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Bonjour les ami(e)s!
De retour aprÚs une longue absence! Le copain américain qui m'avait envoyé le récit d'un colonel de l'US Air Force sur son vol dans un SR-71 (voir mon post ici), m'a envoyé un autre trÚs beau texte sur un vol, dramatique celui-là , sur un SR-71 , le mythique Blackbird.
Il s'agit d'un texte publié dans le Journal des Retraités de Lockheed-Martin sous le titre: "Voici un compte-rendu qui vous hérissera le poil!" et signé d'un de leur chef-pilote d'essai, William (Bill) Weaver. Ce texte relate le pire vol d'essai, sur un prototype SR-71, qu'il effectua durant sa carriÚre de trente ans chez lockheed. Voulant le partager avec vous, je vous l'ai traduit, le voici ... Bonne lecture !!!
DĂ©sintĂ©gration en vol Ă Mach 3.18 dâun SR-71 Blackbird
Par William (Bill) Weaver, Chef Pilote dâEssai chez Lockheed
Dans le monde des pilotes professionnels, il est courant de dire: Piloter ce sont des heures dâennui ponctuĂ©es de quelques moments de pure terreur. Bon ! MalgrĂ© tout, jâai beaucoup de mal Ă me rappeler un seul moment dâennui dans ma carriĂšre de trente ans chez Lockheed comme pilote dâessai. De trĂšs loin, le plus mĂ©morable de mes vols fut celui du 25 janvier 1966.
Jim Zwayer, un ingĂ©nieur des essais en vol chez Lockheed, et moi nous en Ă©tions Ă une longue phase dâĂ©valuation des systĂšmes embarquĂ©s du SR-71 Blackbird alors testĂ© sur la base californienne dâEdwards. Plus prĂ©cisĂ©ment, nous Ă©tudions les moyens de rĂ©duire la trainĂ©e de lâavion afin dâaugmenter ses performances aĂ©rodynamiques Ă Mach Ă©levĂ©. Ceci avait conduit les concepteurs Ă dĂ©placer momentanĂ©ment le centre de gravitĂ© de lâavion plus vers lâarriĂšre que la normale. Cependant, la stabilitĂ© de lâavion Ă©tait fortement rĂ©duite Ă cause de cette modification.
11h20 du matin, Edwards, on dĂ©colle et la premiĂšre partie du vol se passe sans incidents. AprĂšs avoir refait le plein auprĂšs dâun KC-135, je prends la direction de lâEst, accĂ©lĂ©rant progressivement jusque vers Mach 3.2 tout en grimpant Ă 78 000 pieds, notre premiĂšre altitude de croisiĂšre de ce vol dâessai.
AprĂšs quelques minutes en croisiĂšre, le contrĂŽle automatique des systĂšmes dâentrĂ©e de lâair du rĂ©acteur de droite dĂ©tecte un fonctionnement anormal, je passe alors du mode automatique au mode manuel. Les panneaux du systĂšme dâentrĂ©e dâair des rĂ©acteurs du SR-71 sâĂ©taient placĂ©s automatiquement dans une configuration permettant de dĂ©cĂ©lĂ©rer la vitesse du flux dâair supersonique aspirĂ© Ă une vitesse subsonique au contact des parties avant des turbines du rĂ©acteur. Ceci se faisait par un mouvement combinĂ© vers lâarriĂšre de la premiĂšre turbine et par un changement de la configuration des panneaux dĂ©flecteurs de lâavant du rĂ©acteur.
"Normalement" (mais y-a-t-il jamais quelque chose de "normal" dans un vol dâessai ?) ces deux actions sâeffectuent automatiquement et progressivement en fonction de la valeur des Mach, de sorte que lâonde de choc supersonique (lĂ oĂč le flux dâair passe subitement Ă la vitesse subsonique) Ă lâintĂ©rieur du rĂ©acteur soit toujours positionnĂ©e avant les turbines pour des performances optimales du rĂ©acteur. Si le timing de ces deux mouvements nâest pas trĂšs prĂ©cis, des perturbations de lâĂ©coulement de lâair dans lâentrĂ©e du rĂ©acteur peuvent alors aboutir Ă repousser lâonde de choc vers lâavant de lâentrĂ©e dâair du rĂ©acteur. Ce phĂ©nomĂšne rĂ©sulte alors dans le dĂ©veloppement dâun bang supersonique directement dans lâentrĂ©e dâair du rĂ©acteur, ce quâon appelle un inlet unstart.
