le flot de nos Forteresses Volantes venant d’Angleterre, qui développa les roquettes aériennes qui causent pas mal de dégâts à nos bombardiers. Une bonne indication de l’esprit inventif des gars de la Luftwaffe.
Un même esprit inventif est aussi à l’œuvre chez le personnel au sol de la Luftwaffe. Les contrôleurs aériens nazis sont positionnés dans toutes les zones de combat. Ils détectent, suivent en temps réel les directions suivies par nos formations, mettent en alerte les batteries de Flak sur ces axes, déclenchent les alertes dans les villes suspectées d’être la cible, et dirigent les chasseurs vers les formations détectées. C’est pendant la campagne d’Afrique, au sein de l’Afrikakorps, que ce système a été mis au point, en même temps qu’était mis au point pour la première fois l’utilisation massive de l’aviation de transport pour acheminer (et évacuer aussi) les troupes, munitions, et armement neuf. Les contrôleurs allemands ne sont pas fainéants, ils sont même terriblement efficaces pour deviner quelle est la cible de nos formations de bombardiers qui suivent pourtant des itinéraires en zigzag. Ils ne commirent une erreur qu’une seule fois, lors du bombardement de Leipzig par la 8ème Force Aérienne US (NdT : il s’agit du bombardement de Leipzig du 20 février 1944). Nos bombardiers étaient sur la trajectoire menant habituellement à Berlin. C’était une feinte. Trompés, le contrôle aérien allemand envoya toute la chasse au-dessus de Berlin. Ils y rencontrèrent un ciel vide. Le temps que ces avions retournent à leurs bases, fassent le plein de carburant, et redécollent, nos bombardiers avaient fait leur travail sans aucune opposition et étaient déjà loin sur le chemin du retour en Angleterre.
L’illusion du pilote-robot fanatisé, qui est ancrée chez beaucoup de nos concitoyens, est presque aussi incroyable que l’autre illusion, souvent entendue, qui dit que les avions allemands sont en piteux état, mal conçus et se disloquent en plein vol pour un rien. Il est difficile de comprendre d’où viennent ces rumeurs, peut-être des nazis eux-mêmes ? De telles rumeurs, si on y croit, conduisent à baisser sa garde et, donc, pour nos pilotes crédules à perdre plus facilement un combat aérien par un trop plein d’assurance. Ces rumeurs sont carrément fausses. Totalement fausses !
Cependant si le pilote allemand est plein de ressources, il est aussi très présomptueux. Les pilotes allemands faits prisonniers en Afrique du Nord étaient tellement sûrs de la victoire finale de l’Allemagne qu’ils ne croyaient pas les officiers américains qui les interrogeaient quand ils leur parlaient des bombardements de masse américains qui venaient de commencer en Allemagne. Pour eux, c’était de la propagande américaine pour les intoxiquer.
Une confiance à la Superman était chose courante parmi les pilotes allemands faits prisonniers lors de la bataille d’Angleterre. Chacun d’entre eux, quand ils étaient interrogés par l’intelligence britannique semblait dire l'une de ces phrases soigneusement notées par les officiers du Renseignement britanniques:
- Oui, peut-être, suis-je un prisonnier de guerre désormais, mais ce sera pour peu de temps.
- Oui, peut-être, les bombardements allemands sur l’Angleterre sont de moins en moins puissants. Mais la formidable machine de guerre allemande, où les pilotes de la Luftwaffe jouent le premier rôle, va bientôt briser toute résistance anglaise. C’est certain.
- Pauvres soldats anglais qui viennent de me faire prisonnier, bientôt ce sera votre tour d’être prisonniers.
- Les moyens militaires les plus capables choisis avec soin par Hitler vont donner toute leur mesure. Et les pilotes sont le top du top de ces instruments de guerre.
- Vous, les Anglais, vous allez voir ce que vous allez voir: une belle raclée!. Etc.
Tel était l’état d’esprit courant des premiers pilotes nazis obligés de s’éjecter au-dessus de la campagne anglaise en 1940. Et, en 1944, ils sont encore très rares les pilotes allemands faits prisonniers à douter de l’issue finale, victorieuse pour l'Allemagne, de la guerre.
Quel incroyable aveuglement !
Figure 12. Pilotes Nazis de Messerschmitt Bf-110 parlant de leurs tactiques de combat.
On constate cependant que le moral général excessif des pilotes allemands dans les premiers mois de la guerre, est plutôt en berne ces temps-ci. Mais même avec un moral en chute, la volonté et la détermination guerrière des pilotes de la Luftwaffe restent encore intacts ... pour le moment. Posez donc la question à n’importe quel pilote yankee qui s’est frotté ces derniers temps à un Messerschmitt Bf-109 ou à un Focke-Wulf Fw190 sortant brutalement des nuages. Il vous le dira. Les pilotes allemands sont dangereux, bien formés, bien entraînés et disciplinés. Ils sont des pilotes de premier ordre. Notre Yankee ne dit pas ça pour faire plaisir aux allemands, c’est juste pour nous faire bien comprendre à quel point les pilotes nazis sont bons. Et combien toutes ces rumeurs qui circulent sur eux et sur leurs avions ne sont rien d’autre que de l’imbécilité.
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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Super instructif, merci.
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