Et câest bien entendu trĂšs dangereux, la poussĂ©e du rĂ©acteur atteint est alors instantanĂ©ment perdue, une sĂ©rie de bangs trĂšs violents a lieu, et lâappareil se met Ă tanguer trĂšs violemment sur son axe vertical ⊠un peu comme un train qui dĂ©raille et dans lequel certains wagons vont Ă droite des rails et dâautres Ă gauche!
Les unstarts nâĂ©taient pas si rares Ă ce stade du dĂ©veloppement du SR-71 et Ă l'Ă©poque du tout-analogique. Mais, dâhabitude, les systĂšmes de volets Ă lâintĂ©rieur du rĂ©acteur remodelaient immĂ©diatement le flux dâair en replaçant lâonde de choc correctement pour remettre le rĂ©acteur en fonctionnement normal.
Seulement, voilà ⊠quand cet inlet unstart eut lieu, jâavais entrepris un virage Ă droite avec une inclinaison de mon avion Ă prĂšs de 35°. Dans cette configuration de vol, lâarrĂȘt brutal de la poussĂ©e sur le rĂ©acteur droit eut comme consĂ©quence de forcer encore plus lâinclinaison Ă droite tout en relevant son nez. Ma rĂ©action instinctive immĂ©diate fut de mouliner du manche pour le pousser le plus possible Ă gauche et en avant que je pouvais (ou plutĂŽt quâil voulait bien). Aucune rĂ©ponse sur le vol ⊠Rien, malgrĂ© tous mes efforts ! Tout de suite je compris que nous Ă©tions trĂšs trĂšs mal (en anglais: I instantly knew we were in for a wild ride). Ma rĂ©action fut alors de dire Ă mon coĂ©quipier, Jim, ce qui se passait et que nous devions rester dans lâavion jusquâĂ ce que je puisse atteindre une altitude plus basse et une vitesse plus faible. Au mĂȘme moment, je pensais que nos chances de survivre Ă une Ă©jection Ă Mach 3.18 et Ă 78 000 pieds Ă©taient quasi-nulles. Au moment oĂč je commençais Ă parler Ă Jim, les G augmentĂšrent tellement subitement que ce que je prononçais dans le micro Ă©tait plus un gargouillis que des paroles inintelligibles, ce que confirma lâenregistreur de la boĂźte noire quand on le retrouva.
A cette mĂȘme seconde, les effets cumulĂ©s des mauvais fonctionnements des diffĂ©rents systĂšmes sâenchaĂźnant, de la vitesse supersonique, de la trĂšs haute altitude, et dâautres facteurs imposĂšrent brutalement Ă la structure de lâavion des forces excĂ©dant de trĂšs loin ce quâelle pouvait encaisser et empĂȘchant de plus en plus les systĂšmes automatiques de rĂ©cupĂ©rer le contrĂŽle sur le vol. Tout autour de moi se mit Ă se disloquer lentement, au sens propre. Jâappris plus tard quâil nây eut pas plus de 2-3 secondes entre le dĂ©but de lâincident et sa consĂ©quence catastrophique. Mais pas pour moi, tout Ă©tait ralenti, jâessayais encore de communiquer avec Jim quand tout devint noir ; sous lâeffet des G en continuelle hausse, je mâĂ©vanouis.
Câest Ă ce point que le SR-71 se dĂ©sintĂ©gra. Moi, jâĂ©tais inconscient. Quand je commençais Ă Ă©merger, je me souviens avoir pensĂ© que je faisais un mauvais rĂȘve. Je songeais que peut-ĂȘtre jâallais bientĂŽt me rĂ©veiller et Ă©chapper Ă ce foutoir. Mais, au fur et Ă mesure que la conscience revenait, je rĂ©alisais que ce nâĂ©tait pas un rĂȘve mais la rĂ©alitĂ© ! Et alors je fus trĂšs troublĂ©, normalement JE NE POUVAIS PAS AVOIR SURVECU Ă ce qui sâĂ©tait passĂ© : la dislocation en vol dâun avion Ă 78 000 pieds et Ă Mach 3.18 âŠ
La pensĂ©e qui sâimposa alors avec force : jâĂ©tais mort ! Je me sentis tout Ă coup mieux, mĂȘme un petit peu euphorique : la mort nâĂ©tait pas si mal que ça aprĂšs tout. Quand la conscience prit enfin le dessus sur les brumes de lâĂ©vanouissement, je me rendis compte que je nâĂ©tais pas mort mais bien vivant ⊠sauf quâil nây avait plus dâavion autour de moi. Je me demandais comment câĂ©tait possible ⊠puisque je me souvenais trĂšs bien ne pas avoir tirĂ© sur la poignĂ©e dâĂ©jection ! Le son de lâair sur ma combinaison et le bruit dâobjets claquant au vent tout prĂšs de moi me firent prendre conscience que je chutais. La visiĂšre de ma combinaison de vol Ă©tait recouverte dâun voile au travers duquel je distinguais trĂšs mal ⊠je compris quâelle avait gelĂ© et que je voyais Ă travers une croĂ»te de glace qui sâĂ©tait formĂ©e Ă sa surface !
Je compris aussi que ma combinaison pressurisĂ©e avait tenu le coup et sâĂ©tait automatiquement mise en surpression, la bouteille dâoxygĂšne de mon kit de survie avait donc bien fonctionnĂ©. Cette bouteille me fournissait lâoxygĂšne que je respirais mais aussi assurait la pressurisation de ma combinaison ce qui avait empĂȘchĂ© mon sang de bouillir du fait de la haute altitude oĂč lâaccident avait eu lieu. Ce que je ne compris pas Ă ce moment, câest quâen plus de tout ça, ma combinaison avait attĂ©nuĂ© le choc des G et des mouvements violents que mon corps avait subi lors de la dĂ©sintĂ©gration de lâavion. En fait, cette combinaison spĂ©ciale Ă©tait une vraie capsule de survie.
Mon principal souci Ă©tait alors de stabiliser ma chute. La densitĂ© de lâair aux hautes altitudes est insuffisante pour attĂ©nuer les mouvements incontrĂŽlĂ©s du corps en chute libre, mouvements qui peuvent devenir tellement violents que de graves fractures peuvent survenir trĂšs vite. Pour cette raison, le systĂšme de parachute de lâĂ©quipage des SR-71 intĂ©grait deux parachutes, un premier parachute de petite taille se dĂ©ployait en premier juste la sĂ©paration du membre dâĂ©quipage de son siĂšge aprĂšs quâil se soit Ă©jectĂ©. Ce premier parachute stabilisait le corps afin dâempĂȘcher les mouvements de roulis de devenir trop brutaux. Mais comme je nâavais pas volontairement agis sur la poignĂ©e dâĂ©jection, et pensant que la survenue correcte des Ă©vĂ©nements automatiques de contrĂŽle de la chute devait nĂ©cessairement arriver dans une sĂ©quence correcte commençant obligatoirement par « tirer sur la poignĂ©e dâĂ©jection », je me disais que le petit parachute ne sâĂ©tait probablement pas dĂ©ployĂ© ⊠dâoĂč mon angoisse.
Cependant, au bout dâun temps trĂšs court je devais me rendre Ă lâĂ©vidence, je chutais verticalement et sans mouvements anormaux de roulis. Le petit parachute sâĂ©tait donc bien dĂ©ployĂ© automatiquement et faisait son boulot. Mais, quâallait faire mon parachute principal? Il Ă©tait conçu pour se dĂ©ployer automatiquement Ă une altitude de 15 000 pieds. A nouveau lâangoisse me prit car allait-il se dĂ©ployer ou pas puisque nâayant pas tirĂ© sur la poignĂ©e dâĂ©jection je nâavais pas lâassurance que lâautomatisme Ă©tait enclenchĂ©!
Ne voyant rien ou presque Ă travers ma visiĂšre, Ă cause de la glace qui la recouvrait, je ne pouvais pas estimer mon altitude de mĂȘme que je nâavais aucune idĂ©e du temps pendant lequel jâĂ©tais restĂ© inconscient. Quelle pouvait bien ĂȘtre mon altitude ? Je tentais alors dâatteindre la poignĂ©e de dĂ©ploiement du parachute qui Ă©tait quelque part sur ma combinaison ⊠mais mes mains frigorifiĂ©es et ma combinaison gonflĂ©e Ă bloc mâempĂȘchĂšrent dâexplorer bien loin, jâabandonnais cette tentative. Alors je dĂ©cidais dâouvrir ma visiĂšre, et au moment oĂč jâallais le faire, je sentis la secousse dâouverture du parachute principal. Il sâĂ©tait bien ouvert automatiquement aussi. Je remerciais alors mentalement les gars du dĂ©veloppement qui nâavait pas mis « trop » de contraintes sur les automatismes de sĂ©curitĂ©.
Ayant atteint ma visiĂšre, je constatais alors que son systĂšme externe Ă©tait cassĂ© ⊠je devais pour la maintenir ouverte la tenir en permanence relevĂ©e sinon elle coulissait et revenait en position me cachant alors la vue. En la maintenant relevĂ©e, je vis un magnifique ciel dâhiver bien clair avec une visibilitĂ© illimitĂ©e. A peu prĂšs Ă un quart de mile, je vis le parachute de Jim lui aussi dĂ©ployĂ©, ce qui me rassura fortement sur mon copain. Je pensais vraiment que personne ne pouvait survivre Ă une dĂ©sintĂ©gration en plein vol dâun SR-71, aussi de voir le parachute de Jim me mit le moral au zĂ©nith.
En dessous, je vis un sinistre panache de fumĂ©e sâĂ©lever au-dessus de la terre, lĂ oĂč notre avion sâĂ©tait Ă©crasĂ© Ă quelques miles. Le terrain sur lequel nous descendions, Jim et moi, Ă©tait plutĂŽt dĂ©solĂ© et nâapparaissait pas trĂšs amical. Un haut plateau dĂ©sertique, des endroits enneigĂ©s ici et lĂ et aucune habitation.
Je tentais alors dâatteindre les poignĂ©es de contrĂŽle de mon parachute pour me retourner et voir ce quâil y avait derriĂšre. Mais avec une main maintenant la visiĂšre, et les deux mains totalement frigorifiĂ©es, je ne pouvais pas manipuler correctement ces poignĂ©es et je ne rĂ©ussis pas Ă me retourner. Tout ce que je savais, câest quâavant de se dĂ©sintĂ©grer, jâavais entamĂ© un virage au-dessus du point oĂč les trois Ă©tats du Nouveau Mexique, du Colorado et du Texas se touchent. Le rayon de virage Ă haute vitesse du SR-71 Ă©tant dâenviron 100 nautiques, je ne pouvais mĂȘme pas calculer quel Ă©tait lâEtat en dessous de nous. En regardant ma montre, je vis quâil Ă©tait dĂ©jĂ 15 h, nous allions passer toute la nuit en bas câĂ©tait certain.
Vers 300 pieds, je relargais mon kit de survie pour quâil se dĂ©tache et se mettent Ă pendre au bout dâune longue laniĂšre, loin de moi. Ceci avait pour but dâĂ©loigner cet Ă©quipement parce quâau cas oĂč on atterrissait avec cet Ă©quipement trĂšs lourd et massif encore sur son derriĂšre (en français dans le texte : I wouldn't land with it attached to my derriere), on pouvait se blesser gravement voire mĂȘme se casser une jambe! Puis je me remĂ©morais alors tout ce que ce kit contenait ainsi que les techniques de survie que jâavais apprises Ă lâentraĂźnement.
Regardant Ă mes pieds, je vis juste en dessous un gros animal, une antilope sans doute, je descendais droit dessus ⊠Apparemment, lâanimal fut tout aussi surpris que moi car levant les yeux sur moi fonçant sur lui, il dĂ©tala aussitĂŽt.
Mon tout premier saut en parachute se termina plutĂŽt bien. Mes pieds touchĂšrent le sol doucement, et, coup de chance, il nây avait ni rochers, ni antilopes, ni serpent Ă sonnette, ni cactus lĂ oĂč je mâaffalais au sol. Mon parachute claquant au vent, qui soufflait fort, je me dĂ©battais au sol pour tenter, avec la main qui ne tenait pas la visiĂšre gelĂ©e, de le retenir. « Puis-je vous aider ? » entendis-je. AĂŻe aĂŻe, est-ce je commençais Ă avoir des hallucinations, Ă entendre une voix en plein dĂ©sert ? Soudain, une ombre se matĂ©rialisa devant moi avec un magnifique chapeau de cow-boy sur la tĂȘte. Me relevant un peu, je vis aussi un petit hĂ©licoptĂšre posĂ© Ă une courte distance. Je me dis que si jâavais Ă©tĂ© Ă la base Edwards pour un exercice du mĂȘme genre en sautant au-dessus du Lac Rogers, les gars du secours ne seraient jamais arrivĂ©s aussi vite que ce cow-boy !
Ce cow-boy Ă©tait Monsieur Albert Mitchell, Jr., le propriĂ©taire du ranch du nord-est du Nouveau Mexique sur lequel je venais juste de poser le pied. Sa maison nâĂ©tait quâĂ 1 mile Âœ dâici et il possĂ©dait ce petit hĂ©licoptĂšre Hughes Ă deux places que je voyais. Encore sous le coup de la surprise de le voir si vite, je lui dis que jâavais un souci avec mon parachute. Il sâĂ©loigna, plia grossiĂšrement la voile et la mis sous quelques pierres. Revenu vers moi, il me dit quâil avait vu les deux parachutes dĂ©ployĂ©s trĂšs haut dans le ciel et quâil avait tout de suite prĂ©venu par radio (dans lâordre) la police du Nouveau Mexique, lâUS Air Force, et le plus proche hĂŽpital.
Me dĂ©barrassant de mon harnais, je me retournai (enfin !) et je compris dâoĂč venaient les bruits de claquements au vent que jâavais entendu dĂšs que jâavais repris connaissance lĂ -haut. Ma ceinture de sĂ©curitĂ© ainsi que des bouts lacĂ©rĂ©s de tissus de mon siĂšge Ă©taient encore attachĂ©s Ă ma combinaison.
Des morceaux de ma ceinture ventrale pendaient de mes hanches, lĂ oĂč les systĂšmes mĂ©talliques de rĂ©glage lâavaient coupĂ©e net. Des morceaux de mon harnais de sĂ©curitĂ© ainsi que des morceaux du siĂšge pendaient de la mĂȘme façon dans mon dos. Et je compris alors que le siĂšge Ă©jectable nâavait JAMAIS quittĂ© lâavion ! Des forces incroyables mâavaient littĂ©ralement arrachĂ© du siĂšge avec ma ceinture et mon harnais encore fixĂ©s Ă ma combinaison.
Je vis aussi que lâune des deux lignes qui fournissait de lâoxygĂšne Ă ma combinaison Ă©tait en miettes, lâautre Ă©tait intacte mais pas mal abĂźmĂ©e. SI cette deuxiĂšme ligne sâĂ©tait rompue, alors je nâaurais pas eu de pressurisation de ma combinaison ni dâoxygĂšne Ă respirer. Câest Ă ce moment que je compris vraiment quel degrĂ© de protection une combinaison de pressurisation peut apporter.
Ce qui me laissa sans voix pendant un moment, câest de considĂ©rer que des forces capables de dĂ©sintĂ©grer un avion, de casser net les courroies en nylon renforcĂ© des ceintures et harnais de sĂ©curitĂ©, ne mâavaient infligĂ© que quelques bleus et un petit dĂ©but de torticolis. Encore une fois, je remerciais mentalement les concepteurs de cette petite capsule de survie portative quâest une combinaison.
A ce stade, Mitchell me tira de ma rĂȘverie en disant quâil allait voir mon coĂ©quipier qui avait atterri un peu plus loin. Dix minutes aprĂšs, il posait son petit hĂ©licoptĂšre et mâannonça une bien triste nouvelle, mon pote Jim Ă©tait mort. Apparemment, il avait eu le cou brisĂ© lors de la dĂ©sintĂ©gration de lâavion, ce qui lâavait tuĂ© net.
Il me dit ensuite que lâun de ses cow-boys allait venir et veiller le corps de mon coĂ©quipier en attendant que les autoritĂ©s arrivent. Je demandais Ă aller voir Jim, je constatais alors que plus rien nâĂ©tait nĂ©cessaire pour lui et je dis Ă Mitchell quâil pouvait me conduire Ă lâhĂŽpital de Tucumcari, Ă environ 60 miles au Sud.
Pour tout dire, je me souviendrai longtemps de ce petit vol en hĂ©licoptĂšre ! Je connais mal ces engins, mais je connais trĂšs bien les « lignes rouges » ⊠et Mitchell se fit un malin plaisir Ă maintenir sa vitesse de vol bien au-delĂ de la « ligne rouge » pendant tout le vol. Le petit hĂ©licoptĂšre vibrait de partout et me secouait bien plus quâil nâaurait dĂ». Je dis alors au cow-boy qui pilotait que : OK je vais bien, pas la peine de vous presser ! Ce Ă quoi il rĂ©pondit que, certainement pas, le personnel de lâhĂŽpital nous attendait et il fallait donc y aller le plsu vite possible ! Alors je me dis quâil serait vraiment ironique que je meurs Ă ce moment-lĂ aprĂšs avoir survĂ©cu Ă un premier dĂ©sastre aĂ©rien !
A mon grand Ă©tonnement, nous arrivĂąmes sains et saufs âet trĂšs vite- Ă lâhĂŽpital. Une fois dans les locaux, je contactais le bureau des essais en vol de Lockheed Ă Edwards. LâĂ©quipe lĂ -bas savait dĂ©jĂ pour la catastrophe ; ils avaient brutalement perdu le contact radio et radar, et reçu un avis de la chute dâun avion au mĂȘme endroit. Sachant quâelles Ă©taient nos conditions de vol au moment de lâaccident, ils sâattendaient Ă nâavoir aucun survivant. PassĂ© leur grande joie de mâavoir vivant, je leur expliquais ce qui sâĂ©tait passĂ© exactement juste avant lâaccident.
Le lendemain, aprĂšs avoir quittĂ© lâhĂŽpital, jâĂ©tais assis dans le simulateur de vol du SR-71 Ă la base aĂ©rienne de Beale en Californie. On entra les conditions de vols et de panne et le rĂ©sultat fut ⊠identique. Des mesures furent immĂ©diatement prises pour limiter et prĂ©venir la survenue du mĂȘme genre dâaccident sur la flotte des SR-71. Le centre de gravitĂ© des Blackbird fut ramenĂ© lĂ oĂč il Ă©tait au dĂ©but, vers lâavant de lâavion. Et le problĂšme de la traĂźnĂ©e fut dĂ©sormais Ă©tudiĂ© par des moyens aĂ©rodynamiques au sol. Le systĂšme de contrĂŽle dâentrĂ©e du flux dâair fut amĂ©liorĂ©, et un systĂšme digital automatique fut dĂ©veloppĂ© (nous Ă©tions en 1966 !!). Les â inlet unstart » devinrent trĂšs rares !
LâenquĂȘte accident dĂ©montra que notre avion sâĂ©tait dâabord brisĂ© en deux juste derriĂšre le cockpit arriĂšre (lĂ oĂč Ă©tait assis lâingĂ©nieur de vol), ce morceau de lâavion sâĂ©tait Ă©crasĂ© Ă 10 miles de lâĂ©pave principale. Cette Ă©pave principale Ă©tait en fait une collection de menus morceaux rĂ©partis dans un rectangle de 15 miles de long et de 10 miles de largeur. Ce qui nous avait arrachĂ©s trĂšs brutalement Ă nos siĂšges, câĂ©tait une combinaison ahurissante de G Ă©levĂ©s Ă©voluant trĂšs brutalement du positif au nĂ©gatif. La seule explication qui a Ă©tĂ© envisagĂ©e pour expliquer le fait que je me sois tirĂ© vivant et sans aucune blessure dâun tel accident est ⊠ma bonne Ă©toile.
Deux semaines plus tard, je me rasseyais aux commandes dâun SR-71 flambant neuf qui venait juste de sortir de la chaĂźne de montage de Palmdale. CâĂ©tait mon premier vol aprĂšs lâaccident. Sans doute, lâingĂ©nieur dâessai assis derriĂšre moi devait-il ĂȘtre un peu angoissĂ© sur la confiance que jâavais en moi et sur mon Ă©tat dâesprit. En effet, Ă peine avions-nous quittĂ© la piste avec la pleine poussĂ©e, que jâentendis sa vois trĂšs anxieuse hurler dans mes Ă©couteurs : « Bill, Bill, tu es lĂ ???????? ». « Bien entendu que je suis lĂ , George ! Quâest ce qui se passe ? ». âAh Dieu merci! Jâai cru que tu venais de tâĂ©jecter!!!!!!!â Le cockpit arriĂšre du SR-71 nâavait presquâaucune ouverture sur lâextĂ©rieur, juste un tout petit hublot de chaque cĂŽtĂ©, et Georges ne pouvait pas me voir. Une grosse lumiĂšre rouge sâĂ©tait allumĂ©e sur son panneau dâalarme au moment mĂȘme oĂč lâavion dĂ©collait avec comme mention : « Ejection du pilote ». Heureusement, la cause de cette alarme est que jâavais mal positionnĂ© la commande de mon micro, pas que je mâĂ©tais Ă©jectĂ© !
Impressionnant, non ?
Bons vols
Philippe
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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salut,
Merci encore pour cette traduction.
Quand on y pense, les premiÚres lignes sont déjà hallucinantes :
accélérant progressivement jusque vers Mach 3.2 tout en grimpant à 78 000 pieds
.
Son premier saut en parachute, départ Mach 3.12 / 78000 ft.
Le temps de se poser, un hélico déjà la ...
Dommage pour son méca nav...
Et encore merci Ă toi pour la traduction !
A+, Antoine
Mon blog : http://blog.arogues.org
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Salut Philippe !
Merci pour ce partage et cette traduction .
C'est un récit impressionnant à tout point de vue ; c'est incroyable que ce gars s'en soit sorti comme çà !
Bernard .
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Salut, juste pour te dire que j'adore lire les récits de vol de cet avion de légende et je te remercie énormément pour les partager!
C'est drÎlement impressionnant à lire en tout cas, si on en avait fait un film sans que ce soit réellement arrivé j'aurais dis que le scénario était vraiment peu crédible, mais là ça fait froid dans le dos...
Lao Tseu l'a dit, il faut trouver la voie!
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Pareil pour moi!
C'est le deuxiĂšme rĂ©cit du genre que tu partage en peu de temps, Ă chaque fois je les lits avant d'aller de me coucher (sans le faire exprĂšs), et ça me fait rĂȘver avant de m'endormir! Avant je ne intĂ©ressait pas trop au BlackBird mais maintenant je trouve que c'est un avion exceptionnel et unique en son genre!
Je suis vraiment passionné par ces histoires, elles sont vraiment super, merci Philouplaine de les avoir partagé et (surtout!) traduit!
Si t'en a d'autres, n'hésite pas à les poster!
le Concorde volera toujours dans nos pensées.....
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Bonsoir les zamis!
Merci beaucoup de vos encouragements bien sympas LaoTseu (le chemin de la sagesse est escarpĂ© dit le sage ... sauf Ă 85000 pieds semble-t-il oĂč il devient carĂ©ment casse-gueule!) et le pilote breton (vive Breizh !!!!!!!) ... Merci encore Ă vous tous. DĂšs que mon ami amĂ©ricain m'envoie un autre texte, je le traduis et zouuuuuuuuuu il sera postĂ© sur le forum, c'est certain. Mais ces textes, comme vous vous en doutez, sont rares. Tout comme ce magnifique avion magique!
Pour un film ... c'ets vrai que ce qui est arrivĂ© Ă ce pilote est assez extraordinaire. Mais rappelez-vous tout de mĂȘme que le gars est un chef-pilote d'essai => des nerfs TRES solides !!!!!!! ça aide!!
Bons vols
Philippe
ouaf ouaf ! bon toutou !!
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des nerfs TRES solides !!!!!!!
Plus solide que les ceintures du siĂšge Ă©jectable du SR-71 apparemment!
DerniĂšre modification par le pilote breton (27-04-2011 18:43:01)
le Concorde volera toujours dans nos pensées.....
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Fabuleux ce récit, comme le premier ! Il devrait y'avoir une compilation de tout ces témoignages sous formes de livre, je l'achÚterais sans problÚmes
Par contre, j'avais déjà lu ce récit la, je serais incapable de me rappeler ou mais un mec qui s'éjecte à 78 000 Ft, qui est récupéré par un Cowboy en hélicoptÚre et qui fait allumé le bouton " éjection " lors de son autre vol, je m'en rappelais trÚs bien
Il n'empĂȘche que ce fĂ»t un plaisir de le relire, merci pour la publication et la traduction
Grégoire.
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Merci pour ce récit qui me rappelle une autre tragédie, celle de la navette spatiale COLUMBIA qui s'est désintégrée également à des vitesses supersoniques et à trÚs haute altitude.
Ca me donne envie de fouiller du coté des combinaisons de vol car celle du pilote de SR71 lui à sauvé la vie mais celle des astronautes clairement non.
a voir.
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Bonsoir philouplaine,
j'avais mis ton récit de coté, et aprÚs l'avoir lu y'a un instant, j'ai été interpellé par cette histoire
Merci pour ton travail de traduction et du partage,
Bons Vols
FIL.
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Merci pour ce récit qui me rappelle une autre tragédie, celle de la navette spatiale COLUMBIA qui s'est désintégrée également à des vitesses supersoniques et à trÚs haute altitude.
Ca me donne envie de fouiller du coté des combinaisons de vol car celle du pilote de SR71 lui à sauvé la vie mais celle des astronautes clairement non.
a voir.
Les puissances et vitesses mises en jeu ne sont pas les memes (et encore moins les altitudes). Columbia a "exploqé" à prÚs de mach 20 et 70 km d'altitude ...
De plus, je ne pense pas que les astronautes aient des parachutes ...
A+, Antoine
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Columbia n'a pas explosé mais s'est desintégré dans les hautes couches. La cause est un un trou dans le bord d'attaque de la voilure lié à la perte de morceaux de mousse de protection du réservoir principal lors du lancement. Le problÚme était connu mais a été négligé par les instances de la NASA. L'équipage n'avait strictement aucune chance de survie
"On n'est pas des ... quand mĂȘme !" Serge Papagalli,
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Impressionnant, non ?
C'est rien de le dire !.
Des récits comme ça j'en redemande.
En plus, c'est bien traduit (quel boulot !) et sans faute.
Merci infiniment, Philippe.
ou pas !...
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youuuhh, ça me laisse sur le cul ce récit. C'est vraiment impressionnant. Il aurait pu aller jouer au loto aprÚs son éjection.
Merci pour la traduction
Quand on pense aux chiffres donnés, c'est énorme Mach 3.20 et FL780. Et encore je pense que si on avait les données des G, ça ferait froid dans le dos.
Dire que 2 semaines aprĂšs il a repris les essais, mĂȘme pas peur le mec. Je me souviens que Pete Mitchell avait eu plus de mal lol!!!!
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LTT pete mitchell => maverick
Goose c'est son nav'
Mais on s'Ă©carte du sujet original
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